Un plan sans les moyens de l’Etat contre le chômage de longue durée

Emploi par Clarisse Josselin

Le ministre du Travail a dévoilé, le 9 février, vingt mesures pour aider les demandeurs d’emploi à se réinsérer sur le marché du travail. Mais ce plan, qui veut aborder le problème dans sa globalité, se met en place sans moyens supplémentaires de l’État ni objectifs chiffrés.

« Ce n’est pas le plan du siècle, il ne va pas toucher les masses, a réagi Stéphane Lardy, secrétaire confédéral chargé de l’emploi, aux annonces du ministre du Travail François Rebsamen. Nous lui avons rappelé que sans croissance forte, le chômage ne baisserait pas. »

Le chômage de longue durée a été érigé « cause nationale » par François Hollande. En décembre 2014, 2,2 millions de demandeurs d’emploi pointaient depuis plus d’un an en Métropole, soit 43% des inscrits. Près de 705 000 d’entre eux étaient au chômage depuis plus de trois ans.

Le ministre a d’abord annoncé une série de mesures concrètes. L’accompagnement par Pôle emploi va se renforcer. Dorénavant, les demandeurs d’emploi bénéficieront d’un « diagnostic approfondi » lors du premier entretien dans le mois suivant leur inscription.

Pour les personnes détectées « en risque de chômage de longue durée » (parent isolé, plus de 55 ans…), les places en accompagnement intensif (un conseiller pour 70 inscrits) seront doublées d’ici 2017, passant de 230 000 à 460 000 personnes.
 
Reste que les conseillers de Pôle emploi devront « faire mieux avec le même budget », de l’aveu même du ministre. Pour leur permettre de « dégager du temps », l’inscription administrative et la demande d’allocation seront totalement dématérialisées. Le 11 février, le directeur général de Pôle emploi s’est d’ailleurs félicité d’une amélioration de 16% du taux de retour à l’emploi durable des chômeurs en un an. Pour le nombre total de retours à l’emploi (3,59 millions en 2014), il compte sur une amélioration de 1,5% en 2015.

François Rebsamen a aussi promis « un droit réel à une formation qualifiante gratuite pour les demandeurs d’emploi, grâce au compte personnel de formation (CPF) ». En réalité, la paternité en revient aux partenaires sociaux. « Dans le cadre du fonds paritaire de sécurisation du parcours professionnel (FPSPP), nous avons décidé d’abonder à hauteur de 100 heures le CPF des demandeurs d’emploi, soit une aide de 220 millions d’euros en 2015 », rappelle Stéphane Lardy. Le financement sera complété par Pôle emploi et les Conseils régionaux. Un partenariat va être passé avec l’AFPA pour mettre à disposition des chômeurs les places vacantes.

Logement, santé, garde d’enfant… des « freins » à lever

Deux nouveaux contrats de professionnalisation sont créés. Le premier, très court, s’adresse aux seniors et sera mis en place dans les mois qui viennent. Le second, qui vise les personnes les plus éloignées de l’emploi, peu ou pas qualifiées, sera plus long que le contrat de droit commun et sera mis en place après modification législative.

« Il faut voir quels types de formations sont proposées, ajoute Stéphane Lardy. Nous voulons des formations qualifiantes, pas juste un moyen de faire sortir les demandeurs d’emploi de la catégorie A. » Et pour FO, l’accent mis sur la formation professionnelle ne suffira pas à lui seul à sortir du chômage de masse.

Le gouvernement veut aussi lever les « freins de retour à l’emploi » : problématiques de garde d’enfant, de logement, de santé… des mesures qui « vont dans le bon sens » selon FO. Des partenariats seront passés avec les collectivités locales, la caisse d’allocations familiales ou les missions locales pour accompagner les demandeurs d’emploi dans leurs préoccupations sociales. Le dispositif de garantie des loyers sera par exemple étendu aux chômeurs retrouvant un emploi, une mesure prise par les partenaires sociaux au sein d’Action Logement. Et dans le cadre de leur accompagnement par Pôle emploi, ils pourront bénéficier d’un bilan de santé.

Le dernier volet du plan concerne l’accompagnement des employeurs recrutant un chômeur de longue durée. Il crée une nouvelle prestation, le « suivi dans l’emploi », qui propose un accompagnement du salarié recruté et de l’employeur par des experts, après la période d’essai.

Le gouvernement mise aussi sur l’« immersion en entreprise » permettant à des demandeurs d’emploi d’être mis en situation durant deux mois « pour leur redonner envie d’aller travailler ». La fondation Face (RATP, AG2R La Mondiale…), à l’origine de cette proposition, a promis 5 000 places en 2015. « Un décret doit paraître, mais nous sommes vigilants, ajoute Stéphane Lardy. Il faut voir quel seront leur statut, leur protection sociale et quel emploi leur sera proposé derrière ».

Reste que le ministre n’a annoncé aucun objectif chiffré. Il n’a pas non plus été en mesure d’évaluer l’enveloppe financière globale de son plan. Les moyens débloqués par l’État restent à un niveau constant : il maintient pour 2015 les 3,2 milliards d’euros consacrés aux emplois aidés et sa subvention à Pôle emploi pour quatre ans.

« La plupart des mesures annoncées par le gouvernement ne sont pas financées par lui mais par d’autres : les demandeurs d’emploi, les CAF, le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) ou Action logement », souligne FO.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante