Tunisie : le mouvement syndical sous la menace

InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

Manifestation à Sfax, le 18 février 2023, en soutien à un dirigeant syndicaliste incarcéré. © ETUC

Le secrétaire général du syndicat des autoroutes incarcéré, des élus licenciés, une représentante européenne déclarée persona non grata, une délégation de la CSI interdite d’entrée sur le territoire... Le mouvement syndical tunisien est dans la ligne de mire du pouvoir.

L ors d’une manifestation à Sfax en soutien à un dirigeant syndicaliste incarcéré, la secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES), Esther Lynch, a reçu l’ordre de quitter le pays. Ses propos lors de la marche du 18 février (Nous disons aux gouvernements : ne touchez pas à nos syndicats, libérez nos dirigeants.) ont été qualifiés par la présidence tunisienne d’ingérence dans les affaires intérieures et de menace pour la sécurité du pays.

La responsable syndicale avait au préalable rencontré le secrétaire général de l’UGTT, syndicat en proie à une campagne de harcèlement de la part des autorités du pays : licenciement de syndicalistes, promotion de syndicats jaunes, recours aux forces de l’ordre pour surveiller et limiter les activités des syndicats…, liste notamment la CES dans un communiqué. Un véritable processus de combat contre les syndicats est enclenché en Tunisie, la crise politique atteint désormais les travailleurs, observe également Branislav Rugani, secrétaire confédéral FO chargé du secteur international.

Anis Kaabi, le secrétaire général du syndicat de la société publique Tunisie Autoroutes (composante de l’UGTT), avait été interpellé puis incarcéré le 31 janvier dernier, accusé d’avoir lancé une grève sur les péages et occasionné des pertes financières à la société des autoroutes. Il devrait être jugé le 10 mars prochain après un premier renvoi du procès. Dans un communiqué, Owen Tudor, le secrétaire général par intérim de la Confédération syndicale internationale, a appelé à libérer Anis Kaabi et à respecter les droits fondamentaux, notamment la liberté syndicale.

Arrestations et harcèlement de syndicalistes

Le 4 mars, souhaitant participer à Tunis à la mobilisation de l’UGTT, la délégation – conduite par Owen Tudor et composée de responsables syndicaux d’Italie, d’Espagne, d’Algérie, de France, de Libye, de Norvège ou encore de Palestine – s’est vu refuser l’entrée en Tunisie, s’insurge FO qui réaffirme sa solidarité pleine et entière avec l’UGTT et les travailleurs tunisiens.

Outre Anis Kaabi, seize membres de la fédération des transports (la fédération la plus importante au sein de l’UGTT), dont son secrétaire général, seront également jugés le 24 mars, explique Fathi Tlili, responsable de l’Union des travailleurs immigrés tunisiens en France, composante de l’UGTT. Et à Sidi Bouzid des syndicalistes de l’Éducation nationale sont convoqués devant le juge.

Soixante-cinq ONG, partis politiques et personnalités tunisiennes ont exprimé leur « soutien total » à l’UGTT, qui compte quelque 500 000 adhérents. L’Union avait reçu en 2015 (dans le cadre d’un quartet) le prix Nobel de la paix pour son rôle dans la résolution d’une grave crise menaçant la transition démocratique en 2013. Le pays connaît une sévère crise politique et économique depuis que son président a limogé le Premier ministre, promulgué des lois par décret présidentiel, suspendu le Parlement et organisé l’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum en juillet dernier. Depuis début février, une série d’arrestations ont eu lieu également dans le milieu des affaires, parmi les opposants politiques et au sein de la société civile.

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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