Schneider Electric : FO à l’offensive pour maintenir l’emploi

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

© HAMILTON/REA

Trois plans sociaux, portant sur 400 emplois, vont être engagés chez le fournisseur français d’équipements électriques qui restructure son offre moyenne tension. Pour cela, il délocalise de nouveau un pan de ses activités. FO dénonce la mise à mort finale d’une partie de l’outil industriel français et multiplie les initiatives pour peser sur les négociations.

Un pur scandale !. Depuis que Schneider Electric a annoncé mi-septembre la restructuration en France de sa production d’équipements de moyenne tension, avec la fermeture de deux usines et la suppression de 400 emplois, le syndicat FO, (première organisation dans le groupe), n’a pas d’autres mots pour qualifier la stratégie du géant tricolore (135 000 salariés dont 14 500 en France).

Alors que la crise sanitaire a montré la nécessité de relocaliser les productions sensibles, que l’exécutif cherche à maintenir l’emploi industriel avec le plan de relance, Schneider Electric poursuit sa désindustrialisation de la France. C’est inacceptable pour un groupe qui revendique sans cesse son engagement sociétal et ne rencontre aucune difficulté financière. Il a les moyens de préserver l’emploi dans son berceau de production historique, dénonce Emmanuel Da-Cruz, coordonnateur FO groupe.

Les analystes financiers ne diront pas le contraire. L’équipementier a démontré sa solidité financière lors de la crise du Covid-19 avec, au premier semestre 2020, un chiffre d’affaires de 11,575 milliards d’euros et un bénéfice net de 775 millions d’euros, en baisse certes (respectivement de 12,3 % et 22 %) mais supérieurs à leurs attentes. Schneider Electric a même maintenu ses prévisions de moyen terme, dont l’atteinte très ambitieuse d’une marge d’exploitation de 17 % d’ici à 2022 ! Un objectif qui met en tension tous les métiers du groupe.

Disparition des sites anciennement Areva

Au motif d’éviter le pire sur le marché très concurrentiel des équipements de moyenne tension, l’équipementier veut repenser son outil industriel en pôles de référence (ou de spécialités). Pour cela, il compte organiser des transferts d’activités entre sites tricolores, mais aussi depuis les sites français vers l’Europe de l’Est ou l’Asie. La moitié des 400 emplois, qui seront au total supprimés, s’explique par des délocalisations d’activités en Hongrie, Turquie, Inde et Indonésie, énumère Emmanuel Da-Cruz.

Pour l’essentiel, le projet prévoit la fermeture au second semestre 2021 de deux des huit sites moyenne tension : les usines de Lattes (Hérault) et de Saumur (Maine-et-Loire), qui emploient 78 et 74 salariés, verront tous leurs postes supprimés.

A proximité de Grenoble (Isère), la fermeture de l’activité du site Le Fontanil-Cornillon se traduit par 183 suppressions de postes.

Sortent consolidées l’usine de Mâcon (Saône-et-Loire), futur pôle cellules qui va accueillir les productions de Grenoble et Saumur, ainsi que l’usine d’Aubenas (Ardèche), futur pôle composants qui doit reprendre la fabrication des disjoncteurs et ampoules à vide de Lattes.

Par son ampleur, cette restructuration est un véritable coup dur pour la branche moyenne tension qui n’aura connu qu’une incessante réorganisation depuis l’an 2000 et le rachat, par Schneider, de l’activité T&D d’Areva. Depuis 2011, sept sites ont été fermés.

Surtout, elle signe la quasi-disparition des usines anciennement Areva. En l’espace de vingt ans, l’effectif des ex-Areva sera passé de 2 000 salariés à 250 situé sur le site de Mâcon. Cette restructuration représente la mise à mort finale d’une partie de l’outil industriel français, martèle le coordonnateur FO groupe.

Trois PSE distincts plutôt qu’un seul

Si le premier syndicat du groupe conteste l’ampleur des suppressions de postes, il s’insurge aussi contre la décision de Schneider Electric de recourir à trois PSE distincts (Plan de sauvegarde de l’emploi) plutôt qu’à un seul sur le périmètre groupe, nécessairement plus favorable en ce qui concerne les moyens mobilisables. Un fractionnement opportun pour la direction : il lui permet (pour l’instant) de passer sous les radars médiatiques, à l’heure où se multiplient les plans sociaux portant sur des milliers d’emplois.

Mais FO est à l’offensive pour peser sur les négociations qui débutent, et doivent se terminer fin janvier 2021. Le 7 octobre, le coordonnateur FO groupe a rencontré, en bilatérale, la direction France pour lui proposer des solutions au niveau groupe dans le but de maximiser les possibilités de reclassements. Nos inquiétudes portent sur les sites de Lattes et de Saumur, qui sont isolés. Pour se reclasser, les salariés vont être contraints à la mobilité. Or, nous voulons éviter que cela se traduise, au final, par des licenciements pour les salariés âgés de 50 à 55 ans qui sont légitiment moins enclins à quitter leur bassin de vie. Beaucoup sont aujourd’hui dans une complète détresse, commente Emmanuel Da-Cruz.

A Lattes, 50 salariés en danger grave et imminent

C’est le cas sur le site de Lattes, près de Montpellier, déjà touché par plusieurs restructurations depuis 2010 et aujourd’hui menacé de fermeture. Depuis l’annonce de la réorganisation, il y a trois semaines, une cinquantaine de salariés sur 78 ont été déclarés comme étant en danger grave et imminent (DGI). Et je ne parle pas des arrêts maladie, qui se multiplient. La direction a dépêché, la semaine dernière, un psychologue sur le site. Les salariés, en production, dans les bureaux, ne savent pas ce qu’ils vont devenir, raconte Jean-Charles Bigotières, délégué syndical FO, qui parle d’une usine sacrifiée. Bien que rentable, elle va voir ses productions rapatriées sur le site d’Aubenas.

Le bassin d’emplois montpelliérain a déjà payé un très lourd tribut en matière de fermetures de sites. A l’époque de la mise en vente d’Areva T&D, nous étions 1 200 salariés sur le bassin d’emplois. Demain, il n’en restera que 270. Il n’y a plus de perspective de reclassement en proximité chez Schneider Electric. Le site le plus proche, pour les ouvriers et techniciens, c’est celui d’Alès à 80 kilomètres , déplore le délégué syndical.

Inquiétudes pour l’avenir de la branche moyenne tension en France

Cette restructuration de l’outil de production moyenne tension est lourde d’enjeux pour FO, qui alerte déjà depuis 2018 sur la délocalisation, à bas bruit, de la Recherche et Développement (R&D) dédiée à ces équipements. En octobre 2019, la fédération FO de la métallurgie avait exprimé ses inquiétudes au Secrétariat d’État à l’industrie, dénonçant la dégradation alarmante des effectifs. En un an, les effectifs R&D ont chuté de 15 %, soit l’équivalent de 250 postes, notamment par le recours à des ruptures conventionnelles. Les activités supportant ces emplois ont été délocalisées en Inde ou en Chine, par petites tranches, précise Emmanuel Da-Cruz.

Le coordonnateur FO groupe y voit les conséquences du rachat en mai 2018, par Schneider Electric, du spécialiste indien des équipements électriques Larsen & Toubro, et de ses cinq sites de production. Un achat alors présenté comme pivot dans la stratégie énoncée de redéploiement de l’outil industriel, de la France vers l’Europe et de l’Europe vers l’Asie. Nous pressentons que Schneider Electric a fait des choix stratégiques qu’il n’a pas encore exposés. Il doit s’expliquer. Que va-t-il rester de la production et de la R&D française ? martèle le militant FO.

Il craint que les nouvelles gammes ne soient développées, industrialisées et produites en Asie. L’Inde est devenue le troisième contributeur au chiffre d’affaires du groupe, derrière les États-Unis et la Chine, la France étant en quatrième position.

D’ores et déjà, dans le cadre du Comité de groupe européen, FO a été moteur pour obtenir une expertise sur la stratégie en matière d’offre moyenne tension (renouvellement de gammes, sites concernés..., qui devrait être remise d’ici fin octobre. De quoi éclairer les futures négociations. Et pas seulement. Le nombre d’emplois du groupe en France diminue continûment depuis 2011, en moyenne de 500 postes chaque année. Aujourd’hui, la limite est atteinte. Lorsque nous retournerons voir le ministère, ce sera avec des bus remplis de salariés et militants ! prévient Emmanuel Da-Cruz.

De 2011 à 2019, le nombre d’emplois du groupe en France a chuté de 19 000 à 14 500 salariés. L’Inde en compte déjà plus.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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