Sale été pour Uber : de New York à Barcelone les chauffeurs de taxis et de VTC se révoltent et marquent des points

Droits collectifs par Evelyne Salamero, FO UNCP

30 juillet 2018 - Barcelone, Catalogne, Espagne. © Paco Freire / SOPA Images/ZUMA/REA

En obtenant que la ville de New-York impose un salaire minimum pour les chauffeurs VTC employés essentiellement par Uber, mais aussi par les plateformes Lyft, Juno et Via, le syndicat local des chauffeurs de taxis, le New York Taxi Workers’ Alliance (NYTWA) et le syndicat de chauffeurs VTC né en 2016, l’Independent Drivers Guild, viennent de remporter une victoire dans le combat contre le dumping social qu’entraîne un peu partout sur la planète « l’ubérisation » de l’économie. En France, les syndicats FO concernés y voient un encouragement.

C’est au terme d’une forte mobilisation, notamment ponctuée d’une douzaine de manifestations et d’occupations nocturnes avec les véhicules, souligne le syndicat NYTWA des chauffeurs de taxi New-Yorkais, qu’ont été obtenus un salaire minimum pour tous les chauffeurs VTC et le gel pour un an de la délivrance de nouvelles licences.

La ville a expliqué que cette suspension donnera le temps à l’autorité new-yorkaise de supervision des véhicules avec chauffeurs (TLC) de réaliser une étude d’impact afin de mesurer les effets de cette industrie sur la ville, y compris en termes d’embouteillages.

En effet, alors qu’en 2010, un an avant l’installation d’Uber, la ville comptait 37 000 VTC et quelque 13 500 taxis, en 2017, leur nombre avait plus que doublé, passant à plus de 83 000, alors que le nombre de taxis, réglementé par la TLC, n’avait lui pas changé.

À ce jour 85% des chauffeurs VTC New-Yorkais gagnent moins que le salaire horaire minimum

Le texte imposant ces deux décisions aux plateformes de VTC a été adopté par le Conseil municipal de New York le 8 août.

Le montant du salaire minimum doit maintenant être fixé par la TLC. D’ores et déjà un rapport commandé et validé par l’autorité préconise un salaire horaire de 17,22 dollars, ce qui correspond à au salaire minimum qui sera en vigueur fin 2018 dans l’État de New-York (15 dollars) augmenté de la somme considérée comme nécessaire pour couvrir les frais des chauffeurs. Selon le rapport commandé par la TLC, 85% des chauffeurs de VTC gagnent aujourd’hui moins que ce salaire horaire.

Nous organiserons, nous combattrons et nous gagnerons

C’est un important message pour les plateformes VTC : nous organiserons, nous combattrons et nous gagnerons, a notamment déclaré un responsable du NYTWA. Déplorant que cette victoire arrive trop tard pour les six chauffeurs de taxis qui ont mis fin à leurs jours en moins d’un an, le responsable syndical a néanmoins souligné : Cette victoire marque l’aube d’un nouveau jour pour une main d’œuvre de centaines et de milliers d’hommes et de femmes.

La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) , à laquelle est affilé le syndicat des chauffeurs de taxis de New-York, s’est félicité de cette victoire, soulignant les enseignements qui peuvent en être tirés : Des chauffeurs de taxis, aux défenseurs de l’environnement, aux chauffeurs de VTC, à la population new-yorkaise, le NYTWA a uni tous ceux qui ont le souci de faire de New York un endroit meilleur pour vivre et travailler.

De fait, le responsable du syndicat des chauffeurs de VTC, l’Independent Drivers Guild, a également réagi en ces termes : Il n’est pas facile de s’en prendre aux géants de la Silicon Valley, mais nous avons continué à nous battre pour ce que nous savions être juste et aujourd’hui, les travailleurs ont gagné.

En Espagne, la grève s’est étendue à vitesse grand V

La grève des chauffeurs de taxis espagnols a démarré à Barcelone le 25 juillet avant de gagner en trois jours les principales villes du pays, de Madrid à Séville, en passant par Bilbao et Valence. Au total 11 des 17 régions de l’État espagnol ont été concernées. Pendant une semaine, les taxis ont occupé jour et nuit les principales artères des villes.

C’est la décision de justice, consécutive à un recours du gouvernement central de Madrid, de suspendre un règlement municipal de Barcelone qui limitait le nombre de licences accordées aux compagnies de VTC, notamment à l’américain Uber et à l’espagnol Cabify dans une proportion de une pour trente licences de taxi, qui a mis le feu aux poudres.

Les chauffeurs de taxi ont suspendu leur mouvement le 1er août au soir, après que le gouvernement central se soit engagé à laisser les gouvernements régionaux (Communautés autonomes, CCAA) réguler le secteur. Un engagement qui devrait être concrétisé par un décret royal le 14 septembre prochain. Les grévistes ont déjà prévenu qu’ils repartiraient « en guerre » s’il s’avérait qu’on les avait « trompés ».

La revendication d’une licence VTC pour trente licences de taxis est soutenue par la fédération des services de la confédération syndicale UGT et son affiliée l’Union des travailleurs indépendants des services pour la mobilité et la consommation (Uniatramc), qui dénoncent la concurrence déloyale des entreprises VTC, dont les plus importantes sont l’américain Uber et l’espagnol Cabify.

Cette concurrence, explique les deux organisations, menace la viabilité du secteur du taxi et met en péril les 130 000 emplois, indépendants et salariés, qui composent cette activité économique.

Elles revendiquent également que les licences de VTC soient incessibles de façon à éviter la spéculation que cela occasionne déjà. Enfin, elles exigent aussi la création de plans de pré- retraite et d’indemnisation au moment de l’abandon d’activité, pour éviter que les chauffeurs ne soient contraints de revendre leur licence pour ne pas rester sans ressources.

En France les taxis et VTC FO revendiquent un salaire minimum comme à New-York !

En France, le syndicat FO Capa-VTC, largement majoritaire, a été constitué le 22 mai 2017. Il est affilié à la Fédération FO Transports et Logistique, avec le syndicat FO Taxis. Depuis, les deux syndicats revendiquent un salaire minimum pour tous les chauffeurs VTC du pays.

Les chauffeurs de taxis FO ont bien compris qu’il y a du travail pour tout le monde et qu’il est de l’intérêt de tous d’obtenir un salaire minimum pour les chauffeurs VTC, comme il en existe un pour les taxis. Et maintenant, on peut dire comme à New York !, se félicite Chiraz Bejaoui, responsable du secteur juridique à la fédération, avant de souligner : Les autorités publiques, le ministère en ce qui nous concerne en France, doit prendre ses responsabilités face aux plateformes pour imposer ce salaire minimum. Comme à New-York.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

FO UNCP Transports et logistique