Teleperformance : un sérieux manque de performance en matière de droits humains

International par Evelyne Salamero, FEC FO

La multinationale française manque à son devoir de vigilance quant au respect des droits humains de ses 300 000 salariés de par le monde, dénoncent FO, la CGT, la CFDT et la fédération internationale Uni Global Union.

L’assemblée annuelle des actionnaires de Teleperformance a été marquée le 9 mai dernier par un rassemblement devant le siège de l’entreprise à Paris, à l’appel de la fédération internationale Uni Global Union et de plusieurs syndicats français, dont la fédération FO des Employés et cadres. Leur objectif : exiger que la société respecte pleinement les dispositions de la loi française sur le devoir de vigilance, et qu’elle cesse ainsi de manquer à son obligation légale de faire respecter les droits humains de ses 300 000 salariés répartis dans 78 pays.

Teleperformance est le premier fournisseur mondial de services de relations avec la clientèle, via des centres d’appels externalisés. Des entreprises et marques très connues, comme Apple, Orange ou encore Uber, font appel à ses services. Elle emploie environ deux fois plus de salariés que la Société générale ou Renault et trois fois plus que Michelin.

Les syndicats ignorés

La loi française du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre rend obligatoire la mise en place d’un plan de vigilance pour les entreprises dont le siège social se trouve sur le territoire français et qui emploient moins 10 000 salariés en leur sein et dans leurs filiales directes. Ce plan doit comporter les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle (…) directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

Mais, la première édition du plan élaboré par Teleperformance laisse apparaître de nombreuses lacunes, révèle un rapport réalisé par le cabinet d’expertise Syndex et publié en avril par Uni Global Union.

Selon la loi française de 2017 le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société. Or ces dernières n’ont pas été consultées par la direction de Teleperformance. Les syndicats français ne l’ont pas été davantage sur la mise en place d’un mécanisme d’alerte, alors que la loi précise qu’il doit être établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives. Résultat : il n’existe aucun mécanisme d’alerte à ce jour.

Autres lacunes du plan de vigilance de Teleperformance

Autre manquement. La loi de 2017 prévoit la réalisation d’une cartographie des risques liés aux activités de l’entreprise, en matière de violations des droits de l’homme, des libertés fondamentales des individus, de la santé et de la sécurité des personnes ainsi que des normes environnementales Le plan de vigilance de Teleperformance.

Le plan de vigilance de Teleperformance ne comprend pas à ce jour de cartographie, ce qui rend impossible l’identification, l’analyse et la hiérarchie des risques et par conséquent une évaluation précise et donc sérieuse de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs.

D’ailleurs, l’évaluation repose pour l’instant sur des auto-déclarations des filiales de l’entreprise et des enquêtes de satisfaction auprès des employés, alors que la liberté de parole de ces derniers est bien souvent limitée, voire inexistante, face à l’employeur direct.

68% de la main d’œuvre concentrée dans les pays les plus dangereux

Autant de manquements qui font dire au cabinet d’expertise Syndex que ce plan de vigilance n’est en réalité rien de plus que le résultat d’un simple exercice de communication de principe visant à répondre formellement aux exigences de publication exprimées par le législateur français et aux organisations syndicales qui ont fait fortement pression sur l’entreprise à l’automne 2018.

Le problème est d’autant plus alarmant que la majorité des salariés de l’entreprise (68%) sont concentrés dans six pays où sont perpétrées des violations systématiques des droits des travailleurs : l’Inde, les Philippines, les États-Unis, le Mexique, le Brésil et la Colombie. Au total, moins de 1% des effectifs mondiaux de Teleperformance se trouvent en France.

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

FEC FO Employés et Cadres