Dans la bataille engagée depuis six mois par le géant des eaux Suez pour conserver son indépendance, son intersyndicale (comptant cinq organisations dont FO) repart à l’offensive. Elle appelle les salariés du groupe et leurs soutiens
à se rassembler ce mardi 2 mars, à partir de 12h30, devant le siège parisien de son grand rival français Veolia, pour manifester de nouveau son opposition à l’OPA (offre publique d’achat) hostile que celui-ci a lancée.
Le 6 octobre 2020, Veolia a racheté 29,9 % du capital de Suez auprès d’Engie, pour 3,4 milliards d’euros (18 euros par action), puis il a déposé début février, sans l’accord de Suez, une OPA sur les 70,1 % restants, dans le but de fusionner les deux groupes et de créer un champion mondial de la transformation écologique
. Suez a aussitôt contesté en justice la validité légale du dépôt de l’OPA et son conseil d’administration s’est prononcé, à l’unanimité, le 24 février, contre l’opération. L’intérêt social de Suez n’est pas préservé dans une opération qui implique son démantèlement
, a-t-il expliqué pour motiver son opposition.
FO défend l’intégrité de Suez
Ce rassemblement de salariés montre notre détermination à ne pas laisser le groupe Suez se faire démanteler dans une opération qui impliquera la disparition de 4 000 à 5 000 postes directs en France (sur 30 000 emplois au total, NDLR). Sans compter les emplois indirects
, martèle Noui Bourahli, coordinateur FO pour le groupe Suez et également délégué syndical central FO de Suez Eau France, une filiale de 11 000 salariés (où FO est majoritaire) menacée d’être vendue.
En effet, dans le projet en deux temps présenté fin août par Veolia, celui-ci prévoyait de céder les activités Eau France de Suez au fonds français d’investissement en infrastructures Meridiam en raison des lois anti-trust et, après avoir réglé ces questions de concurrence, de lancer une offre sur 100 % du capital de Suez. Pour les mêmes raisons, il projetait aussi de vendre une partie de l’activité déchets en France de Suez à des entreprises hexagonales.
Un jugement en appel décisif
La date du rassemblement n’est pas anodine. Ce mardi, la cour d’appel de Versailles (Yvelines) doit rendre sa décision concernant l’information-consultation, réclamée par les comités sociaux et économiques-centraux (CSE-C) de Suez, dans le cadre du rachat par Veolia de 29,9 % du capital de leur groupe. Sitôt connue le 3 février la décision du tribunal judiciaire de Nanterre (Hauts-de-Seine), actant une non-obligation d’information-consultation sur cette opération (et suspendant le processus en cours), les instances représentatives du personnel (IRP) de Suez ont fait appel.
La décision du tribunal de Nanterre va à l’encontre de quatre jugements précédents ! Elle a propulsé les salariés et les militants dans un ascenseur émotionnel. Cela ajoute au climat anxiogène et risque de faire encore augmenter les troubles psycho-sociaux qui se manifestent chez les salariés depuis la présentation par Veolia de son projet d’OPA
, dénonce Noui Bourahli.
Face à l’explosion des troubles psycho-sociaux chez les salariés, plusieurs CSE-C du groupe Suez ont mandaté en décembre le cabinet spécialisé Technologia pour faire une expertise sur le sujet.
L’enjeu des droits de vote de Véolia
Si l’inquiétude est aujourd’hui montée d’un cran, c’est que la décision du tribunal de Nanterre est lourde de conséquences. Elle a permis à Veolia de récupérer l’ensemble de ses droits
de vote sur les 29,9 % du capital de Suez, qu’une première décision de justice datant du 9 octobre avait gelés. Ce faisant, Veolia, qui est le premier actionnaire de son principal concurrent, avait retrouvé les coudées franches : il devait pouvoir voter lors de l’assemblée générale annuelle de Suez, attendue au printemps, au cours de laquelle les actionnaires doivent prendre position sur le projet d’OPA. Les intentions de Veolia sont connues : le groupe veut faire révoquer les membres du conseil d’administration de Suez, tous hostiles à son OPA.
Cette activation du droit de vote est aujourd’hui conditionnée au résultat de la procédure en appel, qui sera connu ce mardi. Mais elle est aussi conditionnée à une autorisation préalable des autorités européennes à la concurrence (qui pourrait l’accorder résolution par résolution, en fonction de leur sujet, NDLR). Sur ce point, Veolia se dit confiant.
Guérilla juridique
L’enjeu explique la guérilla juridique engagée par Veolia contre la décision du tribunal judiciaire de Paris du 9 octobre dernier. A l’époque, celui-ci avait donné gain de cause aux IRP de Suez : il avait suspendu les effets de l’acquisition
par Veolia des 29,9 % du capital de Suez (sans remettre celle-ci en cause sur le fond) le temps que se tienne le processus d’information-consultation des IRP de Suez. Il devait s’achever le 31 mai prochain, autrement dit après l’AG d’actionnaires de Suez.
Refusant de perdre la maîtrise du calendrier, Veolia aura fait, au total, quatre recours. Il a demandé au juge de reconnaître un délai de trois mois maximum d’information-consultation (jusqu’au 5 février), d’abord en appel, puis en requête en interprétation et enfin en référé, avant d’engager une action sur le fond (finalement victorieuse) devant le tribunal de Nanterre.
A ce jour,
. services support
par le projet de fusion. Tous les documents de Veolia, qui ont pu être transmis, étaient lacunaires sur ces sujets