Travailleurs migrants : le Qatar s’engage à renforcer leurs droits

International par Evelyne Salamero

L’Organisation internationale du travail a décidé de classer la plainte déposée en 2014 par la Confédération syndicale internationale contre l’émirat qatari, saluant l’engagement de ce dernier de renforcer les droits des travailleurs migrants employés sur son territoire. Elle a simultanément lancé un programme de coopération technique avec le pays pour l’aider à concrétiser sa promesse.

Le Conseil d’administration de l’Organisation internationale du travail (OIT) du 8 novembre a jugé positivement les efforts du Qatar pour améliorer les conditions de vie et de travail des deux millions de migrants employés sur son territoire.

C’est à la suite d’une plainte déposée par la CSI en 2014 pour non-respect par le Qatar des conventions internationales interdisant le travail forcé et établissant la nécessité d’une inspection du travail, que l’OIT avait décidé de prendre le taureau par les cornes en lançant une enquête sur place.

La gravité de la situation avait poussé l’Organisation onusienne tripartite (gouvernements, employeurs, travailleurs) à utiliser cette procédure, à laquelle elle n’a pourtant que rarement recours (une dizaine de fois depuis la fin de la deuxième guerre mondiale).

Le pays s’engage à démanteler la Kafala, système d’esclavage moderne…

La CSI avait exposé en détail les conditions d’exploitation extrêmes auxquelles sont soumis les travailleurs migrants au Qatar, en particulier dans le secteur du bâtiment, dans le cadre de la construction des infrastructures nécessaires à la Coupe du monde de football de 2002.

Un peu moins d’un an après l’envoi des enquêteurs de l’OIT, en décembre 2015, le pays avait promulgué une loi mettant fin au système de la Kafala.

Ce système qui remplace un contrat de travail en bonne et due forme, et qui est toujours en vigueur dans d’autres pays du Moyen-Orient, oblige les travailleurs migrants à être parrainés par un employeur. Il leur est interdit de sortir du pays sans l’autorisation de leur patron-parrain qui confisque leur passeport à leur arrivée. Ils ne peuvent pas davantage changer d’emploi sans l’autorisation de ce dernier et sont donc condamnées à subir tous les abus.

… Et à instaurer un salaire minimum pour tous quelle que soit la race

Il reste maintenant à veiller à ce que cette mesure législative soit respectée sur le terrain, tout comme l’engagement du Qatar d’instaurer un salaire minimum pour tous et donc à mettre fin au système de rémunération basé sur la race, ou encore à faire en sorte que les arriérés de salaires soient systématiquement réglés.

Des comités de travailleurs élus par ces derniers devraient également pouvoir voir le jour dans chaque lieu de travail.

Prochaine étape : des intentions aux faits

Il faut maintenant que ces belles intentions se traduisent dans les faits, a commenté Catelene Passchier, porte-parole du groupe des travailleurs au sein de l’OIT.

C’est dans cet objectif qu’un plan de coopération technique de trois entre le gouvernement qatari et l’Oit a été lancé.

L’étape actuelle n’en est pas moins une victoire déterminante, soulignent l’OIT et la CSI. La transformation de cette plainte [de la CSI, NDLR] en un véritable engagement du gouvernement du Qatar à faire des changements positifs sur le terrain pour tous les travailleurs est une évolution encourageante. Nous célébrons ce moment pour le Qatar et ses deux millions de travailleurs migrants, a déclaré Luc Cortebeeck, président du Conseil d’administration de l’OIT.

Un exemple à suivre par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, souligne la CSI

Le Qatar a établi une nouvelle référence pour les États du Golfe et il faut à présent que l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, où des millions de travailleurs migrants restent sous le joug de l’esclavage moderne, lui emboîtent le pas, a souligné Sharan Burrow, secrétaire générale de la CSI.

Les nouveaux engagements pris par le Qatar vis-à-vis de la CSI et de l’OIT normaliseront les relations du travail dans le pays et ont créé les conditions permettant aux firmes internationales qui opèrent au Qatar de souscrire des accords sur les droits des travailleurs et le travail décent avec les fédérations syndicales internationales, a ajouté Sharan Burrow.

D’ores et déjà, l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB) a annoncé qu’elle signera un accord fin novembre avec la multinationale française Vinci et son partenaire local QDVC, accord qui couvrira tous les travailleurs employés par Vinci au Qatar.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

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