[Théâtre] Le courage de ma mère

Culture par Christophe Chiclet

Une pièce basée sur un épisode peu connu de la Shoah et qui, c’est entre autres sa singularité, ne se termine pas de façon tragique. Une pièce écrite par György-George Tabori et jouée par Roland Timsit.

Cette pièce a été écrite en allemand par Tabori en 1979. Traduite par Maurice Taszman, elle est aujourd’hui mise en scène par David Ajchenbaum. Roland Timsit en est l’unique acteur. La réalisation est signée de la Reine Blanche et de la Cie Les Trois pieds dans la même chaussure.

Tabori raconte en miniature toute l’histoire de la Shoah : des voisins qui deviennent des ennemis à l’État un danger, à la culpabilité des survivants-rescapés, l’incrédulité de ceux qui sont restés derrière leurs volets clos... L’auteur parvient à théâtraliser la catastrophe. Elle lui permet également de rendre son horreur réelle, tangible grâce entre autres à un humour noir corrosif. On rit même durant cette pièce, comme tient à le souligner Roland Timsit.

Au départ, Tabori a écrit cette pièce pour plusieurs acteurs, mais le metteur en scène David Ajchenbaum a préféré qu’elle ne soit jouée que par un seul. Ainsi, ayant pour partenaires des micros et des accessoires, Roland Timsit invente des univers sonores, et donne voix et corps aux différents personnages du récit.

La vie de Tabori (1914-2007) est à l’image de cette pièce : un pied de nez à l’histoire du XXe siècle. Juif hongrois, György naît à Budapest, quatre ans avant la disparition de l’empire bicéphale austro-hongrois. Il est journaliste à Berlin en 1933 au moment de la prise du pouvoir, par les urnes, d’Hitler. Deux ans plus tard, pressentant le pire, il rejoint l’Angleterre, devenant George et prenant la nationalité britannique. Il s’engage alors dans l’armée anglaise. Versé dans la VIIIe armée, il est détaché en Palestine quatre ans avant la création d’Israël. Bref, Tabori devance les événements historiques de son siècle, d’où sans doute son humour noir, celui d’un témoin arrivé sur les lieux en amont des conflits. En 1971, c’est en Allemagne de l’ouest (RFA) qu’il se réinstalle. Enfin, il sera directeur de théâtres à Vienne entre 1986 et 1990.

La force de l’histoire et de l’engagement

Tabori raconte l’histoire vraie de sa mère qui, partant faire une partie de cartes chez sa sœur, est raflée par la police hongroise en plein Budapest. Jetée dans un train, elle est déportée vers Auschwitz. Mais à la frontière polonaise, dans un concours de circonstances incroyable, un officier nazi, catholique perturbé, la renvoie à Budapest, pensant hypocritement qu’en sauvant cette Juive, il sauvera peut-être son âme.

Alors que le père de Tabori et tout le reste sa famille ont été génocidés, sa mère s’en est sortie et a même corrigé la rédaction de la pièce de son fils.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la Hongrie était l’alliée de l’Allemagne nazie, dirigée par l’amiral-régent Horthy. Un comble pour un pays sans accès à la mer et sans Roi ! Alors que le vent tourne et que l’armée rouge est à la reconquête, la diplomatie hongroise prend langue avec l’Angleterre en février 1944. Le 19 mars, l’armée nazie envahit le pays et met en œuvre la solution finale décrétée dès 1942 dans le reste de l’Europe occupée. Plus de 80% de la communauté juive disparaîtra en quelques mois.

C’est cette histoire hors normes que porte à lui seul Roland Timsit. Mais cela ne fait pas peur à cet acteur qui est aussi un militant de FO de la FASAP (fédération des Arts, des Spectacles, de l’Audiovisuel et de la Presse) depuis le début des années 1980. Il s’est toujours battu pour les intermittents du spectacle. En 1985, la loi Lang veut stopper le copiage gratuit, sans autorisation des auteurs, des films et des musiques via les magnétoscopes. Elle vise notamment à créer une redevance sur l’achat de supports vierges et de matériels d’enregistrement dont une partie (75%) servira à rémunérer les artistes et producteurs. C’est alors que Roland et d’autres camarades montent au créneau. Pour l’acteur : le copiage est un préjudice pour toute la profession, la redevance devait donc bénéficier à toute la profession. Grâce à leur combat 25% de cette redevance (300 millions d’euros par an), élargie aujourd’hui au copiage informatique, ira aux actions de création. Ces 25% sont gérés par différentes sociétés défendant les auteurs, comme la Sacem, la Procirep, la Sacd... A noter que l’Afoc est aussi partie prenante dans ce combat.

 

Le courage de ma mère : 18 mars – 3 mai 2020, théâtre de la Reine Blanche, 2 bis passage Ruelle, 75018 Paris, durée 1h10 ; mercredi, vendredi, dimanche à 19h00, relâche les 29 mars et 1er avril. Réservation 01 40 05 06 96, reservation@scenesblanches.com.Tarif : de 10 à 20 €. Le texte de la pièce est publié aux éditions théâtrales.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante