Lorsqu’il y a un vrai rapport de force au sein d’une entreprise, les salariés arrivent à faire aboutir leurs revendications. C’est ce que montre la mobilisation de Photonis
, souligne Élisabeth Imberteche, secrétaire générale de l’union départementale FO de Corrèze. Du 13 au 19 octobre, les salariés de l’entreprise basée à Brive, leader mondial des systèmes de vision nocturne, se sont mis en grève, demandant une prime de pouvoir d’achat d’au minimum 3 000 euros pour l’année 2022.
Depuis le mois de mai, nous formulons cette demande auprès de la direction qui n’a pas vraiment pris conscience de l’ampleur du mouvement. Les salariés ne demandent qu’un juste retour de leur travail, déclare Michelle Geneste, déléguée FO. On comprend que les actionnaires rachètent une entreprise pour faire des bénéfices, alors il faut comprendre aussi que les salariés ont droit à une part du gâteau. Et là, on n’avait même pas des miettes, on n’avait rien !
La réaction des salariés était d’autant plus compréhensible que la société a dégagé en 2021 un chiffre d’affaires de 165 millions d’euros. Et, par le secteur d’activité de l’entreprise, avec le contexte de guerre en Ukraine et les pays qui s’engagent dans leur réarmement, nous avons encore beaucoup de demandes.
Concrètement, chez Photonis, les carnets de commandes sont pleins jusqu’à 2025, pas de quoi s’ennuyer !
, appuie la déléguée.
Quand le débrayage se transforme en grève, longue
Or, la direction faisait la sourde oreille depuis plusieurs mois sur la question salariale, renvoyant aux négociations de 2023. Le 6 octobre, lors d’une réunion extraordinaire du CSE, la direction se bornait à affirmer que l’ensemble des salariés auraient, d’ici la fin de l’année, perçu au titre de 2022 une augmentation générale de 5,9 %. Celle-ci était composée de 2,8 % au début de l’année et 2,4 % en septembre. De quoi justifier, selon la direction, le refus de verser la PPA, prime qu’elle n’avait d’ailleurs pas mis à l’ordre du jour de discussions salariales. Mais face à ces niveaux d’augmentations salariales pour 2022, bien loin d’un rattrapage de l’inflation, l’exaspération est montée de plusieurs crans. Les syndicats ont demandé une compensation salariale pour 2022 déconnectée des prochaines NAO. L’action a été décidée pour le jeudi 13 octobre, sous forme d’un débrayage. Mais lorsque les travailleurs sont sortis, ils n’ont plus voulu rentrer. Cela s’est transformé en grève.
Le premier jour, 150 personnes sur les 480 salariés que compte Photonis participent au mouvement, lequel s’est poursuivi les jours suivants. Devant les portes de l’usine, le piquet de grève prend forme. Le premier jour, il n’y avait que des parapluies. Puis, le deuxième jour, ils ont amené une bâche, puis un barnum… Les travailleurs étaient impressionnants de détermination. Ils n’ont rien lâché
, raconte Élisabeth Imberteche. Et en position leader au sein de l’entreprise, FO, dans le cadre d’une intersyndicale, est au cœur du mouvement.
Une prime de 1 500 euros à 2 200 euros
Après six jours de mobilisation, alors qu’entre 90 % et 92 % des salariés du secteur de la production étaient en grève, la direction s’est inclinée. Pour la première tranche de salaires, la plus basse, qui regroupe 360 salariés, FO a obtenu une augmentation générale allant, en cumulé pour 2023, de 6,4% à 8,7 %. C’est donc plus que l’inflation sur un an, soit 5,6% en septembre.
, se félicite Michelle Geneste. Pour les salaires en dessous de 2 500 euros nets mensuels, la prime accordée est de 2 200 euros, tandis qu’elle atteint les 2 000 euros pour les salaires compris entre 2 500 et 3000 euros. Enfin, les salaires de plus de 3 000 euros auront une prime à hauteur de 1 500 euros. On n’a jamais eu autant !
, se réjouit la militante.
De plus, la direction s’est engagée à ce que les salariés reprenant le travail le 19 octobre aient leur journée entièrement payée. C’est dans le protocole,
Ce qui limitera l’impact de la mobilisation sur les revenus des familles.
La fin du mois arrive de plus en plus tôt !
Les premiers jours de la mobilisation, la direction de la société a tenté de jouer le pourrissement de la situation. Elle faisait semblant de ne pas comprendre les revendications, interrogeait sur les raisons de la grève et évoquait l’avancement des NAO comme solutions. En bref, la direction pariait sur l’essoufflement du mouvement de grève
, relate la secrétaire générale de l’UD soulignant le peu de dialogue alors avec les responsables de l’entreprise. Lorsque la direction sortait, les échanges se faisaient sur un bout de trottoir, dans un contexte tendu. Ces échanges étaient visibles pour les salariés qui ainsi ont pu constater ce que nous vivions en tant que syndicat lors de négociations avec la direction ! Les échanges étaient animés, dirons-nous..
, lance avec humour Michelle Geneste. Alors que la mobilisation tenait le week-end, la direction a accepté un rendez-vous le lundi 17 octobre tandis que, de leur côté, les cadres rejoignaient le mouvement, débrayant une heure le lendemain, 18 octobre. Après six jours de mobilisation, l’accord de sortie de grève a été signé. Enfin.
La secrétaire générale de l’UD-FO de la Corrèze, Elisabeth Imbertèche note, elle, la multiplication des revendications salariales dans les entreprises du département. Qui plus est depuis les crises récentes, le pouvoir d’achat est un véritable enjeu. Les gens constatent leurs difficultés pour remplir leurs caddies, payer leurs factures… La fin du mois arrive de plus en plus tôt ! La mobilisation salariale chez Total a ouvert une brèche. Les camarades de Photonis ont d’ailleurs exprimé le fait de s’appuyer sur les nombreux mouvements revendicatifs qui ponctuent l’actualité sociale.
. Et la militante d’indiquer que des camarades l’ont appelée, la victoire des salariés de Photonis les fait réfléchir.
Des mouvements semblables dans d’autres entreprises de Corrèze ne sont donc pas à écarter...