[Théâtre] « 36e dessous. Chronique d’un désastre écologique annoncé »

Culture par Christophe Chiclet

Cette pièce retrace la tragique histoire de l’usine Fertiladour à Bayonne qui de 1973 à 1993 a traité des matières hautement toxiques, empoisonnant et tuant ses ouvriers, le site de production et les environs.

Odile Macchi, sociologue de formation, a créé la compagnie « Si et seulement Si » en 1999. Depuis deux ans, elle travaille aussi comme sociologue à l’Observatoire du Samu-social de Paris. A travers des bandes son, des images manipulées et le jeu d’une comédienne, « 36e dessous. Chronique d’un désastre écologique annoncé » raconte le scandale de cette usine installée dans l’arrière-pays bayonnais.

Des ouvriers y ont broyé du thorium 232 hautement radioactif et de la silice pure, sans protection, comme à l’époque de l’apogée de l’amiante. Quoique fermée en 1993, l’usine continue ses ravages insidieux et silencieux. La silicose, la fibrose et autres « saloperies » font leur travail. En 2011, les premiers ouvriers commencent à mourir. Le site devient une friche industrielle qui n’est pas dépolluée, malgré les diverses obligations légales. En 2009, seulement, la direction passe le site au bulldozer sans recycler les matériaux ni la terre souillée, abandonnés à l’air libre quelques centaines de mètres plus loin, au nez et à la barbe des riverains dans une région à forte densité démographique. En 2009, le site est mis en vente pour créer une nouvelle zone commerciale. Condamné par la justice, le projet est finalement abandonné en 2012, laissant l’endroit à une sorte de déshérence radioactive.

La scénarisation du désastre

Les spectateurs sont invités à cette exploration du terrain à travers des bandes son recueillant les propos des protagonistes : les ouvriers, le maire, les voisins, l’inspecteur du travail, les médecins... Chacun des interlocuteurs fait l’objet d’un travail sonore qui manifeste la dynamique, parfois sournoise, de la parole. A mesure du déroulement du son, le monde dont ils parlent s’offre à la vue des spectateurs, orchestré par le plasticien-manipulateur d’images qui est chargé de faire évoluer le terrain, de représenter un environnement en mutation forcée. Et tout cela « mis en musique » par le travail, la présence de la comédienne Lucie Boscher.

Odile Macchi résume cette pièce : Dans une version inversée du ciné-concert qui propose une sonorisation d’un document visuel, notre reconstitution propose une visualisation loufoque d’un document sonore. Il existe des dizaines d’affaires similaires en France, souvent ensevelies au propre ou au figuré par une solide chape de plomb ou de béton !

 

« 36e dessous. Chronique d’un désastre écologique annoncé », Théâtre de la Reine Blanche, 2bis passage Ruelle, Paris XVIIIe. Du mercredi au samedi à 19h, dimanche à 15h. Durée 1h. Texte et mise en scène : Odile Macchi, comédienne : Lucie Boscher, plasticien-images : Daniel Azélie. En tournée à partir de mars 2020.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante