TUI France engage la suppression des deux-tiers de ses effectifs

InFO militante par Elie Hiesse

Pascal SITTLER/REA

Incriminant la crise sanitaire, la filiale française du géant allemand du tourisme a annoncé la suppression de 583 postes, soit 65% des effectifs. FO dénonce des « licenciements subis » pour l’essentiel, les conditions de départ volontaires étant peu attractives.

C’est le premier plan social ouvert chez un voyagiste français depuis la crise sanitaire. Et l’ampleur de la restructuration laisse sous le choc les 904 salariés de TUI France : la filiale française du géant allemand du tourisme (numéro un mondial) engage la suppression de 583 postes, soit 65% des effectifs. Les conditions de départ proposées sont un second coup de massue.

Elles ont été dévoilées, mercredi 24 juin, lors d’un comité social et économique (CSE) consacré à la lecture du projet de licenciements (livre 1). Il s’agit pour l’essentiel de licenciements subis. La direction a laissé une petite semaine pour voir s’il y a des départs volontaires, commente Jorge Partida, délégué central FO. Il dénonce une direction qui veut aller très vite et ne laisse aucune place à la négociation. Et ce, alors qu’elle propose des conditions de départ peu attractives. Tout est au ras des pâquerettes, résume le militant.

Premiers départs contraints en décembre

Dans le détail, aucun service n’est épargné par le changement de modèle et d’organisation annoncé par la direction. Les suppressions de postes concernent tous les services du siège de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), l’activité sur-mesure basée à Lyon mais aussi les 65 agences de voyage en propre, dont TUI France projette de se défaire.

Le voyagiste se recentre sur son offre de clubs (Marmara et Lookéa) et sur ses circuits Nouvelles Frontières. En conséquence, il prévoit de céder ses points de vente physiques ou de les transformer en agences mandataires. Un modèle proche de la franchise qu’il utilise déjà, via une centaine d’agences mandataires.

Selon FO, les conditions des départs volontaires ne sont pas attractives. Quant aux mesures d’accompagnement des départs contraints, elles sont calculées au plus juste : TUI France ne propose pas d’indemnité supra-légale, et renvoie les salariés à l’indemnité conventionnelle. La durée des congés de reclassement (6 mois pour les moins de 50 ans, 8 mois pour les 50 ans et plus) est jugée largement insuffisante, dans le contexte de crise historique actuelle, par FO et les trois syndicats constitués en intersyndicale. Celle-ci réclame le doublement des durées des congés de reclassement proposés (12 mois pour les plus de 50 ans, 18 mois pour les 50 ans et plus). Les premiers départs contraints devraient intervenir début décembre.

Déjà plusieurs délits d’entrave

FO dénonce, en outre, des entraves au processus de consultation du CSE. Des documents confidentiels sur la réorganisation projetée (livre 2) ont été communiqués par la direction aux salariés, sans avoir été soumis au CSE. Et elle a décidé de rouvrir les agences, lundi 29 juin, en s’exonérant de la procédure obligatoire d’information-consultation préalable pour les risques liés au Covid-19.

Autant dire que FO et l’intersyndicale ont porté le sujet au menu du rendez-vous avec le ministère de l’Economie, prévu jeudi 25 juin en visio-conférence (le 3 juillet, ils rencontreront le ministère du Travail).
Outre les conditions du plan de restructuration, ils ont aussi dénoncé l’externalisation concomitante au Maroc d’une cinquantaine de postes issus de divers services (après-vente, saisie informatique, etc).

Et ils ont rappelé tous les soutiens publics dont le voyagiste bénéficie.
Notamment, pour l’année 2019, 10 millions d’euros, au titre du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Par ailleurs, il bénéficie du chômage partiel jusqu’au 17 septembre.

Une crise sanitaire qui a bon dos

Si elle heurte par son ampleur, cette restructuration n’est pas une surprise, la filiale française de TUI étant structurellement déficitaire. Le voyagiste, qui invoque aujourd’hui une crise sans précédent contraignant les acteurs du tourisme à se réorganiser, envisageait de réduire ses effectifs bien avant la pandémie. En déficit en 2018 et en 2019 (respectivement de 99 millions d’euros et de 115 millions d’euros), il a été contraint de recourir à deux augmentations de capital (37 millions d’euros, puis 254 millions d’euros) pour apurer ses comptes.

Dans ce contexte, la vaste restructuration annoncée en mai du groupe allemand TUI (la maison-mère) laissait présager le pire. Malgré un prêt garanti à hauteur de 1,8 milliards d’euros par l’État allemand, le numéro un mondial du tourisme a décidé, pour réduire ses coûts de 30%, de supprimer plus de 10% de ses effectifs dans le monde (8.000 sur 70.000). A l’époque, il n’avait pas précisé quelle filiale serait la plus touchée.

1900 licenciements en huit ans

C’est désormais chose faite. On s’attendait à un plan social dur, surtout vu la situation financière de l’entreprise, mais pas à une annonce de cette ampleur, renchérit Jorge Partida.

Elle constitue une énième réorganisation pour les anciens de l’ex-groupe Nouvelles Frontières, dont TUI (ex-conglomérat Preussag) a pris le contrôle en 2000. Et le…. cinquième plan social depuis 2012. Au total, en huit ans, TUI France aura licencié près de 1.900 salariés, ce dernier plan social compris.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

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