Télétravail : pour FO, seul un ANI permettra de protéger tous les salariés

Emploi et salaires par Clarisse Josselin

© Pascal SITTLER/REA

Une première réunion paritaire sur le télétravail s’est tenue le 5 juin en visioconférence. Les discussions devraient se poursuivre jusqu’en septembre. Mais les interlocuteurs sociaux sont divisés sur la finalité des discussions. Alors que les organisations syndicales revendiquent à l’unanimité la négociation d’un accord national interprofessionnel (ANI), les organisations patronales veulent s’en tenir à un document de synthèse des travaux.

Avec la période de confinement pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, plus de cinq millions de salariés se sont retrouvés du jour au lendemain à devoir travailler à domicile, la plupart d’entre eux pour la première fois, sans aucune préparation. Certes, cette forme d’organisation du travail a permis à près d’un actif sur quatre de poursuivre son activité en toute sécurité sanitaire. Mais elle n’a pas été sans créer de nouvelles difficultés, souligne le secrétaire général de FO dans un courrier qu’il a adressé le 14 mai aux organisations patronales (Medef, CPME et U2P) pour demander l’ouverture d’une négociation nationale interprofessionnelle (ANI) sur le télétravail.

Les thèmes qu’il souhaitait voir aborder sont : les conditions de mise en place du télétravail ; l’organisation du travail ; l’articulation vie privée / vie professionnelle ; la prévention des risques psycho-sociaux ; le maintien du lien avec les institutions représentatives du personnel (IRP).

L’ouverture d’un ANI est une revendication portée par FO depuis des années. La situation de crise sanitaire et les problèmes qu’elle pose la rendent d’autant plus opportune. La nécessité d’évoquer le sujet a finalement été entendue du côté patronal puisque le Medef a proposé le 15 mai l’ouverture de discussions. La première réunion s’est tenue le 5 juin en visioconférence. L’objectif était de dresser les grandes lignes d’un diagnostic partagé et d’établir la méthode de travail. Chaque organisation a pu exposer ses positions et un calendrier a été établi jusqu’en septembre.

Risques psycho-sociaux

FO avait fait passer un questionnaire à ses structures sur les conditions de mise en place du télétravail durant la crise sanitaire. Il en ressort que là où il existait un accord et où le télétravail se faisait déjà, la mise en œuvre a été plus facile, explique Béatrice Clicq, secrétaire confédérale chargée du numérique et négociatrice FO. Elle pointe également une grande inégalité entre salariés en termes de matériel ou d’accès aux réseaux.

Certes le télétravail comporte certains avantages. Il permet aux salariés de mieux concilier vie privée et vie professionnelle et d’économiser le temps de trajet. Mais il a aussi ses inconvénients, comme le mélange entre les différents temps de vie, l’absence de déconnexion ou le non-respect du temps de travail. Or la mise en place du télétravail durant le confinement, sans aucun cadre, a exacerbé ces travers, avec de potentiels risques psycho-sociaux.

Durant la période de confinement, c’était pour certains salariés le cumul du télétravail en continu avec les enfants, le suivi scolaire et les tâches domestiques, une situation encore plus prégnante pour les femmes, poursuit Béatrice Clicq. Au contraire, les salariés vivant seuls se sont retrouvés isolés chez eux sans aucun lien social. La négociatrice FO souligne d’ailleurs qu’au cours des discussions paritaires, aucun négociateur ne s’est montré favorable à un télétravail non-stop, cinq jours par semaine.

Autre problématique portée par FO, la charge de travail. Il y a eu une surcharge de travail pour certains salariés, mais aussi une sous-charge pour d’autres, et c’est une source d’angoisse, poursuit-elle. Béatrice Clicq pose également la question de la joignabilité des salariés. Être au travail ne veut pas forcément dire être joignable, quand on est en visioconférence, on travaille mais on ne peut pas décrocher pas son téléphone, ajoute-t-elle.

Davantage de métiers éligibles au télétravail

Elle souligne par ailleurs que le confinement a permis d’élargir le nombre de métiers pouvant être exercés en télétravail. J’ai rappelé aux organisations patronales que le télétravail avait permis aux entreprises de poursuivre leur activité en période d’épidémie, ajoute-t-elle.

S’il n’y a pas eu de vraies divergences dans les grandes lignes du constat, selon la négociatrice FO, les interlocuteurs sociaux sont ressortis divisés sur la finalité des discussions. Pour FO, comme pour l’ensemble des organisations syndicales, seul un ANI permet d’assurer un cadre protecteur à tous les salariés en toutes circonstances, et imposant des garanties minimales en termes de temps de travail et de charge de travail.

La législation actuelle repose sur l’ordonnance Macron de 2017. Le télétravail peut être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou à défaut d’une charte élaborée par l’employeur. Mais il peut aussi faire l’objet d’un simple accord individuel entre l’employeur et le salarié.

Or les employeurs rejettent toute idée de négociation interprofessionnelle pour ne pas imposer de nouvelles normes aux entreprises. Estimant que les textes existants sont suffisants, les organisations patronales souhaitent pour un simple document de synthèse des travaux, afin de donner des outils de négociation en entreprise.

C’est vrai que le télétravail doit être négocié au plus près des entreprises, mais cela ne marche que dans celles où il y a des OS, ajoute Béatrice Clicq. Ailleurs, c’est une simple charte ou un tête à tête avec l’employeur, et le salarié n’est pas en position de force. Il faut donc un cadre contraignant et seul un ANI permet de couvrir tous les salariés.

Les interlocuteurs sociaux poursuivront les discussions le 19 juin, le 2 juillet et le 2 septembre. Une quatrième réunion devrait avoir lieu en septembre.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante

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