La Haute Cour, dans trois arrêts rendus le 3 mars dernier, a apporté des éclaircissements sur l’articulation entre le licenciement et la rupture conventionnelle.
Dans la première affaire (Cass. soc., 3-3-15, n°13-23348), un salarié a fait l’objet de multiples absences injustifiées. L’employeur et le salarié se mettent d’accord pour conclure une rupture conventionnelle et ce, avant l’engagement d’une quelconque procédure disciplinaire. Par la suite, le salarié exerce son droit à rétractation. L’employeur décide finalement de recourir au licenciement du salarié. A cette fin, le salarié est convoqué à un entretien préalable.
La question se posait de savoir si la signature d’une rupture conventionnelle a pour effet d’interrompre la prescription des faits fautifs.
Il convient à ce titre de rappeler que la prescription des faits fautifs de deux mois court à compter de la connaissance des faits fautifs par l’employeur. Celui-ci a alors deux mois pour engager les poursuites disciplinaires (art. L 1332-4 du code du travail). L’engagement des poursuites disciplinaires est, en principe, matérialisé par la convocation du salarié à l’entretien préalable (Cass. soc., 5-2-97, n°94-44538).
La Cour de cassation répond par la négative en jugeant que « la signature par les parties d’une rupture conventionnelle ne constitue pas un acte interruptif de la prescription prévue par l’article L 1332-4 du Code du travail ».
Cela semble logique puisque, une solution inverse, aurait amené le juge à considérer que la rupture conventionnelle constitue un acte par lequel l’employeur manifeste sa volonté de sanctionner le salarié. Or, tel n’est pas le cas.
S’agissant de la deuxième affaire (Cass. soc., 3-3-15, n°13-15551), l’employeur convoque un salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Au cours de l’entretien, les parties signent finalement une rupture conventionnelle. Le salarié se rétracte. Peu après, l’employeur convoque le salarié à nouvel entretien préalable puis le licencie pour faute grave.
Le salarié prétendait que l’employeur, en s’engageant dans le processus de rupture conventionnelle en cours de procédure disciplinaire, avait définitivement renoncé à se prévaloir d’un licenciement disciplinaire notamment pour faute grave.
Il considérait également qu’un licenciement pour faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, s’avérait être contradictoire avec une rupture conventionnelle dans la mesure où elle implique nécessairement le maintien du salarié dans l’entreprise pendant toute la durée de la procédure. Selon le salarié, la rupture conventionnelle, si elle échoue, porte le discrédit sur la faute grave prononcée ultérieurement par l’employeur.
Les Hauts magistrats considèrent que « la signature par les parties au contrat de travail d’une rupture conventionnelle, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emporte pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire ».
Ils ajoutent que « l’employeur est fondé à reprendre la procédure disciplinaire par la convocation du salarié à un nouvel entretien préalable (…) et à prononcer une sanction, y compris un licenciement pour faute grave ».
En d’autres termes, lorsqu’une rupture conventionnelle est conclue après la convocation du salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, l’employeur doit recommencer l’intégralité de la procédure disciplinaire si le salarié exerce finalement son droit à rétractation.
Dans la dernière affaire (Cass. soc., 3-3-15, n°13-20549), un salarié est licencié pour faute avec dispense de préavis. Peu de temps après, les parties concluent une rupture conventionnelle homologuée par la suite par le Direccte.
La question se posait de savoir si une rupture conventionnelle pouvait valablement être signée postérieurement au prononcé d’un licenciement.
La Haute Cour, par le présent arrêt, l’admet en énonçant que « lorsque le contrat de travail a été rompu par l’exercice par l’une ou l’autre des parties à son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ».
Autrement dit, les parties ont la possibilité de conclure une rupture conventionnelle postérieurement au prononcé du licenciement.
Pour rappel, le principe en droit du travail est que le contrat de travail ne peut être rompu deux fois. Toutefois, un licenciement peut toujours être rétracté si le salarié y consent de façon claire et non équivoque (Cass. soc., 12-5-98, n°95-44354 ; Cass. soc., 1-10-96, n°93-44034).
Le juge considère que, puisque la rupture conventionnelle nécessite l’accord des deux parties, celle-ci implique en elle-même la rétractation du licenciement par l’employeur avec accord du salarié.
Par ce même arrêt, la Cour de cassation réitère sa jurisprudence relative à la levée de la clause de non concurrence énonçant que c’est « la date de la rupture fixée par la convention de rupture qui détermine le respect par l’employeur du délai contractuel » (Cass. soc., 29-01-14, n°12-22116).
La spécificité de l’espèce était que la rupture conventionnelle faisait suite à un licenciement à l’issue duquel l’employeur n’avait pas libéré le salarié de la clause de non-concurrence. Ainsi, la question se posait de savoir si l’employeur pouvait libérer le salarié à l’occasion de la rupture conventionnelle.
La Haute Cour considère que, dans la mesure où la rupture conventionnelle vaut renonciation des parties au licenciement notifié précédemment, il n’y a pas lieu de considérer que le délai de renonciation à la clause de non-concurrence court à compter de la notification du licenciement.
Ainsi, l’employeur pouvait valablement renoncer à la clause de non-concurrence au plus tard à la date de rupture indiquée par les parties dans la convention de rupture.