Olivier Delagarde : Qu’est-ce que vous pensez de cette idée ?
Yves Veyrier : Ecoutez, franchement, je n’en comprends pas le sens. J’espère ne pas comprendre que ce qu’on est en train de nous dire c’est que là, où, malgré que les conditions de sécurité et santé ne seraient pas garanties, on vous donne une prime pour venir travailler. J’espère que ce n’est pas une prime en échange d’un risque pour la santé parce que nous ne sommes pas en capacité de mettre tout ce qu’il faut en œuvre pour protéger la santé et la sécurité des salariés. Si la question est de dire « on s’aperçoit aujourd’hui qu’il y a des métiers essentiels qui sont mal rémunérés, et ils le sont depuis longtemps » - on parle beaucoup du commerce, des agents à la caisse, les vendeurs, les vendeuses qui sont au contact de nombreux clients toute la journée, ce sont des métiers qui sont souvent des contrats à durée déterminée, rémunérés au Smic, qui sont mal considérés - si on nous dit enfin qu’on s’aperçoit « qu’il faut les reconsidérer, les rémunérer beaucoup mieux qu’ils ne le sont jusqu’à maintenant, mais ça de façon pérenne », OK ! Mais si c’est en contrepartie du fait qu’on a besoin d’eux alors qu’on n’a pas tout mis en œuvre pour assurer leur santé et leur sécurité, je ne le comprendrais pas.
O.D : Vous appelez tous les salariés à exercer leur droit de retrait - comme vous le faites d’ailleurs - FO transports appelle les chauffeurs à ne plus rouler à partir de lundi ?
Y.V : Non, ce qu’on appelle, y compris dans les transports, c’est un appel au secours pour pouvoir continuer justement d’assurer dans les meilleures conditions, les métiers qui sont aujourd’hui essentiels pour l’approvisionnement, tout au long de la chaîne. Les salariés savent qu’ils ont un rôle majeur. On applaudit tous les soirs les agents des services de santé. Bien-sûr qu’on a besoin d’eux. Si on tombe malade, si un chauffeur routier ou une caissière tombent malades, ils ont besoin de se faire soigner. On n’attend pas qu’ils exercent leur droit de retrait. Eh bien, il faut qu’on considère de la même façon ceux et celles qui sont essentiels aujourd’hui, et qu’on mette le paquet !
O.D : Ce n’est pas une façon de mettre le paquet que de leur proposer cette prime ?
Y.V : Ce qu’il faut, c’est d’abord les protéger ! Qu’on dise qu’il faut qu’ils soient mieux rémunérés tant mieux. Mais la prime, elle ne protège pas ! Vous comprenez ? Il y a des choses qui bougent enfin, tant mieux ! ça s’améliore petit à petit, mais pas assez ! Les chauffeurs routiers ce qu’ils demandent, c’est qu’il y ait une décision tout de suite. Plutôt que de parler des congés ou de l’allongement de la durée du travail, qu’on mette tous les moyens pour qu’on ouvre les sanitaires, qu’ils aient des points d’eau, qu’ils puissent accéder, quand ils livrent, aux sanitaires, se laver…
O.D : Elisabeth Borne l’a annoncé sur France info. Est-ce que vous comprenez le souhait du gouvernement de maintenir une activité économique tout de même la plus élevée possible ?
Y.V : La priorité dans l’immédiat c’est d’assurer dans les meilleures conditions de sécurité et de santé, les activités qui sont essentielles ! Elles sont nombreuses déjà. Il y a beaucoup d’activités importantes, toute la chaîne de la logistique. Pour que vous puissiez acheter du beurre ou une baguette de pain, il faut des transporteurs, il faut des vendeurs, des entrepôts, du conditionnement… On voit bien qu’il y a beaucoup de fonctions qui sont importantes, il faut se concentrer sur celles-là. Dans les quinze jours, trois semaines qui viennent les pouvoirs publics doivent mettre le maximum là-dessus pour qu’on assure les garanties en matière de santé et de sécurité. Nous on se charge de négocier avec les entreprises les meilleures conditions en termes d’organisation de travail et cetera. Et une fois qu’on aura assuré ça, on verra pour le reste ! Il sera temps de voir pour le reste.