Solocal SA : les salariés de l’ex-Pages Jaunes dans une colère noire

InFO militante par Evelyne Salamero

©Gilles ROLLE/REA

Ils étaient déjà angoissés par l’endettement de l’entreprise, soumis à des pressions managériales toujours plus fortes, privés d’augmentation générale depuis 2018, et confrontés aux pertes de salaires dues au chômage partiel pendant le confinement. Les quelque 850 commerciaux de Solocal SA découvrent maintenant qu’il leur faut rembourser des trop perçus (de plusieurs centaines d’euros, voire plusieurs milliers pour certains) sur la part variable de leur rémunération, en raison d’erreurs de calcul à répétition commises par l’employeur. Le syndicat FO prédit une rentrée houleuse et n’écarte pas la grève.

Coups de téléphone, mails, discussions dans les couloirs, demandes de réunions syndicales en urgence, même à distance…. Ces derniers jours, le mécontentement ne cesse de remonter auprès du délégué syndical central FO de Solocal-FO, Frédéric Gallois. Les salariés sont dans une colère noire, constate-t-il. Et on les comprend.

Des retenues de plusieurs centaines d’euros sur des salaires proches du Smic

La direction de Solocal SA (ex-Pages Jaunes, lui-même ex-service national des annuaires téléphoniques que l’ancien opérateur public France Telecom avait cédé en 2006) a informé le CSE d’une erreur dans le calcul de la part variable de la rémunération de ses quelques 850 commerciaux (sur environ 2500 salariés), pendant la période de chômage partiel liée à la crise sanitaire.

La base du taux horaire était erronée, a expliqué l’employeur. Pire : cette erreur lui a permis d’en détecter d’autres, plus anciennes, pouvant remonter jusqu’en mars 2019, en lien avec les arrêts maladies, congés maladie, congés parental, accidents du travail ...

Résultat : l’entreprise a commencé à appliquer des retenues de salaires pour rembourser le trop perçu. Des retenues qui vont atteindre plusieurs centaines d’euros, voire plusieurs milliers pour certains. Qui plus est, ces retenues vont s’appliquer sur des rémunérations dépassant tout juste le Smic. Certains vont devoir vivre à crédit jusqu’en mars 2021, dénonce le syndicat FO.

Les salariés ne sont pas responsables des erreurs de calcul de l’entreprise

La direction pointe la responsabilité des salariés qui n’ont pas signalé le trop perçu. Mais l’argument ne fait qu’accroître le mécontentement. Et pour cause. Cela fait des années que FO dénonce le manque de visibilité sur les rémunérations. Les objectifs changent tout le temps ! Nous avons des régularisations qui interviennent plusieurs mois après ! Nous découvrons le montant de nos payes à chaque fin de mois. On ne sait jamais à quel montant s’attendre. Quant à la part fixe, elle n’a pas augmenté depuis 2018. Et maintenant on vient nous reprendre de l’argent sur la part variable !, s’indigne Frédéric Gallois.

La tension gagne aussi les cadres, dont certains sont directement concernés, et que, de surcroît, la direction a désignés pour présenter les excuses de l’entreprise aux commerciaux. Mais comment motiver des collaborateurs qui viennent d’apprendre qu’ils sont endettés pour des mois ?

Des salariés déjà à bout depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, au point que l’entreprise a enregistré en juin un taux d’absentéisme de 25% à 30% sur certains sites. Soumis à des pressions managériales de plus en plus dures pour les pousser à réaliser toujours plus de chiffre, avec toujours moins d’effectifs, plusieurs centaines de salariés de Solocal SA s’étaient déjà mis en grève en novembre 2019 à l’appel notamment de FO, pour protester contre la dégradation de leurs conditions de travail. https://www.force-ouvriere.fr/solocal-greve-contre-des-cadences-infernales-dictees-par-le

FO n’écarte pas un appel à la grève à la rentrée

Un an plus tard, la pression augmente encore. L’entreprise, fortement endettée depuis des années, n’a pas obtenu le Prêt garanti par l’État qu’elle avait demandé fin juin pour renflouer sa trésorerie une nouvelle fois mise à mal, cette fois par la crise sanitaire.

Le 24 juillet, Solocal SA a accepté un accord avec ses créanciers, dont le plus important est le fonds d’investissement américain Golden Tree. Ceux-ci ont converti une partie de leurs créances en actions, ce qui leur permet de récupérer à eux tous plus de 90% du capital de Solocal dans l’immédiat, puis d’en conserver 75% après l’augmentation du dit capital prévue pour l’automne. La dette, ainsi réduite de moitié, ne s’en élève toujours pas moins à 250 millions. Certes, les créanciers vont assurer la trésorerie en numéraire jusqu’à la fin de l’année. Mais ensuite ?

Les salariés subissent une pression commerciale de tous les instants, l’activité est rythmée par les échéances de remboursement de la dette de l’entreprise. Et dans ce contexte extrêmement anxiogène pour l’avenir de leurs emplois, ils apprennent brutalement qu’ils doivent rembourser une partie de leur salaire !, résume le délégué syndical FO. Prédisant une rentrée houleuse, Frédéric Gallois précise que le syndicat FO n’écarte pas d’appeler à la grève si les pressions managériales et les retenues sur salaires se poursuivaient. De plus, le syndicat revendique une transparence dans le mode de rémunération et une lisibilité des feuilles de paye.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante