XXI congrès : La Fédéchimie FO en ordre de combat

Congrès de Fédération professionnelle FO par FO Chimie, Françoise Lambert, Yves Veyrier

Le XXIè congrès de la Fédéchimie FO, réuni du 21 au 23 mai 2019 à Seignosse-Hossegor dans les Landes, a rassemblé plus de deux cent cinquante délégués. Hervé Quillet a été réélu au poste de secrétaire général de la fédération. Pour les délégués, les attaques contre les droits des salariés, au premier rang desquelles la future contre-réforme des retraites, nécessitent une riposte à la hauteur des enjeux. Ils ont mandaté leur fédération pour aider à la réalisation de la grève générale interprofessionnelle.

Chimie, caoutchouc, pétrole, atome, plastique, verre, textile, cuirs et peaux, navigation de plaisance : ils travaillent dans des secteurs industriels différents, mais beaucoup de leurs préoccupations se rejoignent. Plus de deux cent cinquante délégués, issus des sept cents syndicats de la Fédéchimie FO, ont participé du 21 au 23 mai au XXIè congrès de leur fédération syndicale, réuni à Seignosse-Hossegor.

Ils ont montré leur détermination à combattre les régressions imposées aux salariés et à faire vivre le syndicalisme libre et indépendant incarné par Force Ouvrière. Pas moins de trente-quatre délégués se sont succédés à la tribune, pour s’exprimer sur des sujets interprofessionnels comme les retraites, la violence exercée par l’État contre les manifestants, le développement syndical, et sur des thèmes plus spécifiques à leurs secteurs d’activité, comme les négociations salariales dans les branches professionnelles, la fusion des branches ou les élections aux CSE.

Se mobiliser contre la future contre-réforme des retraites

Hervé Quillet, réélu pour un cinquième mandat au poste de secrétaire général de la Fédéchimie FO, a souligné le 21 mai dans son rapport d’activité devant les congressistes la nécessité de se mobiliser contre la future contre-réforme des retraites. Une affirmation applaudie par les congressistes et partagée par de nombreux délégués venus s’exprimer à la tribune.

Dans le nouveau système universel par points, le niveau des retraites ne sera plus garanti puisque c’est le gouvernement qui fixera chaque année la valeur du point en fonction du contexte économique, a rappelé Hervé Quillet, c’est à coup sûr une baisse programmée des pensions de 15 à 20%, voire plus.

Convaincre sur les retraites

Yves Veyrier, secrétaire général de la confédération, lors d’une intervention devant les congressistes, le 21 mai, a rappelé l’opposition de Force Ouvrière à un régime universel par points. Il a souligné l’importance de convaincre de la justesse des positions FO sur les retraites. Si une organisation syndicale est légitime pour défendre ce qu’elle a bâti en matière de protection sociale, c’est bien Force Ouvrière, a-t-il lancé, applaudi par le congrès.

La grève interprofessionnelle à l’ordre du jour

Pour la Fédéchimie FO, le rassemblement national qu’organisera la confédération en septembre contre le projet de réforme des retraites, n’est une première étape. La commission exécutive confédérale discutera plus finement en juin. Il faudrait selon moi une grève interprofessionnelle, a estimé Hervé Quillet, lors de sa réponse aux interventions, le 22 mai.

Dans sa résolution adoptée à l’unanimité, le congrès réaffirme la nécessité d’organiser une riposte à la hauteur des enjeux et des attaques. Elle mandate la fédération pour aider à la réalisation de la grève générale interprofessionnelle.

Attaques sans précédent contre le service public et la Fonction publique

Outre les retraites, les sujets de colère, et donc de mobilisation, ne manquent pas en effet : salaires en berne, baisse des droits à indemnisation des salariés dans le cadre de la réforme de l’assurance-chômage, attaques sans précédent contre les services publics et la Fonction publique, démantèlement de l‘hôpital public avec le projet de loi santé 2022, main-mise de l’État sur la Sécurité sociale avec le transfert des cotisations sociales vers l’impôt... comme l’ont rappelé à la tribune le secrétaire général de la Fédéchimie FO et de nombreux intervenants.

Pour l’abrogation de la loi El Khomri et des ordonnances Macron

S’ajoutent à ces attaques l’une des plus terribles pour les salariés et leurs syndicats, la loi El Khomri et les ordonnances Macron, dont le congrès demande l’abrogation. De nombreux délégués ont détaillé à la tribune les dégâts causés par ces textes, qui détruisent les droits des salariés et réduisent les moyens des organisations syndicales qui défendent ces droits.

Pascal Miralles (groupe Carbone Savoie, Chimie) a rappelé que les primes conventionnelles et les mimima salariaux peuvent désormais être remis en cause par un accord majoritaire dans l’entreprise. La convention collective n’est plus aujourd’hui un point d’appui, a-t-il déploré.

Défendre ce que nos anciens ont acquis de haute lutte

Arnaud Papillon, du syndicat Orano La Hague (secteur du nucléaire), a abordé la baisse des moyens syndicaux, alertant sur le danger de la disparition des CHSCT (Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), d’autant plus important dans les secteurs à haut risque industriel comme le nucléaire ou la chimie.

Il a expliqué que chez Orano La Hague, le nombre de représentants du personnel était passé de 17 élus à 11 élus, avec une réduction des heures de délégation de 26 heures mensuelles à 14 heures mensuelles. On se bat pour essayer de défendre ce que nos anciens ont acquis de haute lutte, a pour sa part constaté Mourad Moussaoui (Ferropem, Chimie).

Non la fusion des branches professionnelles

Un autre phénomène inquiète les militants de la Fédéchimie FO : celui de la réduction à marche forcée du nombre de branches professionnelles, inscrite dans la loi El Khomri de 2016 et dans les ordonnances Marcon-Pénicaud de 2017, combattues par FO. L’objectif du gouvernement est de passer de 700 à 200 branches en août 2019, avec la fusion des branches de moins de 5000 salariés.

Et le seuil du nombre de salariés pour la fusion des branches pourrait être relevé, ce qui pourrait aboutir à une réduction à 100, voire à 50, du nombre de branches professionnelles. Joël Deremetz, du syndicat FO Arc France (branches du verre) a exprimé sa crainte de disparition d’acquis lors des fusions, dans des négociations qui se passent mal.

Un accord a été signé sur la fusion de quatre branches du Verre (Verre à la main, Union des métiers du verre, Chalumeau mécanique, Vitrail), sans perte d’acquis, s’est félicité Joël Deremetz. Une nouvelle convention collective intitulée « Convention collective nationale de la fabrication du verre à la main, semi automatique et mixte », entrera en application au 1er janvier 2022.

Mais au-delà de cet accord, le délégué FO du secteur verrier — et la Fédéchimie FO dans son ensemble — s’est opposé au principe de ces fusions qui comportent pour les salariés un risque de nivellement par le bas. Hervé Quillet a appelé, dans sa réponse, les délégués à la vigilance sur cette question.

FO revendique une convention collective pour le nucléaire

Toujours sur le volet des conventions collectives, la Fédéchimie FO continue de revendiquer la mise en place d’une convention collective des métiers du nucléaire. Un secteur qui représente dans son ensemble plus de 400 000 emplois, et qui produit les trois quart de l’électricité française — une énergie propre quoi qu’on en dise et surtout la moins coûteuse, a indiqué Hervé Quillet dans son rapport devant le congrès.
Sans énergie, il n’y a pas de production, et donc plus de salaires, de sécu ni de retraite, a pour sa part analysé Yann Perrotte, de l’UNSENRIC (syndicat atome de la chimie).

Maïke Niggeman, invitée du congrès et membre du syndicat européen IndustriAll European Trade Union — présent dans 38 pays, il représente sept millions de travailleurs et 177 syndicats des secteurs industriels de la métallurgie, chimie, énergie et mines, textile et chaussure — a rappelé que IndustriALL veillera à ce que la transition écologique, en lien avec le changement climatique, ne se fasse pas sur le dos des travailleurs.

Elle a également estimé que les conventions collectives restent le meilleur moyen de faire progresser les salaires et les conditions de travail. En phase avec la Fédéchimie FO.

Les ravages sociaux et économiques des restructurations et délocalisations

Plusieurs délégués ont fait état dans leurs interventions à la tribune du congrès, des réductions d’effectifs en lien avec des restructurations et des délocalisations de la production, intervenues sur les vingt dernières années. Si le phénomène s’est un peu ralenti ces dernières années, il n’en a pas moins causé d’immenses ravages sociaux et économiques, avec la suppression de dizaines de milliers d’emplois dans les secteurs couverts par la Fédéchimie FO.

Bruno Le Gras, délégué chez l’équipementier automobile ContiTech, ex-Cooper standard, Rennes) a indiqué que l’effectif de l’entreprise a fondu, passant de 3000 salariés en 2000 à 399 salariés aujourd’hui. Avec la vente du site à l’allemand ContiTech, le 1er avril 2019, les personnels sont sur leur garde, rapporte-t-il.

Didier Barras (Arc France, Verre) a rappelé que l’entreprise — 6000 salariés aujourd’hui contre 12 000 salariés au début des années 2000 — a supprimé 200 postes en 2015. Chez Maflow, un sous-traitant automobile spécialisé dans la fabrication de flexibles et de raccords pour circuits de climatisation et direction assistée (Eure-et-Loire), c’est le quart de l’effectif des 1200 salariés du début des années 2000 qui a été supprimé, a indiqué le délégué Eric Jarry.

De bons résultats aux élections CSE

En dépit des difficultés rencontrées, les syndicats FO de la Fédéchimie restent déterminés à œuvrer en faveur des droits des salariés, et à s’en donner les moyens. Ils ont enregistré de bons résultats aux élections professionnelles CSE. C’est notamment le cas chez le géant de l’uranium Orano (ex-Areva), où FO devient la première organisation syndicale au sein du groupe. Mais aussi chez Hutchinson pneus où FO a aussi arraché la première place, en octobre 2018, avec 38,6% des suffrages, dix-huit ans après la création du syndicat. FO est également en progression à l’usine Trèves (textile pour l’automobile) dans la Marne, où elle a obtenu ce mois-ci la totalité des sièges CSE titulaires et suppléants.

Augmentation générale des salaires !

Autre préoccupation majeure, les salaires : le niveau de vie des classes populaires a été rogné et le Smic n’a connu aucun coup de pouce depuis de nombreuses années, a rappelé Hervé Quillet dans son rapport devant le congrès. Les négociations de branches stagnent, notamment dans les branches chimie, pétrole, caoutchouc et plasturgie, les chambres patronales ayant refusé de répondre aux revendications Force Ouvrière de revalorisations salariales.

Les négociations annuelles obligatoires dans les entreprises relèvent souvent du sport de combat, et les patrons font la sourde oreille. Véronique Breger (syndicat du textile d’Ancenis et sa région) a fait état de NAO 2018 très tendues et sans signature. Même si parfois, la mobilisation paye, comme sur la tentative de remise en cause de jours de RTT 35 heures, chez Arc France.

Un Smic à hauteur de 1450 euros nets mensuels

Nulle surprise donc à ce que le congrès revendique dans sa résolution une augmentation générale des salaires, pensions, allocations et prestations sociales, ainsi qu’une revalorisation significative du Smic à hauteur de 1450 euros nets mensuels, soit 80% du salaire médian. Le congrès appelle en outre à la réouverture immédiate de négociations dans toutes ses branches afin de relever l’ensemble des grilles.

Le droit de manifester remis en cause

La violence sociale à l’œuvre depuis des années s’accompagne aujourd’hui d’une violence d’État contre les salariés qui manifestent, ont constaté des congressistes, dont certains, comme Xavier Boiston (Adisseo, Chimie), sont revenus sur les violences du 1er mai dont ont été victimes les cortèges, obligés de se disloquer. Le congrès, qui condamne cette violence, exige dans sa résolution l’abrogation de la loi anti-casseurs.

Une commission sur le handicap au travail

Le congrès s’est également penché sur la question du handicap au travail, répondant à la demande de plusieurs délégués, notamment de Franck Lethuillier (Sky Tanking, Pétrole), très investi sur cette question. La fédération a décidé de mettre en place une commission en partenariat avec la confédération.

Le congrès a aussi été l’occasion de rendre hommage aux camarades disparus, dont François Grandazzi, l’un des artisans du sauvetage de la fédération en 1972. Décédé en juin 2017, il avait été secrétaire général de la Fédéchimie FO de 1973 à 1998.

Une histoire de la Fédéchimie

Un livre écrit par Michel Decayeux, secrétaire général de la fédération de 1998 à 2007, aidé de quelques contributeurs, intitulé « De 1948 à 2008 - Histoire des 60 ans de la Fédéchimie », a été distribué aux congressistes. L’ouvrage, ni un livre d’histoire, ni un livre de littérature, est destiné à aider les camarades dans leur activité quotidienne de militants, pour mieux connaître et pérenniser la Fédéchimie FO, a indiqué Michel Decayeux, pour qui il n’y a pas d’avenir sans passé.

Le développement au premier plan

L’avenir, la nouvelle équipe fédérale élue par le XXIe congrès de la Fédéchimie FO est prête à s’en emparer. Avec comme priorité la poursuite du développement de l’organisation syndicale FO dans toutes les catégories, y compris chez les cadres. Le congrès fait ainsi la proposition de créer, dans chaque département ou région, en lien avec les Unions départementales FO, des structures relevant de la Fédéchimie, afin de regrouper les syndicats et les sections FO, mais aussi les adhérents isolés.

La construction de la mobilisation contre la future contre-réforme des retraites reste l’autre priorité. Immédiate celle-ci.

Les nouveaux élus.

FO Chimie Chimie, industries chimiques

Françoise Lambert Journaliste à L’inFO militante

Yves Veyrier Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière