Transports routiers de marchandises : lutter contre le dumping social par des contrôles accrus

InFO militante par Valérie Forgeront, L’inFO militante

Tel un alibi pour maintenir les salaires français au plus bas, le patronat du secteur des Transports de marchandises se sert de la « concurrence internationale ». Alors que le dumping social sévit à l’échelon même de l’Europe, notamment par la concurrence vive des pays de l’est jouant un moins disant social effréné, sur le territoire français, les entreprises cherchent à poursuivre leur activité et à préserver leurs bénéfices. Pour ce faire, elles usent de diverses stratégies dont la sous-traitance en cascade qui casse à chaque étape les prix de marchés. Et par voie de conséquences, les conditions de travail et les salaires. En bout de chaîne, les travailleurs subissent eux des conditions sociales très dégradées. La répartition des richesses n’est pas faite soulignait au congrès de FO UNCP, Zaïnil Nizaraly, secrétaire général de la Feets-FO et Président de l’Union interfédérale des Transports. Intervenant lui aussi à la tribune du congrès de la fédération FO des Transports et de la Logique qui se tenait des 5 au 8 octobre à Hardelot (Pas-de-Calais), Roberto Parillo, président de la section Route d’ETF (European Transport Worker’s Federation/ couvrant 5 millions de travailleurs dans 41 pays) lui non plus ne mâchait pas ses mots. Le coût d’un chauffeur belge (ou français) est estimé à 48 centimes du kilomètre, le coût d’un chauffeur bulgare à 11 centimes. Sachant que le prix du chauffeur, c’est 40% du prix de revient du transport…, la messe est dite ! Ou presque car la situation n’est pas une fatalité et requiert des mesures pour la contrer.

Des chauffeurs de l’est payés 200 à 400 euros par mois

Le militant d’ETF insiste en effet sur la nécessité de prendre des décisions politiques et de mener une lutte acharnée contre le dumping social. Il faut que les textes soient appliqués et que les sanctions soient à la hauteur des infractions commises. Nous avons une très bonne loi, le Paquet Mobilité adopté il y a un an et qui vise à lutter contre le dumping social… Mais nous n’avons pas de contrôle de son application. Or, martèle-t-il, il faut s’en donner les moyens et donc, augmenter le nombre de contrôleurs !. D’autant plus que 228 000 chauffeurs non européens circulent en Europe dont 170 000 chauffeurs polonais et lituaniens, employés à des conditions défiant si l’on peut dire toute concurrence. Des conditions simples à résumer pour Roberto Parillo : ce sont de vrais esclaves. Les chauffeurs routiers des pays de l’Est sont en effet payés de 200 à 400 euros par mois.

Les chargeurs, les commissionnaires de transports, et autres, prennent les marchés français et utilisent des chauffeurs avec des salaires de misère. Le dumping social n’a jamais été aussi fort insiste le président de la section route d’ETF, s’inquiétant de ce qui va se passer avec l’arrivée en février de nouvelles règles sur le cabotage et tandis que depuis 2012, on constate les ravages de l’attestation de conducteur non-européen. Ce document affirme que le chauffeur est employé légalement par une entreprise de transport public routier de marchandises. L’attestation de conducteur n’est exigée que pour les transports internationaux de marchandises exécutés sous le couvert d’une licence communautaire et pour les transports de cabotage. Et ce document laisse de côté pas mal de problèmes.

Le Paquet Mobilité et ses moyens d’application

En vigueur depuis le 20 août 2020, le Paquet Mobilité, adopté à l’échelon européen après beaucoup de batailles notamment contre le lobbying pratiqué par des employeurs et certains gouvernements, a permis en effet de créer des mesures sur le repos (par exemple interdiction du repos hebdomadaire en cabine) ou encore sur la sécurité. Par ce texte aussi, il est exigé que les chauffeurs étrangers employés à l’international soit obligés de rentrer chez eux ou dans le pays de leur employeur (ainsi que les camions dans leurs pays d’origine) après trois semaines passées sur le territoire de travail, la France par exemple. Toutefois, si ces chauffeurs sont censés respecter la législation française remarque l’ETF, sur le terrain, avec peu de contrôle, l’application de la mesure laisse à désirer. On a vu des employeurs roumains demander à leurs chauffeurs de signer un document attestant qu’ils refusent de rentrer chez eux…, ainsi l’employeur tente d’échapper à ses obligations de respect de la législation. Et sachant qu’il y a de moins en moins de contrôleurs mais de plus en plus de chauffeurs…, un contrôle réel est difficile à appliquer. Le défi est donc aujourd’hui l’implémentation de ce paquet mobilité estime ETF soulignant par ailleurs que pour contrer la pénurie de chauffeurs en France, il faut rendre attractif le métier, et notamment par les salaires.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération