Mariene Sakho : « Au Sénégal, le mouvement social est en ébullition »

#FO2018Lille - Interview par Evelyne Salamero

Photographie : F. Blanc (CC BY-NC 2.0)

Mariene Sakho, présente au congrès de la CGT-FO à Lille, est secrétaire générale du syndicat des professeurs du Sénégal (Sypros) affilié à la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal (CNTS), secrétaire confédérale chargée de l’Education et de la formation et membre du comité exécutif de l’Internationale de l’Education. Elle témoigne ici de la situation des travailleurs sénégalais.

Plus de 3 millions de travailleurs sont employés dans le secteur informel non agricole contre moins d’un million en 1986. Comment en est-on arrivé là ?

Mariene Sakho : Les programmes d’ajustement structurels imposés par le FMI (Fonds monétaire international, NDLR) sont passés par là, entraînant des privatisations, des plans de suppressions d’emplois, des fermetures d’usine. De nombreux travailleurs ont donc dû se tourner vers le secteur informel. Celui-ci emploie aujourd’hui plus de la moitié de la main d’œuvre sénégalaise. Depuis plusieurs années, la CNTS est mobilisée pour organiser ces travailleurs.

Les conflits semblent se multiplier aujourd’hui au Sénégal. Pourquoi ?

Mariene Sakho : Dans l’économie formelle, les travailleurs se mobilisent de plus en plus, aussi bien dans le secteur privé que le secteur public, pour l’augmentation générale des salaires et pour le respect des engagements pris par le gouvernement, en particulier dans l’Education et la Santé. Fin 2014, le gouvernement a signé des accords avec les organisations syndicales qui ne sont toujours pas appliqués. Dans l’Education par exemple, ces accords prévoient que les enseignants vacataires, dont l’embauche a explosé depuis 1995 quand le FMI a exigé que la masse salariale soit réduite, intègrent les effectifs statutaires, avec ce que cela implique de positif pour leur rémunération et leur régime indemnitaire, et en tenant compte en plus de leur ancienneté. Cela représente des milliards et le gouvernement ne tient pas son engagement. Le schéma est le même dans la Santé. On peut dire que le mouvement social est en ébullition depuis trois ans au Sénégal. Dans le secteur du pétrole, dans les transports, dans l’agriculture… Partout les travailleurs se mobilisent. On peut dire que le mouvement social est en ébullition depuis trois ans au Sénégal. Au moment où je vous parle, les enseignants sont en grève. Ils sont déterminés à rester mobilisés tant qu’ils n’auront pas obtenu l’ouverture d’une négociation.

Quel est le positionnement de la Confédération nationale des travailleurs sénégalais dans ce contexte ?

Mariene Sakho : Le 23 janvier dernier la CNTS a appelé à une journée de mobilisation nationale, avec une grande manifestation, pour le respect des accords conclus avec l’État et le patronat, l’augmentation généralisée et hiérarchisée des salaires, la revalorisation du salaire minimum, le respect des droits et libertés syndicales, l’arrêt de la précarisation de l’emploi et l’approfondissement et l’élargissement de la protection sociale des travailleurs, y compris ceux du secteur informel.
Tout récemment, la Confédération a publié une déclaration qui demande au gouvernement de réagir devant les attentes des travailleurs. Cette déclaration appelle aussi les militants à rester mobilisés car il est impossible de rester les bras croisés. Elle avertit le gouvernement qu’une riposte peut avoir lieu s’il persiste dans sa posture.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

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