Travail illégal : plan ambitieux, moyens modestes

Social par Michel Pourcelot

Un plan pour lutter contre le travail dissimulé et la fraude au détachement ? Personne n’en contestera le bien-fondé, mais faut-il encore s’en donner vraiment les moyens…

Le ministère du Travail a présenté lundi 8 juillet le nouveau plan triennal (2019 à 2021) de lutte contre le travail illégal. Il vise près de 50 000 contrôles par an. Sans augmenter les effectifs. Pourtant le travail illégal supprime tous les droits attachés à la qualité de salarié et trop souvent toute protection sociale. Sont considérés comme du travail illégal, le prêt illicite de main-d’œuvre, le cumul irrégulier d’emplois, le marchandage, et l’emploi d’étranger non autorisé à travailler. La majeure partie du travail illégal est représentée par le travail dissimulé (« travail clandestin » jusqu’en 1997, dit aussi travail au noir ou « au black »). On distingue le travail dissimulé d’activité (partielle ou totale) et celui d’emploi. Très en vogue est le recours abusif aux auto-entrepreneurs, en fait du salariat déguisé.

Des milliards dissimulés

Le travail dissimulé serait à lui seul responsable d’un manque à gagner de 5,2 à 6,5 milliards d’euros sur les 6,8 à 8,4 milliards d’euros de fraude sociale estimée pour 2018 aux dépens de l’Urssaf (Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales), selon une note de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (l’Acoss, caisse nationale du réseau Urssaf) dévoilée dans la presse le 22 juillet 2019. Le travail dissimulé concerne par exemple 80% des procès-verbaux transmis aux parquets par les agents de l’inspection du travail (13% pour l’emploi d’étrangers sans titre de travail), selon le bilan chiffré présenté par le ministère du Travail le 8 juillet.

Début mai 2019, l’Urssaf avait publié le résultat de sa lutte contre le travail dissimulé en 2018 : 640,7 millions d’euros de redressements, soit 18,7 % de plus par rapport à 2017. Un chiffre en augmentation qui peut s’expliquer par un certain ciblage grâce à des « nouveaux outils » (croisements de banques de données, etc.) : 52 % des sommes redressées concernent des fraudes dépassant le million d’euros. Idem pour ses résultats « records » en 2018 dans la lutte contre la fraude au détachement. L’Acoss, le dit elle-même, expliquant que ces résultats exceptionnels sont en partie tirés par des dossiers à très fort enjeu. Autre moyen de faire du chiffre : l’augmentation du montant des sanctions financières annoncée parmi un train de 16 mesures le 16 février 2018 par la ministre du Travail. Elle avait cependant été jugée insuffisante par Andrée Thomas, à l’époque secrétaire confédérale de FO chargée du secteur international, présente à cette occasion et qui avait d’ailleurs souligné qu’une législation est bonne si elle s’applique.

Des moyens plutôt moyens

Et pour cela la question des moyens est essentielle, comme l’a alors rappelé le syndicat FO du Travail, de l’Emploi et de la formation professionnelle (FO-TEFP). Selon le quotidien économique Les Echos, sur les 1 550 inspecteurs Urssaf, la plupart sont affectés au contrôle comptable d’assiette (vérification de la régularité des cotisations payées) alors que le travail dissimulé ne mobilise que 150 équivalents temps plein et ne devrait récupérer que près de 70 postes d’ici à 2022, et ce sans que l’effectif total n’augmente. Quant à la lutte contre la fraude au détachement (travailleurs dépendant du régime de sécurité sociale de leur pays d’origine), elle relève des inspecteurs du travail, dont les effectifs ont accusé une forte baisse notamment à partir de 2011, mettant le pays à la peine pour respecter la recommandation de l’OIT : un minimum d’un agent contrôleur (qui en France ont aussi d’autres tâches) pour 10 000 salariés.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante