Services d’urgence hospitaliers : à l’APHP, des grèves qui durent face au manque d’effectifs

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

A Colombes (Hauts-de-Seine), les personnels du service des urgences adultes de l’hôpital Louis-Mourier sont en grève depuis le 26 avril, à l’appel d’une intersyndicale comptant FO, pour réclamer plus d’effectifs et de moyens. A l’hôpital Jean Verdier de Bondy (Seine-Saint-Denis), leurs consœurs des urgences gynécologiques et de salle de naissance, soutenues par FO, ont engagé le rapport de forces depuis le 29 mars pour améliorer leurs conditions de travail et sécuriser la prise en charge des patientes.

Alors qu’en France, une centaine de services d’urgence hospitaliers sont obligés de réduire leurs plages d’ouverture, faute de personnels en nombre suffisant, plusieurs grèves sont installées dans la durée à l’AP-HP (Assistance publique –hôpitaux de Paris) face au manque d’effectifs et de moyens.

A l’hôpital Louis-Mourier de Colombes (Hauts-de-Seine), l’ensemble des personnels du service des urgences adultes de l’hôpital Louis-Mourier de Colombes (Hauts-de-Seine) viennent d’entamer leur quatrième semaine de mobilisation, soutenus par une intersyndicale comptant FO. En grève illimitée depuis le 25 avril, infirmières et aides-soignantes ne lâchent rien, essorées par leurs conditions de travail. Une grande banderole urgences en grève surplombe toujours l’entrée du service, donnant de la visibilité à une grève « invisible », la majorité des grévistes étant assignés quotidiennement pour faire tourner le service.

La direction ne répond à quasiment aucune revendication, explique Jean-Claude Cozzo, secrétaire du syndicat FO. Jeudi 19 juin, la quatrième rencontre (depuis le dépôt du préavis de grève) n’a rien donné ou presque. La direction s’engagerait sur un poste d’aide-soignante supplémentaire, explique le militant FO. Elle serait prête également,  à titre dérogatoire, dans un souci d’attractivité et de fidélisation, à étudier un schéma à 9 heures de travail quotidien, sans être claire sur les recrutements qui pourraient l’accompagner. L’équipe souhaite, elle, passer à 10 heures de travail quotidien, ce qui nécessiterait d’embaucher 5 agents en ETP (équivalent temps-plein).

 L’équipe tourne avec la moitié des effectifs nécessaires

 Les personnels réclament le simple respect des effectifs minimum. Pour fonctionner dans des conditions normales, ce service qui gère des urgences vitales a besoin de 6 infirmières le matin et de 7 l’après-midi, soutenues à chaque fois par quatre aides-soignantes. Mais, presque tous les jours, l’équipe tourne avec la moitié des effectifs nécessaires. Deux infirmières, en congé maternité, et une troisième, en congé parental, n’ont pas été remplacées. C’est le cas également d’une quatrième, partie en retraite. Et une infirmière travaille à temps partiel, sans qu’il y ait non plus de renfort, précise Jean-Claude Cozzo.

Un sous-effectif que la direction explique par  l’absence de solutions (…) malgré l’activation de l’ensemble des leviers : suppléance, intérim, CDD de remplacement et heures supplémentaires. En clair, par des difficultés à recruter.

Pour autant, elle semblait juger la situation maîtrisée, à en juger par sa réponse écrite aux réunions organisées les 21 et 25 avril, après dépôt du préavis de grève. Si l’équipe a pu parfois être amenée à travailler avec un effectif inférieur à ce qui est prévu par la maquette organisationnelleces situations restent exceptionnelles, expliquait-elle, invoquant les mesures  rapidement prises par l’encadrement pour adapter la charge de travail ou  les dépannages venus des autres secteurs. Elle rappelait encore que  le ratio de personnel du SAU (service des urgences adultes) est (…) de 17,3 ETP pour 10 000 passages, soit le plus élevé de l’APHP. Exact, sur le papier.

Reconnaître la souffrance au travail

La direction vit dans la réalité de chiffres théoriques, rétorque Jean-Claude Cozzo, rappelant que  les personnels exigent des solutions, que leur fatigue et leur souffrance au travail soient prises en compte et reconnues. Les sous-effectifs dégradent depuis trop longtemps les conditions de travail, et la prise en charge des patients. Dans leur longue liste de revendications, les grévistes en sont à demander la communication des plannings à l’avance

Dans ce contexte, ils continuent de revendiquer  le respect des effectifs minimums,  l’affectation de brancardiers au SAU, le passage en 10h avec 5 ETP (équivalents temps-plein (NDLR) supplémentaires et, en cas de sous-effectif, la fermeture de l’UHCD, le service accueillant les patients en provenance des Urgences. Une solution écartée par la direction :  En cas de fermeture de l’UHCD, les patients seraient plus nombreux sur les brancards...

Les grévistes demandent également une augmentation de 300 euros nets pour les paramédicaux des urgences, c’est-à-dire les infirmières, aides-soignantes, secrétaires médicales, assistantes sociales... En dépit du  Ségur de la Santé, le compte n’y est pas, souligne Jean-Claude Cozzo.

Des semaines à plus de 50 heures de travail

Autre grève « invisible » installée dans la durée : celle de l’équipe du service des urgences gynécologiques et de salle de naissance à l’hôpital Jean Verdier de Bondy (Seine-Saint-Denis). Soutenues par FO, l’équipe de 8 infirmières et 8 auxiliaires puéricultrices ont engagé le rapport de forces,  pour une durée indéterminée, depuis le 29 mars, elles aussi pour améliorer leurs conditions de travail et sécuriser la prise en charge des patientes. Elles exigent l’embauche immédiate de trois infirmières.

Le sous-effectif a engendré un surmenage et une extrême tension sur le personnel. En raison du non-remplacement des départs, congés maternité ou maladie, toutes, nous avons dû faire de nombreuses concessions sur nos roulements, nos jours de repos, nos horaires, avec à la clé de nombreuses heures supplémentaires, jusqu’à avoir des semaines de plus de 50 heures de travail. Et lorsque nous avons la possibilité de poser des jours de repos, la politique de mutualisation des services peut nous imposer d’être mobilisé, commente une infirmière.

 Nous voulons travailler en sécurité et en sérénité

Le déplacement du service des urgences gynécologiques, à partir de septembre, inquiète aussi l’équipe qui exige des effectifs cohérents avec la future configuration. Actuellement, dans l’équipe du matin comme de l’après-midi, une infirmière assure l’accueil des urgences et l’organisation de la prise en charge des patients, sans que son poste y soit exclusivement dédié. Nous nous en accommodons : lorsque nous avons trop de patientes en salle de naissance, l’infirmière à l’accueil des urgences vient nous aider. Mais à partir de septembre, les deux services ne seront plus accolés. Il faut donc créer un poste d’infirmière dédié à l’accueil-orientation, de jour comme de nuit. Comme solution, la direction propose un poste d’aide-soignante. Insatisfaisant pour l’équipe. Une aide-soignante ne pourra pas faire le premier tri d’orientation des patientes. Il faut avoir été formé à recueillir les symptômes, à jauger des critères de dangerosité.

L’équipe paramédicale exige aussi un passage à 12 heures de travail quotidien, pour que leurs horaires de travail concordent avec celui des sages-femmes. Et elles demandent la mise en place d’un protocole d’urgence gynécologique, afin de pouvoir gérer la douleur des patientes, lorsque le médecin est occupé dans un autre service. Actuellement, nous ne pouvons prescrire que du doliprane, en attendant la prescription du médecin. C’est insuffisant.

Tout ce que nous voulons, c’est travailler en sécurité et en sérénité, pour nous et les patientes, résume cette infirmière.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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