Ryanair : la mobilisation contre l’évasion sociale porte ses fruits

Dumping social par Nadia Djabali

La direction de Ryanair a été contrainte de signer des accords dans plusieurs pays européens l’obligeant à respecter le droit du Travail. Les mobilisations européennes organisées simultanément dans plusieurs pays et les actions juridiques ont porté leurs fruits.

Après un accord trouvé en novembre entre les syndicats belges et la direction de Ryanair, c’est au tour des syndicats italiens et allemands d’obtenir des contrats de travail de droit local et non plus rattachés au droit irlandais. En Espagne et au Portugal des accords sont en cours de négociations et devraient prochainement être signés. En Grèce et en Suède des accords de reconnaissance de syndicats de personnels navigant commercial viennent d’être signés. Première étape vers la négociation de conventions collectives.

Ces signatures arrivent après des grèves coordonnées entre pilotes et équipages en Allemagne, Hollande, Belgique, Espagne et Italie. Le 28 septembre, la compagnie aérienne a dû annuler 190 vols. Même scénario en août avec l’annulation de 400 vols en Allemagne, Suède, Irlande, Belgique et Pays-Bas. Fin juillet, 600 avions n’ont pas décollé suite à l’appel à la grève des personnels de cabine espagnols, portugais, belges et italiens.

Une décision de la Cour de justice de l’UE

Nous avons d’abord mené des actions juridiques. Puis, après que la justice nous a donnés raison, nous avons lancé des mobilisations au niveau européen pour réclamer l’application du droit, raconte Xavier Gautier, du bureau exécutif du Syndicat FO des personnels navigants commerciaux (SNPNC-FO), également membre d’Eurecca. Cette association regroupe des syndicats de neuf pays dont la France. Forte de 35 000 adhérents, elle œuvre au niveau européen pour notamment demander que les droits sociaux soient respectés.

En septembre 2017, une décision de la Cour de justice de l’Union Européenne a eu pour conséquence de rendre illégale la pratique de la compagnie low cost qui consiste à imposer le droit du travail irlandais au personnel navigant vivant dans les autres pays d’Europe.

Antisyndicalisme assumé

Rude tâche pour les syndicats puisque la direction de Ryanair mène une politique salariale agressive doublée d’un antisyndicalisme décomplexé. Chez Ryanair, la direction a longtemps refusé tout dialogue social. Et ce n’est que contrainte et forcée qu’elle a enfin accepté de rencontrer les organisations syndicales. Et pour cause, 70 % des pilotes ont le statut d’indépendant et son personnel navigant est embauché sous contrats irlandais, quelle que soit la base d’affectation en Europe. Le contrat irlandais permettant à la compagnie d’échapper aux réglementations sociales plus protectrices pour les salariés dans de nombreux pays où elle possède des bases.

Salariés de Ryanair qu’au bout de deux ans

Les hôtesses et les stewards sont recrutés et salariés par des sociétés d’intérim travaillant uniquement pour la compagnie. Ils ne deviennent salariés de Ryanair qu’au bout de deux ans. Contrairement aux compagnies plus classiques où le temps de travail démarre environ une heure avant le décollage, Ryanair compte uniquement le temps de vol. Le temps d’embarquement et de débarquement des passagers ainsi que celui passé à faire le ménage dans l’avion n’est pas rémunéré.

Outre l’uniforme que le personnel volant doit payer, avant d’être recruté il faut suivre une formation dont le montant coûte plusieurs centaines d’euros. Une somme gonflée par les frais d’hébergement. Quant au salaire mensuel, il est compris entre 750 euros l’hiver et 1 600 euros l’été. En hiver, le personnel salarié de l’agence d’intérim doit prendre trois mois de congé non rémunéré au cours duquel il n’a pas le droit de travailler pour une autre compagnie.

Situation moins pire en France

Aujourd’hui, les décisions de justice et les mobilisations ont changé la donne. En septembre 2018, la compagnie a été rappelée à l’ordre par la Commission européenne puis début novembre, par cinq les ministres du travail de cinq pays de l’UE (Belgique, Allemagne, Italie, Luxembourg et Pays-Bas) qui ont enjoint Ryanair à appliquer le droit du travail local.

En France, un décret publié de 2006 a refréné le goût de la compagnie pour le moins disant social et salarial. La législation française imposant aux compagnies étrangères disposant d’une base dans l’Hexagone d’appliquer le droit du travail français aux salariés attachés à cette base. Toutefois, le décret n’a pas empêché la compagnie de faire signer un contrat de droit irlandais à 127 salariés basés à Marseille. Une procédure judiciaire est en cours et l’affaire doit repasser en jugement suite à une décision mi-septembre de la cour de cassation.

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante