Pour redistribuer, il faut d’abord produire…
, telle est l’antienne répétée dans une interview récente donnée par le Premier ministre à l’occasion du deuxième anniversaire de sa nomination.
Si, de prime abord, cette assertion semble de bon sens, c’est sans doute là que nous avons un point de désaccord majeur sur le plan des politiques sociales et économiques.
Si nous devions écrire, en une formule analogue, ce qu’est notre approche, ce serait : Il faut produire pour redistribuer.
La simple inversion et la disparition du « d’abord » font une différence de taille. Notre formule est celle qui donne la primauté au social sur l’économique, comme le disait en son temps Marc Blondel. Elle traduit la conviction et la finalité de l’action syndicale, qui aspire à ce que la politique économique soit conçue pour servir la justice sociale et la protection de l’environnement.
Celle du Premier ministre traduit, au contraire, une vision économique libérale, celle de la main invisible du marché
, qui voudrait qu’il faille laisser faire le marché, la concurrence, et que le social en sera le produit – ou le sous-produit ! C’est la logique qui prévaut depuis le début des années 1980, en France, en Europe et dans le monde. Et c’est celle qui veut que la priorité soit d’abord donnée à la fluidité du marché du travail
, au dogme du déficit inférieur à 3 % du PIB
, à la baisse de la dépense publique
. C’est en tête des réussites dont se félicite le Premier ministre dans cette interview et c’est à ce titre qu’il justifie la poursuite de sa politique, dont la transformation de la fonction publique ou celle de l’Assurance chômage
, et la réforme des retraites !
On n’est donc pas étonné que la confédération FO soit à l’opposé de ces projets.
Et c’est pourquoi nous ne pouvons nous retrouver dans ledit changement de méthode
, qui consisterait à associer davantage les partenaires sociaux
, qu’invoque le Premier ministre.
FO est attachée à la démocratie et à la République… mais aussi à l’indépendance absolue du syndicat, à la négociation collective et à la pratique contractuelle ! C’est notre essence. Pour FO le syndicat est un syndicat, pas un parti, et le syndicat ne peut être et ne sera pas, avec FO, un supplétif !
Le 6 mai dernier à Matignon, FO a exprimé clairement ses analyses, positions et revendications concernant l’intérêt des salariés, actifs, précaires ou demandeurs d’emploi, et dit qu’elle rejetait toute instrumentalisation, d’où qu’elle émane.
Le 9 mai, la confédération était aux côtés des fédérations et syndicats FO de fonctionnaires, et nous appelons les parlementaires à ne pas suivre l’exemple du gouvernement qui ne veut pas entendre le rejet unanime du projet de loi de « transformation de la fonction publique ».
Nous n’entendons pas abandonner le régime de l’Assurance chômage à l’État et ne pouvons que déplorer que les employeurs soient demeurés arc-boutés contre le principe du bonus-malus contre les contrats courts. Tout comme nous sommes déterminés à préserver les régimes de retraite, dont les retraites complémentaires Agirc-Arrco, du « rapt » que constituerait le projet de régime universel.