Édouard Philippe a parlé du fonds de solidarité aux entreprises, qui a reçu un million de demandes et puis il annonce que le télétravail sera maintenu dans toute la mesure possible. Comment réagissez-vous à ces annonces ?
Yves Veyrier : Je me suis fait la même réflexion que Monsieur Frédéric Dabi, le Premier ministre a mis énormément l’accent sur l’enjeu sanitaire et en particulier sur le confinement, son efficacité et la nécessité de le maintenir. Le Président de la République avait d’ailleurs dit un strict confinement jusqu’au 11 mai et le Premier ministre a beaucoup insisté sur les termes de prudence, de grande prudence. Il a même, y compris en lien avec la question des gestes barrières, de l’efficacité ou non des masques selon les conditions de leur utilisation, souligné le risque de décontraction. Ce que je retiens, c’est que la pression qu’on sentait monter ces temps derniers sur la question économique, l’impact économique, qui pourrait conduire à mettre en balance la santé des salariés, je l’ai moins entendue ce soir et je m’en félicite. Parce que si, effectivement, c’est le confinement qui est efficace pour ralentir la propagation de l’épidémie, eh bien je crois qu’il faut encore insister là-dessus et calmer un peu certaines ardeurs qui risqueraient d’aller a contrario de cela. Quand je dis cela, je tiens quand même à souligner, à battre en brèche un cliché qui laisserait à penser que les salariés ou même les syndicats se complairaient dans le confinement, ou seraient irresponsables sur le plan économique. Ce n’est pas le cas ! Il y a des craintes pour l’emploi. Il y a un pouvoir d’achat qui n’est pas au niveau aujourd’hui quand on est en activité partielle. Et puis le télétravail, il faudra sans doute se réorganiser, parce que cela a été mis en place brutalement, brusquement, sans être vraiment préparé et les conditions ne sont pas toujours idéales.
Édouard Philippe a déclaré nous devons penser à un plan de relance national, européen, de façon à faire repartir la machine. Ce qui sera indispensable à côté des mesures d’urgence économique. Qu’attendez-vous de ce plan de relance Yves Veyrier ?
YV : C’est très important sur deux aspects. Il faut qu’on essaye d’éviter la pression économique, et surtout qu’on sorte du dogme de la concurrence libre et non faussée, comme on dit, au niveau européen, parce que si c’est la marche au marché entre celui qui va dé-confiner le plus vite c’est un risque majeur pour la santé. Donc, il faut vraiment qu’on sorte de là en s’affranchissant de ce dogme de la concurrence à tout prix, et qu’on travaille beaucoup plus en termes de coopération, de respect coordonné dans l’ensemble des pays sur les questions sanitaires, de santé ; et évidemment y compris qu’on cesse de rechercher des emplacements d’entreprises parce que ça coûte moins cher là-bas en termes de protection sociale et du coût du travail. Le plan de relance il doit porter dans ce cadre-là. Deuxièmement, il faut trouver une solidarité budgétaire et c’est tout l’enjeu des discussions au niveau européen. Un accord a été trouvé mais qui n’est pas encore parfait de notre point de vue, parce qu’il y a des résistances, on le sent, sur la question de la mutualisation des dettes. Il faut absolument que l’Europe montre son visage solidaire et non pas celui du marché à tout prix.
Quelle est votre réaction aux annonces du Premier ministre concernant la rentrée, l’ouverture des écoles ? Il annonce qu’il réfléchit à une réouverture par territoire, en commençant par les régions les moins touchées par le Covid19, ou bien par moitié de classe, en vue de ce début de dé-confinement. Le gouvernement semble agir avec prudence, qu’en pensez-vous ?
YV : Effectivement, il y a des discussions en ce moment entre le Ministre de l’Éducation nationale et les fédérations syndicales dont celle de FO. Je pense que le Premier ministre mesure à quel point l’inquiétude est forte de la part des personnels de l’Éducation nationale, enseignants et non-enseignants. Il y a une question qui n’a jamais vraiment été résolue parce qu’on avait commencé à faire fermer les écoles, en expliquant que c’était un endroit vecteur de la propagation du virus et on a eu le sentiment qu’il fallait commencer par rouvrir les écoles. Je pense que ça était, un peu malheureusement, voire très malheureusement, associé à la nécessité que le plus grand nombre puisse retourner au travail, donc on n’a pas très bien compris quel était l’objectif. Il faut commencer à répondre à ces questions. Il y a la question de la façon dont on va pouvoir mettre en place des gestes barrières ; ça vient d’être évoqué, le port du masque par exemple, se laver les mains avec des enfants... Les espaces. On a vu une photo d’une classe au Danemark, où les classes sont très peu nombreuses, donc effectivement il y a une question d’espace, la progressivité, la question des transports scolaires, comment on va gérer cela ? Est-ce que ça va se faire de manière très progressive par expérimentation ? Encore une fois il y a la question des masques, des tests ? Comment on peut mettre en place des tests qui permettent de s’assurer que le virus n’entre pas et ne circule pas dans les classes ou dans l’école ? Ce sont beaucoup de questions pour lesquelles il y a besoin d’y avoir des réponses très concrètes, très précises.