Pris dans les logiques de l’austérité, résultant notamment des contraintes du Pacte de stabilité européen, les gouvernements estiment n’avoir d’autre issue que favoriser la compétitivité des entreprises.
Ces politiques, dites de l’offre, consistent à répondre aux revendications patronales de réduction du coût du travail, de flexibilité, d’allègement de la fiscalité des entreprises et, aujourd’hui, de mise en cause du Code du travail.
Le dialogue social tant invoqué est vu essentiellement comme un moyen d’impliquer les organisations syndicales qui veulent bien s’y prêter. Ainsi, tout en l’évoquant régulièrement, le président de la République et le gouvernement décident unilatéralement de la plupart des mesures sur lesquelles les interlocuteurs sociaux sont sommés de « négocier », à la grande satisfaction du patronat.
Pêle-mêle des reculs sociaux
• Pacte de responsabilité (41 milliards d’euros en 2017 aux entreprises, sans contrepartie, financés par 50 milliards d’euros de réduction des dépen ses publiques et sociales).
• Extension du travail le dimanche.
• Gel des salaires dans la fonction publique et absence de coup de pouce au Smic.
• Appui marqué à un accord sur les retraites complémentaires qui recule, de fait, à 63 ans l’âge de départ à taux plein.
• Tensions de plus en plus vives dans les missions de service public de moins en moins financées.
• Etc.
Maintenant c’est au travers du Code du travail et des règles de la négociation que le gouvernement veut s’attaquer aux droits des salariés.
Une vague libérale est en train de se transformer en tsunami submergeant les droits sociaux.
Il est temps que les salariés et demandeurs d’emploi se fassent entendre pour dire stop.
Du principe de faveur à la faveur donnée à l’entreprise
L’offensive contre la négociation collective garante de l’égalité et du progrès social vient brutalement de s’accélérer. Elle vise à renverser la hiérarchie des normes, qui veut que les dispositions prévues par le Code du travail sont intangibles et que les niveaux de négociation, de la branche à l’entreprise, ne peuvent qu’adapter la mise en œuvre de ces droits en les améliorant éventuellement, au nom du principe de faveur (entre deux niveaux, la disposition la plus favorable s’applique).
Cette offensive avait été engagée avec les lois Auroux (1982) qui ont introduit la possibilité au niveau de l’entreprise de déroger aux conventions collectives de branches. Mais un garde-fou avait été prévu, par exemple avec un droit d’opposition aux syndicats représentant au moins 50 % des salariés.
Pour justifier l’élargissement du champ des dérogations possibles (contingent d’heures supplémentaires et désormais travail le dimanche et en soirée), la loi, sous l’impulsion de la position commune entre le patronat et la CFDT et la CGT en 2008, a introduit la notion d’accord majoritaire pour valider un accord dérogatoire.
Le référendum pour déroger
Constatant que l’accord majoritaire à 50 % de représentativité peut être difficile à obtenir, le gouvernement veut aller encore plus loin.
Lorsque la majorité syndicale ne pourra être acquise pour signer un accord d’entreprise, il envisage de permettre d’imposer l’accord par voie référendaire, comptant sans doute sur la crainte de la perte d’emplois, et le chantage exercé sur les salariés pour les amener à accepter un recul de leurs droits (augmentation de la durée du travail et baisse de la rémunération au prétexte d’accords de maintien dans l’emploi, par exemple). Pourtant, dans les pays où la « décentralisation » systématique de la négociation collective au niveau de l’entreprise a été imposée, comme en Espagne et au Portugal dans le contexte de la crise, le niveau de couverture des salariés par un accord collectif a reculé, sans effet démontré sur l’emploi.
De Combrexelle à Badinter : le Code du travail rétréci !
Dans le même temps, le gouvernement n’hésite pas à proposer de rétrécir le Code du travail. Au prétexte que celui-ci serait trop lourd et compliqué, il a missionné plusieurs expertises en ce sens. Avec le rapport Combrexelle (septembre 2015), il s’agirait de réduire certaines protections à des dispositions dites « supplétives », ne s’appliquant qu’en l’absence d’accord, qu’il soit plus ou moins favorable, au niveau de l’entreprise ou de la branche.
Plus récemment, le rapport Badinter pourrait conduire à limiter le champ des protections intangibles du Code du travail à des principes généraux, étendant de fait les dérogations possibles.
C’est ni plus ni moins la République sociale qui est en cause
Entreprises Toujours Plus Le CICE
Le CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi), mesure phare du Pacte de responsabilité, qui rembourse aux entreprises une part de leurs cotisations sociales, serait transformé en baisse pérenne de cotisations patronales.
Or ce dispositif n’a pas été évalué quant à ses effets attendus sur la création d’emplois !
Et c’est le financement de la Sécurité sociale qui sera pénalisé.
Chômage : 5 millions Entreprises : 41 milliards
Sur la seule année 2015, le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi aura augmenté de 259 700 pour atteindre 5,77 millions (catégories A, B et C, DOM et TOM inclus).
Les pin’s du Medef promettant 1 million d’emplois au titre du Pacte de responsabilité vont pouvoir être détruits ! En revanche, après avoir perçu 23 milliards en 2015, les entreprises devraient bénéficier de 32 milliards, puis de 41 milliards en 2017 de crédit d’impôts et d’allégements de cotisations sociales. Le tout devrait être financé par les réductions de moyens des services publics à hauteur de 50 milliards en 2017.
Les premières estimations des bénéfices des entreprises du CAC 40 indiquent, dans le même temps, une hausse de 20 % (pour atteindre 78 milliards d’euros).
Déjà en 1986, le patronat (CNPF, devenu Medef par la suite) avait obtenu la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, promettant en échange 370 000 emplois, avec le résultat que l’on sait !
C’est pourtant au nom de l’emploi que les politiques libérales du « toujours plus pour les entreprises » et « toujours moins pour les salariés » continuent, faute de réorienter les politiques économiques en faveur de la croissance, de la redistribution des richesses par l’augmentation des salaires, la protection sociale et le service public !
Durée du travail ou travailler plus en gagnant moins !
Deux mesures conduisent à moins rémunérer les heures supplémentaires.
Heures sup minorées
La première vise à s’affranchir du niveau protecteur de la branche pour permettre, par accord dans les entreprises, de majorer les premières heures de 10 % au lieu de 25 %. Les pressions seront fortes à chaque fois que l’entreprise pensera avoir quelques difficultés.
Pluri-annualisation du temps de travail
La seconde vise à pouvoir moduler la durée du travail non plus sur l’année, mais sur plusieurs années. Il s’agit d’adapter le rythme de travail des salariés à celui de l’activité en évitant plus facilement d’avoir à rémunérer les heures supplémentaires en période de haute activité et, bien sûr, d’avoir à embaucher. Or, depuis la loi d’août 2008, un accord d’entreprise a, en la matière, la primauté sur les dispositions éventuelles prévues au niveau de la branche. Qui plus est, il s’impose au contrat de travail individuel préexistant.
Dumping social assuré
Et ce que décidera une entreprise sera pris comme prétexte dans l’entreprise voisine pour faire de même. Résultat : là où la convention de branche visait à harmoniser la concurrence, en protégeant les droits élémentaires des salariés, c’est le dumping social qui se généralisera un peu plus, sans que cela empêche les délocalisations.
SalarIés toujours moins
La dégressivité punitive
Alors que la négociation n’a pas encore débuté, le gouvernement distille lui-même les revendications patronales : durées d’indemnisation trop longues, dégressivité des allocations.
En échec sur l’inversion de la courbe du chômage, faute d’une économie créatrice d’emplois, il n’offre d’autre alternative que la réduction des droits des demandeurs d’emploi.
Salarié, auto-entrepreneur, entrepreneur indépendant, etc.
On parle beaucoup de digitalisation, de numérisation, « d’ubérisation ». Autant il ne peut être question de remettre en cause les progrès techniques et technologiques, autant il est essentiel de les encadrer pour éviter une concurrence économique déloyale et le foisonnement de petits boulots.
Aussi, quand le gouvernement envisage d’augmenter fortement le plafond de chiffre d’affaires des auto-entrepreneurs, de détourner le portage salarial en l’ouvrant pour les petits boulots, de remettre en cause certaines qualifications, c’est autant d’emplois qui disparaîtront dans l’artisanat et autant de problèmes qui se poseront en matière de santé et de sécurité.
Contrairement à l’illusion libérale, le salariat est facteur d’émancipation des travailleurs en les protégeant des aléas économiques et en équilibrant la relation de subordination à l’employeur. Le travailleur indépendant se trouve lui dans une position bien plus précaire, soumis aux exigences de ses donneurs d’ordre ou clients et à la concurrence de ses homologues.
Salariés, actifs, au chômage, jeunes, retraités, femmes et hommes, en situation précaire, CDI ou sous statut, nous ne pouvons laisser faire sans réagir.
Avec FO, préparons la mobilisation permettant de dire STOP au tsunami libéral et de redonner espoir au progrès social.