Santé privée : FO se prépare à une mobilisation nationale

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

© Clarisse Josselin

Une vingtaine de délégués d’établissements d’hospitalisation du secteur privé lucratif se sont réunis le 16 juin à Paris à l’initiative de l’union nationale des syndicats de la santé privée UNSSP-FO. Tous ont témoigné d’une dégradation sans précédent des conditions de travail et des salaires, entraînant une fuite des personnels. A l’issue de la réunion, l’UNSSP-FO a lancé un appel aux salariés et aux autres organisations syndicales du secteur pour organiser une grève avec un rassemblement national à Paris.

Il y a 15 ans, on avait de bons salaires et de bonnes conditions de travail, on se battait pour venir travailler chez nous, raconte Franck Houlgatte, secrétaire général de l’union nationale des syndicats de la santé privée (UNSSP-FO) et délégué à la Fondation Bon Sauveur de la Manche. Aujourd’hui, des gens préfèrent partir travailler dans l’industrie. Ils gagnent la même chose, ils ne sont pas rappelés sur leurs repos et ils sont bien payés le week-end. Ils ne se demandent pas non plus le soir s’ils ont tué quelqu’un dans la journée ! En effet, par le rythme qui leur est imposé, ces personnels risquent de se trouver dans des situations de maltraitance des patients, et pour ces salariés, psychologiquement c’est insupportable.

Ce témoignage illustre la colère des salariés des établissements d’hospitalisation de la santé privée, dont les conditions de travail et les salaires ne cessent de se dégrader. Tout comme leurs collègues de l’hôpital public, ils sont à bout. Selon Franck Houlgatte, il ne se passe pas une semaine sans qu’une grève ne soit déclenchée dans le secteur, une situation qui dure depuis plusieurs mois.

Face à l’urgence de la situation, l’UNSSP-FO a organisé le 16 juin à Paris une conférence nationale des délégués de cliniques, hôpitaux et établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR), qui a réuni une vingtaine de personnes. Les militants ont décrit une dégradation sans précédent des conditions de travail, une fuite du personnel, la fermeture de services et de lits et une situation proche de l’explosion des services d’urgence. Ils considèrent que la responsabilité de cette situation incombe pleinement au gouvernement, aux employeurs et à la fédération patronale de l’hospitalisation privée. Parmi les griefs, ils pointent notamment la limitation de l’accès aux formations (infirmiers, médecins…) entraînant une pénurie de personnels et la réduction massive du nombre de lits dans tous les établissements de santé privée et publique.

Manque de personnels à tous les niveaux

On a six arrêts longue durée au bloc, les gens cumulent les heures supplémentaires, ils sont au bout du rouleau, témoigne Valérie, déléguée au centre Clinical d’Angoulême. Sandrine, elle, travaille dans une clinique rachetée par le groupe Vivalto. On a perdu 200 salariés en quatre ans, on est passés de 500 à 300 salariés, et on ferme des salles tous les jours, les chirurgiens partent car ils ne peuvent plus opérer, le personnel bouge en fonction des fermetures de services, explique-t-elle. Mais l’Ebitda va bien, la direction fait des bénéfices avec le moins de personnel possible. Vivalto nous a versé de l’intéressement et estime donc que tout va bien. Mais pour nous cela ne va pas !

C’est par les médias que Sophie, déléguée à la clinique Anne d’Artois de Béthune (Pas-de-Calais), a appris la fermeture du bloc obstétrical tous les week-ends de juin. On n’a toujours pas d’information officielle, j’ai fait un droit d’alerte, on a un CSE extraordinaire le 22 juin, explique la militante. Dans son établissement, il manque des personnels à tous les niveaux. Les salariés sont rappelés la veille pour le lendemain, ils doivent être dévoués corps et âme à la clinique, poursuit-elle. On a des départs de personnel, des gens partent pour l’hôpital public ou changent d’orientation professionnelle. Si le salaire suivait, au moins, ça équilibrerait.

Des salaires inférieurs de 300 euros par rapport au secteur public

En effet, dans le secteur de la santé privée lucrative, les salaires sont en moyenne inférieurs de 300 euros à ceux de l’hôpital public. C’est dire. Les premiers niveaux de rémunérations sont en-dessous du Smic. Je suis aide-soignante avec 16 ans d’ancienneté et je gagne 1600 euros par mois, je n’espère même pas atteindre 1800 euros en fin de carrière, témoigne Armelle, déléguée à la clinique de l’Anjou, à Angers. Les salaires sont bloqués au-delà de trente ans d’ancienneté. Nous ne sommes plus attractifs face à l’hôpital public. Le plus compliqué est de garder les salariés, alors qu’ils demandent légitimement des augmentations de salaire , confirme Éric, délégué d’une clinique psychiatrique de l’Eure.

Lors des NAO 2021, Valérie, du centre Clinical d’Angoulême, a obtenu une hausse de 200 euros pour les infirmiers et de 100 euros pour les aides-soignants. Or, que représente cette augmentation aujourd’hui ? Au prix de l’essence, cela représente en gros deux pleins, déplore la militante.

Les délégués dénoncent aussi le fait que désormais les employeurs préfèrent verser des primes désocialisées plutôt qu’augmenter les salaires. En 2002, le salaire lié à la convention collective nous convenait, mais vingt ans plus tard on tire la langue. Aujourd’hui avec 15 ans d’ancienneté on est aux alentours du Smic, illustre Thierry, de la clinique Sainte-Marie à Chateaubriand. Il faut agir sur les salaires, qui sont versés tous les mois, alors qu’une prime n’est versée qu’une fois. Aucunement pérenne donc. Le montant du complément salarial Ségur est lui aussi différencié, de 160 euros par mois dans le privé contre 183 euros dans le public.

C’est ensemble qu’on va y arriver

Malgré une inflation galopante qui dépasse 5% sur un an, la fédération hospitalière privée (FHP) a refusé toute augmentation générale des salaires lors de la réunion de négociation du 24 mai 2022. Elle s’est bornée à proposer deux revalorisations catégorielles : revalorisation de l’indemnité de nuit de 10 à 15% et revalorisation de l’indemnité de sujétion pour les dimanches et jours fériés, de 0,4 à 0,6% de la valeur du point conventionnelle.

Face au blocage des employeurs et du gouvernement, les initiatives isolées ne suffisent plus, c’est ensemble qu’on va y arriver, explique Franck Houlgatte. C’est pourquoi le 16 juin, à l’issue de la conférence, l’UNSSP-FO a lancé un appel aux salariés et aux autres organisations syndicales du secteur pour mettre en place une mobilisation nationale, avec grève et rassemblement à Paris devant le siège de la fédération hospitalière privée.

Parmi les revendications, l’augmentation générale des salaires au minimum à hauteur de l’augmentation du coût de la vie, une égalité de traitement salarial dans le privé et le public à diplômes équivalents, ou encore l’embauche massive et immédiate de professionnels.

L’UNSSP-FO appelle les salariés à se réunir pour en discuter, définir les revendications et répondre à la proposition de mobilisation.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération