Un débat : la France connaît-elle la rigueur ou l’austérité ?

Economie par Valérie Forgeront, David Rousset

Entre 2009 et 2012, les dépenses publiques de santé ralentissent fortement voire reculent alors que leur rythme naturel est d’augmenter, comme c’était le cas entre 2007 et 2009. Les dépenses de santé comprennent essentiellement les soins hospitaliers et ambulatoires, les transports sanitaires, les biens médicaux, les dépenses de recherche et de formation médicale et de gestion de l’administration sanitaire.

Comment définir précisément les politiques économiques menées depuis cinq ans et leurs conséquences ?

Le Premier ministre le martèle : « Nous ne faisons pas d’austérité. » Pour appuyer son raisonnement il explique que l’austérité existe en Grèce, où les montants des retraites ont été baissés, en Espagne, où les salaires publics ont été réduits, ou encore au Portugal, où des effectifs publics ont été supprimés, mais pas en France qui ne connaîtrait, elle, que la rigueur ; nuance.

Mais au fait, quelle est la définition de l’austérité ? Selon le magazine Alternatives Economiques, c’est une politique qui « agit sur la dépense publique en la comprimant et sur la dépense sociale en augmentant les cotisations et en limitant les prestations ». Un critère qui concerne bon nombre de mesures adoptées en France depuis 2010, à commencer par le plan de 50 milliards d’économies budgétaires en œuvre jusqu’en 2017. Qui plus est, cette action s’est accompagnée de deux vagues de hausses d’impôts, une sous Nicolas Sarkozy et une sous François Hollande, de 30 milliards d’euros chacune : taxation des retraites, baisse du quotient familial, gel du barème de l’impôt, imposition des complémentaires santé pour les salariés, hausse de la TVA, etc.

Baisse du pouvoir d’achat et hausse des inégalités

Salaires : Les fonctionnaires portugais continuent de faire front
Les fonctionnaires portugais étaient 80 % en moyenne à être en grève le 13 mars à l’appel de la CGTP et de l’UGTP, malgré un service minimum dans certains services hospitaliers notamment. « Les fonctionnaires sont à bout », a déclaré Ana Avoila, du Front commun des syndicats de la fonction publique. La décision du gouvernement, à l’approche des élections législatives, de diminuer les coupes dans les salaires des fonctionnaires (ils ont baissé de 20 à 25 % depuis 2011) et sa promesse de les supprimer graduellement dans les prochaines années n’ont pas suffi à donner l’illusion que l’austérité touchait à sa fin.

Ailleurs on supprimerait des emplois publics mais pas en France ? Faux encore. Entre 2007 et 2012, la restructuration des services de l’État, via la RGPP, a induit la suppression de 150 000 postes. Du côté des retraites, à la suite des réformes de 2010 et de 2013, l’âge légal de départ est repoussé à 62 ans dès 2017 et la durée de cotisation s’est encore allongée.

Alternatives Economiques poursuit sa définition de l’austérité en précisant qu’elle « a pour effet de freiner l’activité économique […] de réduire la progression du pouvoir d’achat et d’augmenter les inégalités sociales ».

Or en France, où la croissance économique est tombée à 0,4 % en 2014, l’Observatoire des inégalités constate que les riches sont toujours plus riches et que les revenus des plus pauvres ne cessent de diminuer. Le taux de pauvreté des salariés a augmenté de 0,6 point entre 2007 et 2011, indique l’Insee. De son côté, l’OFCE rappelle que le pouvoir d’achat des ménages a diminué de 1 630 euros depuis 2008 (Voir « Mathieu Plane, économiste à l’OFCE “Le pouvoir d’achat est retombé à son niveau d’il y a treize ans” » dans FO Hebdo n° 3148).

Conclusion : la politique menée en France depuis 2010 correspond parfaitement à la définition de l’austérité. Enfin, Alternatives Economiques donne un synonyme à austérité, le mot… rigueur ! Moralité, la France subit depuis plusieurs années la rigueur et l’austérité. 

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

David Rousset