Il aura fallu aller jusqu’à la Cour de cassation. Mais la combativité du syndicat FO de Solocal (ex-éditeur des Pages jaunes, reconverti dans le marketing numérique), à soutenir les salariés dans la défense et la reconnaissance de leurs droits, a payé. Le 12 mai, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français a confirmé la condamnation de l’entreprise pour harcèlement moral envers une télévendeuse, également militante FO, de l’agence Solocal de Nancy (Meurthe-et-Moselle). C’est une réelle délivrance pour cette jeune femme qui voulait voir la condamnation pour harcèlement moral notifiée sur un document du ministère de la Justice
, commente Frédéric Gallois, délégué central FO Solocal, qui l’a aidée et soutenue tout au long des longues années de procédures, avec l’avocat de l’Union départementale FO de Meurthe-et-Moselle.
Pour le militant, la condamnation de Solocal est aussi un message envoyé à tous les salariés victimes de harcèlement. Dans cette situation, les salariés se sentent tout petits face à l’entreprise. Ils doivent savoir qu’ils trouveront du soutien auprès du syndicat, pour les défendre, trouver des solutions collectives ou engager des poursuites. Ils ne sont pas
, martèle Frédéric Gallois. tout seuls
. FO se tient à leurs côtés jusqu’au bout
Acharnement judiciaire
Beaucoup de détermination a été nécessaire pour aboutir. Après avoir épuisé psychologiquement la salariée par des pressions qui ont mené à un arrêt maladie, Solocal a continué à la mettre sous pression. Elle a utilisé tous les recours pour l’anéantir sous une procédure longue et coûteuse, alors qu’elle savait l’issue perdue d’avance. Au harcèlement moral, l’entreprise a ajouté l’acharnement judiciaire
, dénonce Frédéric Gallois.
Le militant FO rappelle que Solocal, par deux fois déjà condamnée, a attendu la veille de l’expiration du délai légal, lui permettant de se pourvoir en cassation, pour annoncer sa décision à la jeune femme. Il a envoyé un huissier frapper à sa porte, en plein été
.
Dévalorisation, infantilisation, mise à l’écart, pression commerciale à outrance, licenciement abusif… Les manquements graves de Solocal à ses obligations de sécurité et de reclassement avaient déjà été reconnus par le conseil des prud’hommes en 2017, puis par la cour d’appel de Nancy en 2019. En rejetant le pourvoi de Solocal le 12 mai, la Cour de C cassation met un terme définitif à une procédure, engagée depuis plus de six ans.
Un challenge commercial jugé « dégradant » par la justice
Pour cette télévendeuse de l’agence de Nancy, alors douze ans d’ancienneté dans l’entreprise, tout a basculé en novembre 2014 lors d’un challenge commercial organisé par un manager sans expérience. Un challenge que la Cour de cassation qualifie de dégradant
. Pour chaque contrat commercialisé, l’agent devait effectuer une danse
et, en finalité, l’équipe perdante devait assurer, comme gage, le nettoyage des bureaux de l’équipe adverse
, rappelle-t-elle. La salariée a refusé de s’y soumettre, jugeant le challenge infantilisant
, mais sans jamais avoir l’occasion de s’en expliquer. Au contraire, précise le jugement, la salariée s’est vu e refuser la parole à plusieurs reprises
, sa hiérarchie l’a empêchée de s’exprimer
tout en félicitant les organisateurs du challenge.
Cette absence de prise en considération du malaise de la salariée n’était pas une première, établit la juridiction sociale. Elle s’inscrit dans un contexte de dégradations des conditions de travail, avéré à l’époque par une enquête du CHSCT sur la souffrance au travail parmi les télétravailleurs. Cinq mois d’une réorganisation du travail, assortie de changements d’horaires et des modalités de rémunération avaient provoqué un réel malaise
dans le groupe, souligne cette enquête.
Et il y a tous les manquements de l’entreprise à l’égard de la jeune télévendeuse, placée en arrêt maladie à l’issue des événements, qui sera licenciée par Solocal, neuf mois plus tard, pour inaptitude et impossibilité de reclassement. La cour d’appel de Nancy, première à condamner l’entreprise pour harcèlement moral en 2019, les avait déjà tous listés, à commencer par l’absence de mesures permettant de mettre fin effectivement au harcèlement subi par la salariée ou de le prévenir
. Elle avait également conclu que l’inaptitude (…) est en lien direct avec son arrêt de travail, consécutif au harcèlement moral qu’elle a subi
.
Les salariés n’ont pas à payer pour les manquements de leur employeur
, commente Frédéric Gallois, délégué central FO de Solocal, qui rappelle que l’affaire aurait pu se conclure sur ce licenciement pour inaptitude. S’il n’y avait eu la détermination de la salariée, et de FO, à obtenir justice.