Il a le gout de la nature, la couleur de la nature, mais ce n’est pas un livre « chasse, pêche et tradition ». Quoique... En effet, à travers de longues descriptions de pêche, le roman Volia Volnaïa vous prend dans ses filets. Comme dans une parabole poissonneuse du Nouveau Testament, son auteur Victor Remizov, conduit à penser sur les cours d’eau, les stratégies de survie des poissons, selon les espèces, certaines étant totalement opposées. Suivre le courant, faire semblant, faire le mort, suivre son instinct, s’entêter, se révolter... Les humains sont-ils de grands poissons ? Côté tradition, Volia Volnaïa (littéralement « libre liberté ») nous emmène dans une Sibérie post-Glasnost où des comportements se perpétuent, où l’on est passé de la dictature soviétique au libéralisme autoritaire, figeant la période de dérèglement. D’un pouvoir l’autre, les réflexes acquis restent. Tout change pour que rien ne change.
Un roman rivière
Victor Remizov sait de quoi il parle, ayant travaillé comme géomètre expert dans la taïga, après des études de géologie : J’ai expérimenté tout ce que je décris dans le livre. J’ai chassé et pêché dans la taïga, j’ai fait du radeau sur les rivières, chassé des ours et des élans, bu de la vodka avec des locaux alors que nous parlions de la manière dont les choses fonctionnaient chez eux, leurs rapports à l’autorité
. Un homme de terrain, né à Saratov, en Russie, en 1958, dont c’est le premier roman, publié en 2014 en Russie et juste précédé d’un recueil de nouvelles. Volia Volnaïa est roman rivière plutôt que fleuve type « Don paisible ». Sous la neige, la révolte. Même si la solitude dans la taïga est une drogue accrocheuse
, un narcotique de l’oubli. Mais, parfois, il faut renaître au monde.