Smart France : en Moselle, le CSE donne son feu vert à la reprise du site par Ineos

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

© Fred MARVAUX/REA

Quatre mois après la mise en vente surprise par l’allemand Daimler du site Smart de Hambach (Moselle), le comité social et économique (CSE) de l’entreprise a donné, le 12 novembre, un avis favorable à l’offre de reprise du britannique Ineos. FO a également signé, avec trois syndicats, un accord-cadre prévoyant des mesures sociales en cas de sureffectif, notamment des préretraites et des départs volontaires.

C’en est fini des mois d’attente angoissée pour les 1 600 salariés travaillant à « Smartville » (dont 700 chez des sous-traitants), le site de fabrication de la petite citadine électrique situé à Hambach (Moselle). Plus de quatre mois après la mise en vente surprise par son propriétaire, l’Allemand Daimler, le comité social et économique (CSE) de Smart France a donné, jeudi 12 novembre, son feu vert à l’offre de reprise du britannique Ineos.

Cet avis, bien que consultatif, est essentiel à la poursuite du processus de cession du site. Officiellement attendue d’ici la fin de l’année, la vente pourrait intervenir plus tôt, possiblement dès la fin novembre, explique Philippe Simard, suppléant FO au CSE.

Un avis motivé favorable... avec des réserves

Favorable au rachat par Ineos, qui a le mérite — et non des moindres — de sauvegarder les emplois du site, le CSE n’en souligne pas moins, dans son avis, que les conditions de la reprise pourraient être améliorées. Le CSE a rendu un avis favorable motivé, au regard des informations communiquées. Le projet de cession à Ineos sauvegarde les emplois. Mais une partie de ces emplois est tributaire des commandes de Daimler. Et l’ensemble des emplois, qu’ils relèvent d’Ineos ou de Daimler, dépendront du succès des modèles produits. Nous n’avons pas de boule de cristal pour savoir si les ventes seront conformes aux plans de charge prévisionnels qui nous ont été fournis, commente le militant FO, qui rappelle le champ ultra-serré des contraintes.

Car il n’y a jamais eu qu’un seul candidat à la reprise de Smart France : Ineos, le groupe pétrochimique britannique, né en 1998, qui veut aujourd’hui faire son entrée dans le secteur automobile avec un premier véhicule tout-terrain, le 4x4 Grenadier à motorisation thermique. Et, d’entrée de jeu, Daimler, qui a motivé la vente du site mosellan par les difficultés financières liées à la crise sanitaire, a indiqué qu’une fermeture n’était pas exclue en cas d’échec des négociations. Ola Källenius, son patron, l’a encore confirmé en juillet, lors de la présentation des résultats trimestriels.

L’emploi préservé, pour tous, jusqu’à la mi-2024

La réserve première du CSE porte sur la durée de continuité de l’emploi pour tous les salariés. Elle n’est assurée au mieux que jusqu’à avril 2024, déplore le CSE, qui demandait une visibilité jusqu’en 2027.

Le projet de reprise d’Ineos prévoit de fabriquer le 4x4 Grenadier à partir de 2022, avec 650 salariés. Pour faire la transition pendant la montée en charge d’Ineos, Daimler a concédé, en septembre, de poursuivre jusqu’en avril 2024 la production de la Smart, initialement prévue jusqu’en juin 2022. Et il s’engage à la compléter jusqu’en 2027 par la fabrication d’éléments de carrosserie Mercedes (dont Daimler est aussi propriétaire), celle de planchers avant GLA.

D’autres activités, représentant 180 emplois, pourraient être sous-traitées par le constructeur. Mais encore faut-il que le site remporte les appels d’offres les concernant... Autrement dit, comme le déplore le CSE, le contrat ne présente aucune garantie à leur sujet.

Évidemment, tout cela est conditionné au succès du 4x4 Grenadier. Il reste un challenge commercial, note sobrement le CSE. La marque et le produit doivent se faire connaître. Problème, la motorisation thermique, fortement émettrice de CO2, sera de plus en plus difficile à vendre à partir de la deuxième moitié de cette décennie, pour des raisons de pénalisation économiques et environnementales, poursuit le CSE, qui suggère le développement d’une version avec une pile à hydrogène pour laquelle l’usine d’Hambach pourrait être site pilote, au regard de son expertise reconnue dans la motorisation électrifiée et de celle de ses équipementiers. Voilà l’espoir pour le moyen terme.

Préretraites et départs volontaires en cas de sureffectif

À plus courte échéance, il y a déjà des inquiétudes, liées à l’arrêt de la fabrication de la Smart en 2024, qui concernent 200 emplois. Notre objectif est qu’il n’y ait aucun départ contraint. Et c’est tout l’objet de l’accord-cadre sur les cessations anticipées d’activités et les départs volontaires, que FO a signé, précise Philippe Simard. Trois autres syndicats ont également paraphé, avant la tenue du CSE ce jeudi, cet accord-cadre négocié avec la direction de Smart France, afin de sécuriser plusieurs mesures sociales en cas de sureffectif pendant la transition Daimler-Ineos. Le constructeur allemand s’est engagé sur un budget de 90 millions d’euros.

Alors qu’un transfert de 80 salariés vers des sites Daimler est prévu, l’accord acte l’ouverture d’un dispositif de préretraite, dès 59 ans, avec maintien à 100 % du salaire de base, hors primes, le maintien de la mutuelle et de la prévoyance d’entreprise… Ce dispositif est susceptible de concerner 108 salariés d’ici à 2024. Il prévoit aussi les conditions d’un plan de départs volontaires, sous forme d’une rupture conventionnelle collective (RCC).

Enfin, il jette les bases d’un plan de sauvegarde de l’emploi, plus précisément les bases à partir desquelles se négocierait, le cas échéant, un plan social avec Ineos, ajoute Philippe Simard. Il y a eu un socle de base, arraché à Daimler. Pour un salarié comptant vingt et un ans ou plus d’ancienneté, l’indemnité de licenciement serait équivalente par exemple à quarante et un mois de salaire.

Les syndicats voulaient l’appeler « prime de préjudice »

Les syndicats, dont FO, ont également négocié auprès de Smart France deux primes. La première, ils voulaient l’appeler « prime de préjudice », : la direction a préféré « prime de motivation ». D’un montant de 375 euros par année d’ancienneté, plafonnée à vingt et un ans (soit 7 500 euros maximum), elle ferait office de compensation pour les salariés ayant participé au « Pacte pour l’emploi 2020 », de sinistre mémoire.

À partir de 2015 en effet, et pendant cinq ans, les salariés de Smart France ont travaillé 39 heures payées 37. Ce qui avait été validé par 56 % des votants lors d’un référendum interne. Les salaires ont été gelés pendant trois ans. La direction invoquait alors un carnet de commandes en berne et une possible délocalisation. Il y avait des contreparties que Daimler n’a pas toutes tenues : le maintien de l’emploi jusqu’à fin 2020 et la pérennité du site, avec un nouveau projet. Cette prime est une compensation aux années de sacrifices des salariés, martèle Philippe Simard. Elle sera versée à la fin de ce mois de novembre.

Une seconde prime, dite « de réussite », a été actée. D’un montant de 3 500 euros, elle est indexée à l’atteinte d’objectifs de production de Smart d’ici la fin de l’année. Elle sera versée en deux fois, en décembre 2020 et en janvier 2021, aux salariés de Smart France et à ceux des équipementiers intégrés au site.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération