Temps lourd à Athènes, très lourd…

Europe par Evelyne Salamero

Il y a un mois et demi à peine, par référendum, 62.5% des électeurs grecs disaient non à un nouveau plan d’austérité et de réformes exigé par les créanciers du pays. Aujourd’hui, une majorité de leurs députés ont dit oui. Avec 40% de grecs déjà en situation de pauvreté totale « l’urgence n’est pas bancaire, mais humanitaire », alerte la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE).

Ce vendredi 14 août à 10 heures du matin, après 22 heures de débat ininterrompus, le Parlement grec a adopté le nouveau plan « d’aide » international à la Grèce, le troisième depuis 2010. En clair, les députés ont validé les nouvelles mesures d’austérité et réformes structurelles exigées par les créanciers du pays (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Mécanisme européen de stabilité) en échange d’un nouveau prêt de 85 milliards d’euros (en plusieurs tranches). Enfin, peut-être… Car certains, comme le gouvernement Allemand, veulent encore des précisions sur la façon dont ce plan va être concrétisé, en particulier sur la question des privatisations, avant de prendre leur décision finale.

Privatisations, réforme des retraites, de la négociation collective, du droit de grève…

Pourtant, de l’avis des économistes, le mémorandum adopté par le Parlement grec (400 pages) est de loin le plus détaillé de tous ceux adoptés depuis 2010, couvrant un champ extrêmement vaste (35 réformes au total), de la réforme de la justice à celle des règles du licenciement collectif, de la négociation collective, du droit de grève, en passant par la politique du transport, le report de l’âge de la retraite dans le cadre du bouclage de la réforme des retraites déjà entamée par le précédent gouvernement en 2010, mais aussi, en plus, la réduction des retraites anticipées ou encore la privatisation des ports, des aéroports, des chemins de fer, de la production et distribution d’électricité… Sans parler d’une augmentation de la TVA et de nombreuses autres mesures fiscales avec notamment une baisse des subventions sur le diesel.
De plus, les objectifs budgétaires sont plus ambitieux que jamais compte tenu de l’effondrement de l’activité économique du pays et vont entraîner des réductions de dépenses publiques drastiques, même si le gouvernement du Premier ministre, A.Tsipras a arraché des concessions sur les délais.

Les contrôles qui seront effectués par les institutions (UE, BCE, Mécanisme européen de stabilité et FMI) "sont les mêmes, formellement, que dans les deux précédents plans d’aide" en 2010 et 2012 (mais) les créanciers sont plus précis sur les mesures à prendre et le calendrier", relève Frédéric Allemand, spécialiste de l’Europe à l’institut d’études CVCE, basé à Luxembourg.
Les ministres des Finances de la zone euro devaient se réunir ce 14 août après-midi pour étudier de nouveau le texte, s’assurer que toutes les conditions sont bien remplies et peut-être tenter d’imposer des conditions supplémentaires. Il faudra ensuite qu’il soit encore adopté par les parlements de plusieurs pays : le bundestang allemand, mais aussi les assemblées d’Autriche, de Finlande, d’Estonie, de Lettonie et de Slovaquie. Le parlement français l’a déjà fait le 13 juillet dernier. Les députés et sénateurs français ont ainsi été les premiers de la zone euro à se prononcer en faveur du plan.

40% de Grecs déjà en situation de pauvreté totale

La Commission européenne a fait savoir qu’elle espérait que le plan pourrait être sur les rails d’ici le 20 août, date à laquelle la Grèce doit verser à la BCE une échéance de 3.4 milliards d’euros en remboursement d’un prêt précédent. Mais elle a d’ores et déjà préparé les documents nécessaires à un prêt-relais pour que le pays puisse s’acquitter de cette échéance, au cas où les ministres des finances de la zone euro estimeraient encore insuffisantes les mesures prises par le gouvernement grec et bloqueraient en conséquence le plan d’aide de 85 milliards.
De son côté pourtant, le premier ministre Grec, A.Tsipras a précisément insisté sur la nécessité d’éviter à tout prix un prêt relais supplémentaire pour convaincre les députés de voter le mémorandum exigé par les créanciers en échange du plan « d’aide » de 85 milliards. Après avoir tenté, en vain, de modifier les conditions du plan d’aide complémentaire, obtenir à terme un accord sur l’allègement de la dette et l’allongement des délais de remboursement pour espérer sortir de la spirale austéritaire est l’objectif affiché par le premier ministre au pouvoir depuis janvier dernier.
La dette grecque atteint en effet aujourd’hui quelque 320 milliards d’euros, soit 170% du PIB (Produit intérieur brut). Les 85 milliards de prêts supplémentaires vont la faire grimper à 200% du PIB. Le FMI lui-même insiste sur la nécessité d’un allègement massif de cette dette pour que l’économie grecque puisse continuer à fonctionner et que le pays puisse continuer à rembourser.

Mais « l’urgence n’est pas bancaire mais humanitaire », alerte la confédération générale des travailleurs grecs (GSEE, qui syndique les salariés du secteur privé) qui vient de publier un rapport révélant que 40% des Grecs vivent dans la pauvreté totale , contre 7.6% en 2009 et 37.4% en 2012 et que les travailleurs percevant le salaire minimum ont subi, sur la même période une perte de pouvoir d’achat de 25%.

« Non le 5 juillet, non jusqu’à la fin » clame le syndicat des fonctionnaires

De son côté la fédération des fonctionnaires Adedy avait appelé à une journée de grève de 24 heures le 15 juillet dernier et à une manifestation le 22 juillet sous le mot d’ordre « Non le 5 juillet, non jusqu’à la fin ». De nouvelles manifestations étaient prévues ce vendredi 14 août en fin de journée.
Dans ce contexte, le vote du projet de loi sur le mémorandum accompagnant le plan d’aide, présenté par le Premier ministre A.Tsipras, a recueilli 222 voix sur 300, mais avec 120 voix venues des partis de l’opposition (le parti socialiste PASOK, le parti de droite Nouvelle Démocratie, le parti centriste To Potami) et du parti de droite souverainiste (ANEL). Ce vote signe l’éclatement de Siriza, le parti du Premier ministre A.Tsipras, dont jusqu’à 47 députés, selon un premier décompte officieux, n’auraient pas voté en faveur du projet de loi. Des élections anticipées pourraient bien avoir lieu dès l’automne.

Evelyne Salamero

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante

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