Un avis rendu par l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne, Nicholas Emiliou, menace la directive européenne sur le salaire minimum. Celle-ci, adoptée en novembre 2022, vise à développer la négociation collective dans les pays où moins de 80 % des travailleurs sont couverts par un accord et à fixer un cadre pour l’élaboration de « salaires minimaux adéquats ». Or, le Danemark – soutenu par la Suède – a déposé en 2023 devant la CJUE un recours en annulation. Danois et Suédois craignent en effet que la transposition du texte débouche sur un affaiblissement de leur modèle social, dans lequel les salaires sont fixés par la négociation collective, entre interlocuteurs sociaux, sans intervention de l’État.
Le 14 janvier, Nicholas Emiliou a rendu un avis en faveur de l’annulation de la directive, estimant que se prononcer sur les modalités de fixation des rémunérations n’entre pas dans les compétences du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne. Mais l’avis concernant l’ensemble de la directive, cela met en danger toutes les avancées sociales rendues possibles par ce texte, y compris le développement de la négociation collective.
Coup dur pour le progrès social
Pour Esther Lynch, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats, cet avis, s’il était confirmé, serait un coup dur pour les travailleurs et leurs syndicats et saperait complètement l’objectif de progrès social inscrit dans les traités de l’UE.
La CES reproche à l’avocat général de ne pas avoir tenu compte, pour l’élaboration de son avis, de l’objectif global de la directive d’éviter la concurrence déloyale par les bas salaires, ni de la charte sociale européenne qui exige de l’Union européenne et des états membres qu’ils promeuvent les salaires équitables et les négociations collectives. Permettre aux entreprises de se concurrencer sur les salaires les plus bas, sans garantir un plancher de décence (…) est une voie à sens unique vers le dumping social
, a également assuré Esther Lynch.
Reste à savoir si les juges suivront l’avis de l’avocat général. Leur décision ne devrait pas être rendue avant plusieurs mois. De son côté la CES attend de la Cour qu’elle confirme la directive dans son intégralité, conformément aux avis juridiques du Parlement, du Conseil, de la Commission et de la grande majorité des états membres.