Solocal condamné pour licenciement abusif

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

Soutenu par le syndicat FO et l’UD FO de Meurthe-et-Moselle, un ancien cadre commercial de Solocal (ex-Pages Jaunes), qui contestait depuis 2020 son licenciement pour insuffisance professionnelle, a remporté son combat judiciaire. Le conseil des prud’hommes de Nancy a condamné, pour licenciement abusif et pour exécution déloyale du contrat de travail, l’entreprise spécialisée dans la communication digitale.

C’est une nouvelle victoire juridique pour FO Solocal, qui conforte le syndicat dans sa défense des droits des salariés. Et un soulagement sans nom pour Julien, 46 ans, cadre commercial itinérant qui contestait depuis 2020 son licenciement pour insuffisance professionnelle. Dans son jugement du 13 décembre dernier, le conseil des prud’hommes (CPH) de Nancy (Meurthe-et-Moselle) a tranché, et condamné Solocal pour licenciement abusif ainsi que pour exécution déloyale du contrat de travail - pour ne pas avoir donné à son ancien salarié les moyens de réaliser sa mission.

L’attitude de Solocal jugée répréhensible

Le jugement, qui tient en six pages, est lapidaire. L’employeur n’apporte pas d’éléments concrets quant à la réalité de l’insuffisance professionnelle, explique le CPH de Nancy, qui qualifie même de répréhensible l’attitude de Solocal, pour avoir imposé début 2019 à son ancien salarié un portefeuille de clients manifestement compliqué — essentiellement composé de clients insatisfaits ou mécontents (ce qui a non seulement appauvri les missions du salarié mais les a rendu plus complexes) —, et pour ne pas l’avoir formé aux services digitaux.

Pour autant, appuie le CPH, sur la base des pièces fournies par l’ex-cadre commercial, durant cette année (2019, NDLR), il va connaître de nouveau des performances lui valant les félicitations de la direction. Et ce, à plusieurs reprises : en février, mai et juin 2019. Autant d’éléments qui contredisent les termes de la lettre de licenciement, laquelle fait état d’un salarié en situation d’échec. Solocal avait rempli toutes les cases censées justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle : lacunes dans l’organisation du travail, productivité insuffisante, manque de proposition commerciale, chiffre d’affaires limité ou stagnant, manque d’implication et de sérieux manifeste, etc. Et ce, arguait l’entreprise, malgré un nombre important de formations.

Un cadre commercial reconnu pour ses « résultats performants »

Solocal a même pointé, dans son argumentaire, avoir observé les premières difficultés de (son) salarié en 2017 et en 2018. Là encore, contre l’évidence des preuves apportées par l’ancien cadre commercial, depuis 16 ans dans l’entreprise et depuis 16 ans reconnu, et récompensé, pour ses résultats. Ainsi que le rétablit le jugement du CPH, le salarié connaît depuis son embauche des résultats performants. Ils ont même valu au commercial qui avait été embauché en 2004 comme télévendeur d’être promu cadre.

Pour tous ses manquements, Solocal a été condamnée à verser à son ancien salarié, au titre des dommages et intérêts, 66 343 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 10 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail.

Un dossier vide de preuves

Le dossier était vide de preuves, commente Frédéric Gallois, délégué syndical central de FO Solocal, qui a dénoncé le licenciement, par voie de tracts. Le militant rappelle l’émoi que celui-ci a suscité dans l’entreprise. L’annonce du licenciement, en janvier 2020, a perturbé beaucoup de salariés. Tous ont été choqués de l’apprendre : Julien avait toujours été un élément modèle des équipes commerciales. Si lui pouvait être licencié pour insuffisance professionnelle, alors qu’il avait de bons résultats depuis seize ans, n’importe qui pourrait l’être à son tour..., commente le militant FO, qui qualifie de motifs fallacieux et inventés de toutes pièces ceux avancés par Solocal pour motiver le licenciement pour insuffisance professionnelle. FO a accompagné Julien tout au long des deux ans de procédure judiciaire, et il a été défendu par le cabinet d’avocats travaillant pour l’Union départementale FO 54.

Les équipes commerciales toujours mises sous pression

La période à laquelle est intervenu ce licenciement abusif, début 2020, n’a pas échappé à FO Solocal. Depuis le dernier plan social intervenu en juin 2018 (plus d’un millier de salariés licenciés), le syndicat s’alarmait de la baisse des effectifs. FO Solocal a toujours soupçonné l’entreprise de licencier les salariés à moindre coût, en dehors de toutes dispositions plus favorables, indique Frédéric Gallois. Julien, avec ses seize ans d’ancienneté, et donc un salaire plus important, était une cible de choix pour finir le travail de 2018, dénonce le militant FO. En raison de ce licenciement pour insuffisance professionnelle, le cadre commercial s’était vu verser l’indemnité légale, autrement dit un montant inférieur à ce à quoi il aurait pu prétendre dans le cadre d’un plan social. Grâce à sa détermination, et à l’appui des équipes FO, il a vu son préjudice reconnu, et indemnisé.

Le syndicat FO Solocal, quant à lui, reste pleinement mobilisé auprès des commerciaux itinérants. Le 16 janvier dernier, il les a appelés, dans le cadre d’une intersyndicale, à se mobiliser face à la hausse brutale de leurs objectifs, certains ayant été rehaussés de 40 % début 2023 ! La direction se sert-elle de l’augmentation des objectifs pour baisser les frais de personnel et donc la masse salariale ? (la non-réalisation des objectifs réduit la rémunération variable des commerciaux, NDLR), interrogeait dans son communiqué de presse le syndicat. 150 des 220 concernés ont répondu à l’appel, et débrayé partout en France.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération