Un recul du ministère c’est une victoire : FO salue l’échec de la réforme des CPGE, calquée sur celle du lycée

InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

© F. BLANC

À l’occasion d’une conférence de presse lundi 13 mars, le SNFOLC est revenu sur la tentative avortée de l’exécutif de réformer les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) économiques et commerciales générales (ECG). Le scénario de l’exécutif prévoyait une diminution des heures d’enseignements de certaines disciplines, une réforme avant tout budgétaire pour gérer le flux et la pénurie d’enseignants. Le syndicat est revenu aussi sur l’enjeu des épreuves de spécialités du bac qui auront lieu cette année en mars, dans un contexte de mobilisation historique contre la réforme des retraites.

Le recul du ministère est une victoire, s’est réjouie Edith Bouratchik, secrétaire nationale du SNFOLC, lors d’une conférence de presse le 13 mars. Le syndicat est revenu sur la tentative de réforme des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) économiques et commerciales générales (ECG). Alors qu’un comité de travail avait été lancé, le ministère a mis fin à ses travaux, le 9 mars. Notre syndicat, au côté d’autres associations de spécialistes, s’était mobilisé en ce sens, indique la militante.

Arnault Joubin et Quentin Bouvier, respectivement enseignants en maths et en économie en classes prépa, ont évoqué ce 13 mars la réforme qui avait été esquissée par le gouvernement. Elle avait été pensée dans un rapprochement avec le nouveau lycée. C’est-à-dire avec un tronc commun et des spécialités, analyse le professeur de mathématiques. C’est une réforme de ressources humaines destinée à gérer les flux des enseignants, alors que l’on sait que de nombreuses disciplines sont en tension.

Il prend l’exemple de sa matière, où en 2022, on comptait 557 admis au concours pour plus de 1000 postes. La réforme du lycée a sorti les maths du tronc commun pour n’en faire qu’une spécialité, diminuant de fait le volume d’heure en première et terminale. Cela permet de gérer la pénurie d’enseignants, pointe-t-il. C’est exactement ce que le gouvernement voulait faire en CPGE. Mais ces réformes obéissent à une logique budgétaire, et non à l’intérêt des élèves et de leurs enseignants.

Diminuer la formation intellectuelle : une fausse solution

Ainsi, la réforme des CPGE économiques telle que pensée par le ministère impliquait de diviser par deux le volume horaire d’enseignement des mathématiques avec la création d’une option. Et cette baisse des heures ne se limitait pas aux maths : les sciences sociales (passage de 8h hebdomadaires à 5h) et la philosophie (-1h par semaine) étaient également concernées. C’est toute la formation intellectuelle qui aurait été impactée, avec 1 065 heures qui auraient disparu des classes prépa pour être affecté dans le secondaire, dénonce Quentin Bouvier.

Cette réforme avait été lancée pour contrer la perte d’attractivité des CPGE économiques et commerciales. À la rentrée 2021, celles-ci enregistraient un recul d’inscription de 4,5 % par rapport à 2020. Pour Arnault Joubin, il n’y a pas péril en la demeure. Actuellement 80 000 élèves sont inscrits en classes préparatoires, qu’elles soient scientifiques, littéraires ou économiques. Selon les prévisions du ministère de l’enseignement supérieur, ce chiffre montera à 84 000.

Pour autant, il est difficile de nier la perte d’attractivité de ces cursus. Mais une énième réforme ne saurait être la réponse. Lorsqu’on les interroge, les étudiants de classes prépa sont satisfaits de leur formation. Peut-être vaudrait-il mieux réfléchir à la question des débouchés ? s’interroge l’enseignant en mathématiques. On parle tout le temps des écoles de commerce, mais moins des formations sélectives à l’université, ou encore les instituts d’études politiques ou les instituts d’administration des entreprises.

L’impact de la réforme du lycée

La baisse des inscrits en CPGE ECG est aussi liée à la réforme du bac. En premier lieu parce que ces cursus impliquent d’avoir étudié les maths jusqu’en terminale. Avant la réforme, nos CPGE accueillaient des lycéens avec un bac S, un bac ES voire un bac littéraire avec l’option maths. Cela représentait 85 % des lycéens, explique Arnault Joubin. Depuis la réforme, nous nous adressons à ceux qui ont choisi la spécialité maths, soit 65 % des lycéens. Notre vivier de recrutement n’est plus le même.

Dans le cadre de cette réforme du lycée, les CPGE économiques ont évolué. Auparavant, on comptait un cursus pour les étudiants issus de la filière scientifique et un pour les étudiants issus de la filière économique et sociale. Dorénavant, il existe deux voies (mathématiques appliquées et mathématiques approfondies), chacune proposant soit l’enseignement économie, sociologie et histoire soit l’enseignement histoire, géographie et géopolitique. Ce qui représente en tout quatre parcours distincts. L’année de mise en place de cette réforme coïncide avec une vraie baisse des candidatures sur Parcoursup, ajoute l’enseignant. Je pense que nous avons perdu en lisibilité du parcours. Les prépa-scientifiques qui n’ont pas été réformées, n’ont pas connu ce problème.

Par ailleurs, cette réforme entraîne de fait une forte augmentation des candidatures sur Parcoursup, non des candidats mais bien des dossiers, souligne Pierre Bouvier. Un lycéen va candidater dans chacun des quatre parcours que propose le lycée. Cela représente une hausse du travail administratif pour les enseignants qui classent ces dossiers.

D’ailleurs, tous les lycées ne proposent pas ces quatre parcours. Comme souvent, la logique de modularité crée des effets de polarisation géographique, pointe l’enseignant en économie. Les CPGE les plus connues, qui conduisent aux plus grandes écoles, vont pouvoir proposer la totalité des parcours. C’est moins sûr pour les plus petites CPGE dites de proximité. Or celles-ci assurent une véritable mixité sociale et une possibilité d’élévation sociale des étudiants.

Le combat contre les épreuves de spécialités en mars

Pour les enseignants comme pour les élèves, pour les classes « prépa » comme pour la terminale, la réforme du lycée n’en finit plus de déstructurer le système. Cette année, pour la première fois depuis la mise en place de la réforme du bac, les épreuves de spécialités auront lieu en mars. Un calendrier subi par les enseignants et les élèves contre lequel FO s’oppose. À maintes reprises, nous avons demandé le report de ces épreuves en juin, souligne Edith Bouratchik. Les arguments, nous n’avons eu de cesse de les présenter au ministère : pour les enseignants, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de boucler le programme avant mars. Les élèves, déjà sous pression pour Parcoursup, sont plus angoissés.

S’ajoute un autre élément cette année, marquée par la mobilisation contre la réforme des retraites. L’intersyndicale, comprenant les organisations représentatives de l’Éducation nationale et à laquelle participe FO, appelle à une journée de mobilisation professionnelle le 15 mars.... Date aussi d’un nouveau temps fort de la mobilisation interprofessionnelle. Dans son communiqué, le SNFOLC estime que l’heure est au durcissement du rapport de force et qu’il faut monter d’un cran dans la mobilisation, notamment à l’occasion des examens.

Le syndicat appelle à la grève dès cette semaine et les jours suivants, y compris pendant les épreuves de spécialités en mars.

Force Ouvrière soutiendra tous les collègues qui s’opposeront aux épreuves au mois de mars par la grève, martèle Edith Bouratchik. On l’a vu en 2019 avec les enseignants qui ont pratiqué la rétention des notes. Pour la militante, le combat doit continuer, pour un retour à des épreuves nationales et anonymes à la fin de l’année scolaire.

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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