Les entreprises embauchent des apprentis à tour de bras (700 000 en 2021), les très petites entreprises (TPE) ne sont pas en reste. C’est ce qu’il ressort d’une étude de la Dares sur l’emploi dans les entreprises employant moins de neuf salariés, publiée au mois de mai. Le 1,2 million de TPE que compte la France employaient 233 000 apprentis fin 2020 (6,7% de leurs effectifs) contre 169 000 fin 2019, soit une hausse de... 38% en un an.
Grâce aux aides à l’embauche, un apprenti ne coûte presque plus rien (122 euros la première année) à son employeur
, explique Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi et des retraites. Dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », les employeurs d’un apprenti perçoivent en effet une prime exceptionnelle à l’embauche de 5 000 € pour les moins de 18 ans et de 8 000 € pour les 18-30 ans.
La forte augmentation des embauches d’apprentis est une bonne nouvelle si on considère que 80% sont en CDI six mois après leur sortie de formation
, analyse Michel Beaugas. Le revers de la médaille est que l’attrait des entreprises pour l’apprentissage s’explique en partie par un effet d’aubaine généré par la prime
. Certes, les TPE, où d’une manière générale les salaires sont plus faibles que dans des entreprises de plus grande taille (voir encadré), recourent historiquement beaucoup aux apprentis, mais les embauches stagnaient avant la prime
. Prévue jusqu’au 30 juin 2022, celle-ci a finalement été prolongée jusqu’à la fin de l’année. Reste la question : comment se comporteront les entreprises vis-à-vis de l’apprentissage dans le futur.
Apprentis : il faut aussi augmenter leur salaire !
Autre difficulté, les apprentis sont mal payés : entre 27% et 78% du Smic selon leur âge et l’avancement de leurs études ; les apprentis de plus de 26 ans perçoivent un Smic. Or, après six mois en poste, un apprenti devient aussi productif qu’un salarié classique
, déclare Michel Beaugas.
Pendant un à trois ans, l’employeur bénéficie donc, aux frais de la collectivité, d’une main d’œuvre efficace et bon marché. D’où cette revendication de FO que les apprentis soient payés au minimum au Smic, lui-même revalorisé à 1 500 net contre 1 300 euros actuellement. Une revalorisation dont Frédéric Souillot, le nouveau secrétaire général de la confédération, a fait une de ses priorités.
Enfin, environ un tiers des contrats d’apprentissage sont rompus avant la fin de la formation. Ce qui n’empêche pas les employeurs de percevoir la prime, car celle-ci est versée au moment de l’embauche. Dans les faits, l’aide n’est pas conditionnée
, constate Michel Beaugas. FO demande donc que son versement dépende de la réalisation effective du contrat de l’apprenti.
TPE : difficultés à faire appliquer les droits des salariés
Autre aspect de l’emploi dans les TPE mis en lumière par la Dares : celles-ci recourent au travail à temps partiel bien davantage que la moyenne des entreprises. Les temps partiels représentaient 26% des effectifs des TPE fin 2020, contre 17% dans les plus de 10 salariés, selon la Dares. Michel Beaugas explique ce phénomène par le besoin des TPE dans les secteurs de la vente et du commerce de couvrir une large plage d’ouverture
. Pour les employeurs, il est plus simple de recourir à deux salariés à temps partiel qu’à un seul temps plein ; c’est également moins cher puisque les heures supplémentaires sont moins bien rémunérées
.
Il faut cependant noter que la proportion de temps partiels employés dans les TPE baisse en un an : d’environ 27,5% fin 2019 ce taux est passé à 26% fin 2020. Mais cela s’explique par les effets de la crise Covid souligne Michel Beaugas : fin 2020, beaucoup de salariés à temps partiel n’étaient pas encore revenus en poste
.
Recours aux emplois aidés (dont les contrats d’apprentis), recours au temps partiel, salaires faibles... Les salariés des TPE ont donc particulièrement besoin d’être protégés syndicalement. C’est pourquoi FO insiste sur la nécessité de l’application des droits des salariés dans les TPE, entre autres l’application des accords interprofessionnels signés. Or faire respecter les droits n’a rien de simple. Ainsi en est-il concernant la mise en œuvre effective des augmentations du Smic, les négociations ou encore l’accessibilité des salariés à la prime transport... La présence syndicale fait donc toute la différence. Or, l’implantation d’une structure syndicale dans ces très petites entreprises demeure difficile.
FO demande toujours la liste des TPE dans chaque département
La syndicalisation des salariés des TPE est enjeu essentiel et nous devons mettre les bouchées doubles,
. Le taux d’adhésion est anecdotique et le taux de participation aux dernières élections professionnelles (5,4%) à peine mieux.
FO demande depuis des années à connaître la liste des TPE par département ce qui permettrait d’aller davantage vers les salariés, de les sensibiliser et de les faire adhérer. Cette liste nous est refusée par la direction générale du travail (DGT) au prétexte qu’il y a souvent confusion entre la domiciliation de l’entreprise et celle de son dirigeant
, explique la militante.
En l’absence d’une représentation syndicale interne, la protection des salariés des TPE est censée s’élaborer via des Commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI).
Les organisations patronales n’ont pas envie qu’il se passe grand-chose dans les CPRI
Mises en place en 2017 dans la foulée de la loi du 17 août 2015 sur le dialogue social (ou loi Rebsamen), ces CPRI sont prévues pour apporter informations et conseils aux salariés et aux employeurs sur les dispositions légales et conventionnelles ; rendre des avis en matière d’emploi, de formation, de condition de travail... ; faciliter la résolution des conflits individuels et collectifs et proposer des activités sociales et culturelles. Ce sont en quelque sorte des CSE hors les murs, du moins sur le papier...
Car dans les faits, seules trois CPRI (PACA, Centre-Val-de-Loire et Réunion) sur 13 sont complètes
, déplore Karen Gournay. Les autres n’ont pas nommé tous leurs membres (10 représentants syndicaux et 10 représentants patronaux) et attendent d’être complètes pour démarrer leurs travaux
. Selon la secrétaire confédérale FO, les organisations patronales n’ont pas envie qu’il se passe grand-chose dans les CPRI
.
Elles auraient même plutôt en tête de les supprimer. Karen Gournay relate que, lors d’une réunion organisée le 18 mai à la DGT, le Medef et la CPME ont demandé la fusion des CPRI dans les observatoires départementaux d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation
, mis en place par les ordonnances travail de 2017.
L’impuissance des CPRI s’explique aussi par leur absence de moyens
, dénonce la secrétaire confédérale FO : 5 heures de délégation mensuelles pour les représentants des salariés, pas de budget pour des locaux, pas de remboursement des frais de transports des mandatés alors que les réunions se déroulent loin en général... Cela constitue un frein supplémentaire quant aux possibilités de défense des salariés des TPE s’insurge FO.
Dans les TPE, le salaire net mensuel est de 1 857 euros en moyenne, selon une étude de la Dares de 2018. C’est moins que la moyenne nationale dans le secteur privé : 2 518 euros nets par mois pour un équivalent temps plein (Insee 2020).
Et encore, les salaires des TPE sont tirés vers le haut par les grilles de branches.
Les TPE, notamment celles de la métallurgie, peuvent employer des salariés très qualifiés pour lesquels s’appliquent les grilles de branche négociées par les organisations syndicales, relève Michel Beaugas.