J-C Mailly : « Pour la réhabilitation de l’impôt et de la dépense publique »

L’éditorial du Secrétaire général par Jean-Claude Mailly

Spécial impôts 2017
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Si le mandat qui s’achève n’a pas été celui de la mise en œuvre annoncée d’une grande réforme fiscale, il n’en reste pas moins que ce dernier aura vu s’égre­ner de nombreuses mesures fiscales. Certaines sont à saluer car elles auront permis la restauration d’un peu plus de justice dans notre système fiscal. Ainsi, le rétablissement de la progressivité de l’impôt sur le revenu, mise à mal par plus de quinze années de baisses d’im­pôts successives, est indéniablement à mettre au crédit de ce quinquennat et en particulier de celui des premières lois de finances. A contrario, de nombreuses autres mesures ont suscité notre oppo­sition la plus vive en participant d’un important transfert fiscal des entre­prises vers les ménages et touchant l’en­semble des ménages, sans épargner les moins aisés d’entre eux. Le pouvoir d’achat des ménages en a largement pâti et avec lui la croissance économique dans son ensemble.

Si toutes ces mesures se sont empilées au gré des lois de finances et des lois de finances rectificatives, une en particu­lier va marquer de son empreinte ce quinquennat fiscal. Il s’agit du prélève­ment à la source voté dans la loi de Fi­nances 2017 et qui sera, s’il n’est pas re­mis en cause, mis en œuvre à partir du 1er janvier 2018. FO a toujours été opposée au prélève­ment à la source pour deux raisons essentielles*. D’abord parce que notre mode de col­lecte de l’impôt sur le revenu actuel, fonctionne bien, voire très bien, et à moindre coût grâce aux nombreux ef­forts de modernisation de l’administra­tion fiscale – rappelons ainsi s’il était be­soin que la déclaration pré-remplie est généralisée, que la mensualisation concerne 70 % des contribuables et que le taux de recours aux paiements déma­térialisés atteint 90 %. Par ailleurs, des solutions simples qui ne nécessitaient pas de réforme d’ampleur étaient par­faitement envisageables pour améliorer la fameuse « contemporanéité » de l’IR, auprès notamment des contribuables qui subissent d’importantes fluctuations de revenus.

FO a toujours été opposée au prélèvement à la source pour deux raisons essentielles [1].

La seconde raison fondamentale est liée à la grande complexité de la réforme. Contrairement à ce qui est affiché, cette réforme ne pourra pas accroître la lisi­bilité de l’impôt et encore moins garan­tir une relation simplifiée à l’adminis­tration fiscale et à l’impôt. En proposant notamment jusqu’à trois taux de prélè­vement différents, en maintenant tou­jours pour le contribuable des dé­marches déclaratives et de régularisa­tion, cette réforme complexifie le recou­vrement de l’impôt et prend même le risque de rompre l’égalité des contribua­bles devant l’impôt. Et que dire du choix de l’employeur comme tiers-collecteur ! Force ouvrière y était totalement oppo­sée au vu des conséquences sur la rela­tion salariale. Si une partie des em­ployeurs ne fera aucun cas de ce qu’il est possible de supposer à partir du taux de prélèvement transmis par l’administra­tion fiscale, d’autres pourront s’en ser­vir dans un contexte de négociation sa­lariale toujours plus tendu et individua­lisé. Sans parler du risque majeur de perte de recettes fiscales lié aux possi­bilités de fraude, aux erreurs non inten­tionnelles de l’employeur dans la trans­mission ou l’application du taux, mais aussi aux cas où des entreprises se trouveraient en situation d’insolvabilité. En­fin, parce que l’administration fiscale demeurera toujours un intermédiaire indispensable pour le suivi, le recoupe­ment d’informations, le recouvrement mais également le contentieux, il n’est pas envisageable pour FO, sauf à accepter que l’État perde des recettes fiscales, que cette réforme se traduise par de nouvelles suppressions d’emplois au sein des services fiscaux.

Pour FO, cette réforme est donc non seulement un gâchis au vu de la qualité du système existant mais c’est aussi une erreur qui fait peser des risques importants sur les recettes fiscales et, au-delà, sur le consentement à l’impôt. Fort de ce constat, il est à craindre que cette réforme ne soit en réalité l’étape préalable et non avouée d’une fusion de l’IRPP avec la CSG, ce qui poserait nombre de problèmes en termes de jus­tice fiscale et de financement de la pro­tection sociale collective. Au final, ce mandat, peut-être plus que tout autre, a rappelé combien la fiscalité pouvait être un instrument de politique économique puissant mais jamais neutre. Force Ou­vrière maintiendra donc sa vigilance et sera particulièrement attentive à la po­litique fiscale dans les mois à venir. La défense de la progressivité de l’impôt sur le revenu, celle du système fiscal dans son ensemble, ce qui inclue la ques­tion du rôle de la fiscalité sur la consom­mation que d’aucuns souhaiteraient de plus en plus important en remplace­ment de certaines cotisations sociales, la fiscalisation de la protection sociale que d’autres voudraient voir se renfor­cer, comptent parmi nos principaux points de vigilance.

Au-delà, Force Ouvrière poursuivra tou­jours, et sans dogmatisme, sa mission de réhabilitation de l’impôt et de la dé­pense publique, source de justice sociale et d’efficacité économique. Alors qu’ils sont sans cesse dénigrés et vilipendés, les missions et les services publics sont en effet un pilier fondateur de notre co­hésion sociale et de notre pacte républi­cain mais également, et on ne le sait que trop peu, un soutien majeur à l’activité économique et à l’emploi. De nombreux travaux l’attestent désormais mais en­core faut-il qu’ils soient lus.

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Jean-Claude Mailly Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

Notes

[1Pour plus de détails sur la mise en œu­vre du prélèvement à la source, se repor­ter à la circulaire n°217-16 du secteur économique.

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