Solocal : les salariés en grève contre la réorganisation du temps de travail

InFO militante par Clarisse Josselin, L’inFO militante

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Un peu plus de 300 salariés de Solocal (ex Pages Jaunes) se sont mis en grève le 16 octobre à l’appel de FO et de deux autres organisations syndicales. Ils s’opposent à un projet de réorganisation du temps de travail porté par la direction. Suppression de RTT, introduction du travail le samedi et roulements d’équipes en horaires décalés tôt le matin et tard le soir… les télévendeurs et opérateurs de la relation clients ont tout à y perdre.

Cette négociation, c’est une véritable agression, on ne peut pas dire c‘est 100% pour l’entreprise et 0% pour les salariés, pour nous il n’y a rien à négocier, on exige le retrait du projet, réagit Frédéric Gallois, délégué syndical central (DSC) FO chez Solocal (ex Pages Jaunes).

L’entreprise, ancien service national des annuaires téléphoniques cédé par France Télécom en 2006, commercialise désormais des espaces publicitaires digitaux auprès de professionnels. Contre toute attente, les syndicats ont appris de la direction le 7 octobre un projet visant à réorganiser le temps de travail. Parmi les régressions : introduction du travail le samedi ; horaires d’équipes par roulement, matin, journée ou après-midi, sur une plage horaire allant de 7h30 à 20h30 ; suppression des RTT ; délai de prévenance réduit en cas de changement d’horaires…

L’objectif de la direction est de négocier par accord majoritaire un avenant à l’accord sur les RTT signé en 2000. Les salariés, actuellement en contrat de 37 ou 38 heures hebdomadaires, passeraient à 35 heures. Au passage, ils perdraient entre 12 et 19 jours de RTT.

Destruction de l’équilibre vie professionnelle/vie privée

Pour l’instant, les salariés ne travaillent jamais le samedi sauf cas vraiment exceptionnels, explique Frédéric Gallois. Ils sont autonomes dans leur travail avec des horaires flexibles qui leur permettent de s’adapter aux disponibilités du client. Demain ce ne sera plus possible. Cette réorganisation risque aussi de détruire l’équilibre vie-privée/vie professionnelle. Et pour les familles monoparentales, comment organiser la garde d’enfants en étant une fois du matin et une fois du soir ? Nos directeurs veulent nous appliquer les mêmes conditions de travail dégradées que dans les centres d’appel dont ils sont issus.

Dans un premier temps, seuls les télévendeurs — les commerciaux qui démarchent les TPE, PME et artisans par téléphone — ainsi que le service des relations clients (service après-vente) seraient concernés par la réorganisation. Soit 700 salariés sur un effectif total de 1 800 personnes. Mais selon FO, à terme, si un accord est signé, rien n’empêchera de l’appliquer à toutes les populations de l’entreprise.

FO a été le premier syndicat à appeler les salariés à faire grève le 16 octobre contre ce projet. Il a été rejoint par l’Unsa et la CGT. La mobilisation a été massive puisque 310 salariés sur les 700 concernés ont cessé le travail. Le taux de grévistes a même atteint 80% dans le service après-vente.

Prochaine réunion le 10 novembre

La direction veut faire vite et espère une mise en place dès le 1er janvier 2021. Trois réunions de négociation ont été programmées : les 7 et 21 octobre et le 10 novembre. Vu la forte mobilisation du 16 octobre, la direction a lâché des miettes lors de la deuxième réunion, mais elle n’a pas lâché sur le fond, dénonce le DSC FO. Par exemple elle propose de passer tous les salariés à 36 heures hebdomadaires pour conserver 6 jours de RTT. Le samedi serait sur la base du volontariat, mais on sait bien comment ça se passe, il n’y aura pas de volontaires et il y aura des pressions. On ne décide pas de l’avenir de 700 salariés en trois réunions et sans contreparties, nous ne sommes pas là pour négocier la longueur des chaînes.

Frédéric Gallois souligne que sans accord majoritaire (signé par les syndicats représentant 50% des suffrages exprimés lors des élections professionnelles), ce projet ne passera pas. Or FO, Unsa et CGT représentent 61% des forces syndicales en présence. Les autres syndicats, CFDT et la CFE-CGC, n’ont pas appelé à la mobilisation.

Jusqu’à 30 % d’absentéisme sur certains sites

Il rappelle également que l’accord existant répond déjà aux exigences de la direction en permettant de venir tôt le matin, de rester tard le soir et de travailler en équipe. Selon lui, il s’agit surtout de faire de nouvelles économies sur le dos des salariés.

Les créanciers sont entrés au conseil d’administration, ajoute le délégué FO. Ils nous font subir un taux usurier de 8% sur la dette qui atteint désormais 250 millions d’euros. Tous les ans, on leur doit 20 millions d’euros, la pression est forte. Résultat, la part fixe des salaires est gelée depuis trois ans. En raison d’objectifs inatteignables, certains salariés ne touchent plus de part variable. Chez les commerciaux de terrain, l’absentéisme peut atteindre 20 à 30% sur certains sites, révélant l’ampleur de la souffrance au travail. Et aujourd’hui, on réorganise le temps de travail sans prévenir, poursuit-il. C’est la goutte d’eau.

Les syndicats restent mobilisés et envisagent une nouvelle journée d’action. Tant que rien n’est signé, on garde nos acquis, on va faire en sorte de peser encore dans les négociations, prévient Frédéric Gallois.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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