Dix-huit États sur cinquante ainsi que vingt villes étasuniennes ont revalorisé le salaire horaire minimum le 1er janvier 2018. Une augmentation qui varie de 4 cents (3,35 centimes d’euros) en Alaska à 1 dollar (83,7 centimes d’euros) dans l’État du Maine où le salaire minimum atteint désormais 10 $ (8,34 €). En Alaska, il s’élève à 8,20 €.
En quoi les revalorisations du Smic aux États-Unis sont intéressantes de notre côté de l’Atlantique ? Parce que de nombreux économistes français observent ce qu’il s’y passe pour ensuite théoriser sur les effets sur l’emploi en France d’une augmentation du salaire minimum. Pour des raisons de technique scientifique, en France, nous ne sommes pas capables d’estimer les effets de l’augmentation du Smic sur l’emploi car nous n’avons pas d’outil de mesure, avait confié il y a quelques mois l’économiste Eve Caroli à FO Hebdo. Dans les autres pays, cette analyse est possible grâce à une comparaison des endroits où il a augmenté avec des endroits qui leur ressemblent et où il n’a pas augmenté, comme par exemple aux États-Unis, où il augmente États par États.
Du coup, c’est en regardant ce qui se passe en Amérique que les experts français décident en partie si oui ou non un coup de pouce au Smic français est opportun ou non. Depuis de nombreuses années, c’est le « non » qui l’emporte.
Un coup de pouce pour l’économie ?
L’augmentation ou non du salaire minimum suscite Outre-Atlantique un débat similaire à celui que nous connaissons en France. La revalorisation du Smic pénalise-t-elle les embauches, voire détruit-elle des emplois ? s’interrogent les économistes et les politiques américains. Non, répond la fédération syndicale AFL-CIO. Cela met de l’argent en mouvement, défend Damon Silvers. Le fait est que les gens riches ne dépensent pas leur argent comme le font les classes moyennes et les pauvres, ce qui affaiblit notre économie. Augmenter le salaire minimum met plus d’argent entre les mains des gens qui ont besoin de le dépenser.
Cette année, une étude de l’université de Washington, sur la ville de Seattle qui avait porté le salaire horaire minimum à 13 $ (10,83 €), a fait grand bruit. Ses conclusions affirmaient que cette augmentation avait fait perdre de l’argent aux travailleurs à faibles revenus. Les entreprises auraient réduit leurs effectifs ainsi que le nombre d’heures de travail proposé.
Mais d’autres économistes de l’université de Berkeley sont arrivés à des conclusions différentes après avoir scruté plusieurs villes dont Seattle. L’augmentation du salaire minimum n’a eu que très peu d’effet sur l’emploi.
Le mouvement « Fight for 15 $ »
Le salaire minimum fédéral en vigueur dans l’ensemble des États-Unis est fixé à 7,25 $. Il n’a pas augmenté depuis 2009. Lors de son second mandat, Barack Obama avait bien essayé de le faire passer à 10,10 $ (soit une augmentation de 40 %) mais il s’est heurté au refus des républicains majoritaires au Congrès.
Dans la majorité des dix-huit États ayant augmenté le salaire minimum en 2018, les hausses sont le résultat d’une législation locale ou de mesures approuvées par les électeurs.
Des hausses salariales qui, en partie, résultent également de manifestations dans tout le pays de travailleurs de la restauration rapide et du mouvement Fight for 15 $
, qui revendique depuis 2012 un salaire horaire de 15 dollars. D’abord jugés exagérés, leurs arguments ont fait tache d’huile et aujourd’hui, la Californie, New York et plus d’une douzaine de villes se rapprochent de cette norme.
Moins bien payés que la génération précédente
Dans vingt-et-un États, les travailleurs sont payés à des salaires beaucoup plus bas que leurs collègues de la génération précédente. Un certain nombre d’États et de villes ont donc décidé de pallier les réticences du Congrès. En Californie, onze localités ont porté en 2018 le salaire minimum à 13 $ (10,84 €) et plus pour atteindre dans une poignée de villes 15 $ (12,50 €). Pour comparaison, le Smic horaire français a été revalorisé de 12 centimes d’euros le 1er janvier 2018 pour atteindre 9,88 € brut, soit 11,79 $.
Le Bureau of Labor Statistics indique qu’environ 80 millions de travailleurs de plus de 16 ans sont payés au salaire horaire, et parmi ceux-ci, environ 700 000 gagnent encore seulement le minimum fédéral de 7,25 $ l’heure.
Les pourboires comptés dans le minimum
Environ 1,5 million de travailleurs ont des salaires inférieurs à 7,25 $ l’heure, principalement parce qu’ils occupent des emplois exonérés, dans des restaurants et autres emplois où les pourboires augmentent la rémunération pour qu’elle atteigne au moins 7,25 $ de l’heure.
Zéro, c’est le nombre d’États où une personne au salaire minimum, travaillant 40 heures hebdomadaires, peut se loger dans un appartement de deux chambres à coucher, argumente l’AFL-CIO. Si le salaire minimum fédéral avait suivi le rythme de la productivité des travailleurs depuis 1968, le salaire minimum ajusté en fonction de l’inflation serait de 18,67 dollars.
La hausse de 2018 du salaire minimum bénéficiera à 4,5 millions de travailleurs sur tout le territoire américain. Les États comptant le plus grand nombre de travailleurs dont le salaire horaire est inférieur ou égal au salaire minimum fédéral sont l’Idaho, le Kentucky, la Louisiane, le Mississippi et la Caroline du Sud. Aucun de ces États n’a été concerné par la hausse de 2018.