Ils travaillent à presque deux cents salariés dans un entrepôt de distribution du Val-d’Oise, au sein de l’entreprise SOA Logistics, basée à Saint-Ouen-l’Aumône et filiale à 100 % de la société 3M (2 600 salariés en France) dont le siège social se situe près de là, à Cergy-Pontoise. On sent que le personnel est très perturbé
, appuie Stéphane Hournau, gestionnaire de stock et délégué syndical FO (le seul syndicat dans la société) chez SOA Logistics.
Perturbé, il y a de quoi. Comme actuellement des millions de salariés, le personnel de l’entreprise prend chaque jour des risques dans le cadre du travail. Dans l’entrepôt d’où part la distribution des commandes passées auprès de 3M, les salariés, de par les tâches de préparation (emballage, manutention…), sont les uns près des autres. Dans la logistique, il y a forcément une proximité entre les salariés. Pour porter un colis de 60 kilos par exemple, il faut être à deux !
, souligne Stéphane Hournau.
L’épidémie de Covid-19 a rendu dangereuse cette promiscuité. Ceux qui travaillent à l’entrepôt sont ceux qui ne peuvent être en télétravail. Or, ma crainte est que le nombre de cas de Covid se multiplie
dans l’entreprise, explique le militant. Depuis quelque quinze jours en effet, le virus a fait son apparition dans l’entreprise et FO craint que celle-ci ne prenne les choses à la légère
.
Des masques et puis plus rien
Non pas que SOA Logistics n’ait pris aucune mesure de protection des salariés, la direction a mis en place des mesures barrières : distanciation entre salariés et mise à disposition de gel hydroalcoolique. Du 24 mars au 1er avril dernier, à l’initiative de la directrice du site
, précise le militant, les salariés disposaient aussi de masques FFP2. Ces outils de protection sont bien connus dans l’entrepôt puisque la maison mère 3M produit ces masques et depuis quelque temps cette production a été renforcée
, insiste Stéphane Hournau. D’ailleurs, la mise sous colis de ce matériel fait partie du travail des salariés de SOA Logistics, tout comme la préparation des commandes de gel estampillé 3M. Cette dernière affiche de multiples spécialités de produits pour l’industrie et certains professionnels. Cela va du pansement aux lunettes de sécurité en passant par le ruban adhésif, les bandes de contention élastiques pour les animaux, les combinaisons de protection, les disques abrasifs, les matériaux pour la dentisterie...
Les salariés disposaient donc chacun d’un masque par jour pendant une semaine… Pas davantage, hélas. Le 31 mars la directrice du site m’a averti que la distribution de masques au personnel s’arrêterait le 2 avril
, explique Stéphane Hournau. 3M n’aurait, semble-t-il, pas apprécié l’initiative de la direction de l’entrepôt.
La suppression des masques a fait monter d’un cran les craintes des salariés de SOA Logistics (qui via la filialisation ont changé de convention collective, les nouveaux entrants passant de la convention de la chimie à celle des transports). Craintes d’autant plus légitimes que la direction indique désormais qu’il n’y a nul besoin de masques puisque des mesures de distanciation ont été prises. Les craintes font aussi d’autant plus leur chemin que plusieurs cas de Covid-19 parmi les salariés ont été détectés.
L’appel à l’inspection du travail
D’abord, un collègue a développé des symptômes et a été en arrêt maladie une semaine
, à la fin mars. Le syndicat FO a alors adressé un courrier à la direction pour demander la tenue d’un CSE extraordinaire. En retour : une fin de non-recevoir. Nous avons constaté par ailleurs qu’il n’y avait aucune volonté de caractériser un danger grave et imminent (DGI) sur le registre dédié
, souligne Stéphane Hournau.
Le syndicat a obtenu qu’ait lieu une désinfection de locaux, mais celle-ci a été programmée avec une semaine de retard et ne concerne qu’une partie du site
, s’insurge le délégué. Le syndicat a pris contact avec l’inspection du travail et avec les juristes de la Fédération FO des Transports et de la Logistique-UNCP. Alors que SOA Logistics venait de décider de cesser la distribution de masques, FO a adressé un mail à la direction lui demandant de remettre en place la mesure de protection et a réitéré sa demande d’un CSE extraordinaire. Accepté par la direction, celui-ci s’est tenu le 2 avril… mais, déplore Stéphane Hournau, cela a débouché sur une fin de non-recevoir en ce qui concerne le rétablissement de la distribution de masques
.
Le syndicat FO a alors demandé à l’inspection du travail qu’une visite de l’entreprise ait lieu afin de faire vérifier si toutes les mesures prises sont conformes aux recommandations gouvernementales
. Alors que cette inspection est prévue cette semaine, dès vendredi le syndicat a distribué un tract pour informer les salariés de la situation et leur faire part, aussi, de sa demande d’ouverture d’une négociation pour la mise en place d’une prime de 2 000 euros par salarié ne pouvant exercer son activité en télétravail
.
La direction ne communique pas
Sur le site, les risques de contamination sont pour le moins patents. Ainsi suspecté d’une atteinte par le Covid-19, un salarié, du secteur atelier-manutention, a été renvoyé chez lui
ces derniers jours, indique Stéphane Hournau. Lors d’une réunion, à l’initiative de FO, d’une partie du personnel, les salariés ont déploré que la direction ne communique pas
. Le syndicat FO a alors demandé à celle-ci que les salariés puissent rentrer chez eux, en attendant la désinfection du site qui devait avoir lieu le lendemain. La réponse fut négative.
Et ce n’est pas l’information récente livrée par l’entreprise au syndicat concernant un troisième cas de Coronavirus parmi les salariés qui a de quoi rassurer le personnel. Le collègue a eu l’autorisation, par l’entreprise, de venir travailler en portant un masque. Il est ensuite tombé malade, développant une forme légère de la maladie, et s’est vu prescrire un arrêt d’une semaine.
La question de la désinfection de l’ensemble des locaux de l’entreprise ainsi que de l’utilisation de tous les moyens de protection possibles se pose plus que jamais chez SOA Logistics.