Malgré d’immenses profits, Sanofi taille encore dans ses effectifs

InFO militante par Clarisse Josselin

© Michael LUMBROSO/REA

Le géant pharmaceutique, qui a versé fin mai 4 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires, a annoncé fin juin la suppression de 1700 emplois en Europe, dont près d’un millier en France d’ici 2022. Cette énième restructuration est d’autant plus inadmissible pour FO que les salariés sont déjà exposés à un niveau élevé de risques psycho-sociaux. Le 23 juin, l’ensemble des syndicats de SAG avaient voté un droit d’alerte pour danger grave et imminent, considérant que des vies étaient mises en danger.

C’est au-delà de l’indécence. Après avoir maintenu en mai le versement aux actionnaires de dividendes toujours en hausse, pour un montant total de 4 milliards d’euros, la direction de Sanofi a annoncé le 26 juin une nouvelle restructuration lors de la présentation de ses orientations stratégiques. Cette fois, le géant pharmaceutique se donne trois ans pour supprimer 1700 postes dans le monde, dont environ un millier en France. Ses effectifs atteignent 100 000 salariés dont 25 000 en France.

Et qu’importe si le précédent plan social prévoyant 600 suppressions de postes dans les fonctions support n’était même pas encore achevé. Qu’importe également si Sanofi bénéficie chaque année de plus de 100 millions d’euros d’aides publiques via le CICE.

Ce nouveau plan s’intègre dans le projet de réorganisation baptisé « Play to win », qui vise à économiser 2 milliards d’économies en trois ans. Il avait été annoncé par le P-DG Paul Hudson en décembre dernier, trois mois après son arrivée.

Pour la France, des précisions ont été apportées lors d’un comité de groupe organisé le 29 juin. Toutes les activités sont impactées, à l’exception des vaccins et Genzyme. L’entité la plus touchée est Sanofi Aventis Group (SAG) – fonctions supports - avec un objectif de 431 départs par ruptures conventionnelles collectives. Dans les affaires industrielles (SWI et chimie), près de 150 postes sont visés.

Un chiffre d’affaires dopé par la pandémie de Covid-19

Aucune fermeture d’usines n’est prévue pour le moment, mais des sites tertiaires sont condamnés : les centres de recherches de Strasbourg et d’Alfortville vont fermer. Le syndicat FO a toutes les raisons de penser que le siège social parisien est également menacé par une fermeture prochaine. La direction a promis qu’il n’y aurait pas de plan social mais uniquement des départs volontaires. Des projets d’accords de ruptures conventionnelles collectives (RCC) sont sur la table. L’entreprise va également mettre en place un système de préretraite. Les négociations devraient démarrer le 8 juillet.

Les éléments présentés le 29 juin portent sur la suppression de 690 emplois par RCC, dans le cadre d’accords négociés avec les syndicats, explique Pascal Lopez. On est loin des 750 à 1060 emplois annoncés pour la France. Ce qui nous inquiète, c’est que des départs vont aussi se faire dans le cadre d’un deuxième véhicule de mobilité interne et externe intitulé GEPP pour gestion des emplois et des parcours professionnels. C’est un outil géré par un prestataire extérieur, Manpower Group, et qui va être hors de contrôle.

Pour FO, ces suppressions de postes sont inadmissibles alors que l’entreprise enregistre d’excellents résultats. Au premier trimestre 2020, le chiffre d’affaires du fabricant du Doliprane atteignait près de 9 milliards d’euros, en hausse de 6,9%, notamment grâce à la pandémie de COVID-19 qui a dopé ses ventes.

Et ce n’est pas fini. Selon Pascal Lopez, délégué central FO, la stratégie de Sanofi est de sous-traiter tout ce qui peut l’être. Le groupe souhaiterait aussi se désengager des secteurs du diabète et du cardiovasculaire au profit de l’oncologie et se recentrer sur une centaine de médicaments contre 300 aujourd’hui. Derrière, l’objectif de Sanofi pourrait être de remonter dans la compétition mondiale afin de retrouver sa cinquième place.

Dégraisser le mammouth

Pascal Lopez estime qu’en 5 ans, 5000 emplois ont été supprimés. Il y en aura encore d’autres, redoute-t-il. C’est le quatorzième plan social depuis mon arrivée dans l’entreprise en 1983. Dès qu’un plan social est amorti, ça recommence. Les salaires, le temps de travail et les emplois servent de variable d’ajustement pour faire des économies. On est en train de dégraisser le mammouth. Il y a un projet derrière que la direction ne veut pas dévoiler. Des centaines de salariés sont sacrifiés sur l’autel de la finance.

Pour Pascal Lopez, la priorité doit être avant tout de préserver la santé des salariés. Avec cette énième restructuration, il s’inquiète pour ceux qui vont rester en poste avec une charge de travail en hausse et des conditions de travail dégradées. Les salariés sont en souffrance, notamment à cause de la gestion du personnel, beaucoup veulent partir, poursuit-il. Ils n’en peuvent plus des restructurations permanentes, les phénomènes de burn-out et de dépressions se multiplient. Il s’alarme d’autant plus qu’une salarié, qui avait récemment traversé un burn-out, a mis fin à ses jours le 19 juin sur le site de Gentilly. C’est le troisième suicide dans l’entreprise depuis octobre, auxquels s’ajoute une tentative.

Depuis des années, Pascal Lopez alerte la direction sur la souffrance au travail des salariés. Je savais que des suicides allaient arriver, c’était inéluctable, tous les signaux étaient au rouge, regrette-t-il. Les résultats de Sanofi sont excellents et on se permet de jouer avec la santé des salariés et les conditions de travail. Je parle à la direction du syndrome France Télécom, je lui demande ce qu’elle attend. Le malheur est fait mais il ne faut pas que rien ne sorte de ce drame.

Travailler 12 heures par jour

Il pointe notamment la responsabilité du ranking forcé, un système d’évaluation des performances des salariés en leur attribuant des notes. On leur en demande toujours plus, certains doivent travailler 12 heures par jour, poursuit-il. Un jour on leur dit tu n’as plus de boulot, va activer ton réseau. Pourtant c’est de la responsabilité de l’employeur de maintenir l’employabilité du salarié, c’est une obligation légale.

Lors du CSE du 23 juin, les élus des syndicats FO, CFE-CGC, CFDT, CFTC, et CGT de SAG ont voté à l’unanimité un droit d’alerte pour cause de danger grave et imminent. Ils estiment dans leur résolution que les salariés font face à une mise en danger de leurs vies et ont exigé des mesures de toute urgence.

Ils rappellent qu’un récent rapport du cabinet Sextant avait confirmé la dangerosité de la situation au regard des risques psychosociaux. Ce dernier avait également considéré que la politique de prévention des RPS de l’entreprise est décalée par rapport à la réalité.

Dans leur résolution, les élus de SAG estiment que la multiplication de ces drames ne peut pas être regardée comme une simple coïncidence (…) derrière ces gestes désespérés, c’est l’organisation d’une entreprise et ses conséquences qui aboutissent à l’inacceptable. Prévenant que le déni et le relativisme qui prévalent ne doivent plus avoir cours, ils ont exigé l’organisation sans délai d’une enquête avec l’administration du travail pour qu’il soit mis définitivement fin aux dérives organisationnelles et de gestion qui aboutissent à ces désastres. Ils souhaitent la mise en œuvre de toutes les recommandations faites par les experts, notamment celles concernant la prévention primaire.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante