Yves Veyrier, secrétaire général de FO, s’exprimait sur Europe 1

Europe 1, vendredi 10 janvier 2020 par Yves Veyrier

Yves Veyrier, secrétaire général de FO, s’exprimait sur Europe 1

Retraites, concertations, âge pivot et mobilisation

Transcription de l’interview vendredi 10 janvier à 18h10 sur Europe 1 avec Nathalie Levy

Nathalie Levy (Europe 1) : Vous étiez à Matignon ce matin. Vous l’avez senti aussi cette volonté d’ouverture ?
Yves VEYRIER (FO) : Moi, j’ai compris que le Premier ministre veut absolument qu’il y ait une solution en matière d’équilibre budgétaire. Je lui ai dit très clairement : la difficulté est qu’on est en train de mettre sous le boisseau le dialogue social, la négociation collective. On va peut-être avoir une annonce de temporisation, de suspension sur l’âge pivot en attente que les partenaires sociaux, comme il le suggère, se mette d’accord sur une solution alternative. A la clé, on nous a passé un document qui nous dit que l’âge pivot conduirait à une économie sensible de l’ordre de 12 Mds € en 2027.

NL : C’est une sorte de provocation ?
YV : J’ai le sentiment que l’on est en train de nous refaire le mauvais film, le mauvais scénario, de l’assurance chômage. On vous demande de vous mettre d’accord à l’assurance chômage sur 3 Mds d’économie, si vous n’y arrivez pas – ce qui a été le cas puisqu’on nous demandait de faire des économies sur les droits des demandeurs d’emploi – hé bien c’est l’État qui, in fine, a décidé.

NL : Sauf qu’après 37 jours de mobilisation, 37 jours de grève, est-ce qu’il n’est pas temps de se mettre d’accord, au moins sur le retrait de l’âge pivot, et continuer de discuter après, puisqu’on sait que le 24 janvier le texte sera sur la table du conseil des ministres ?
YV : Il y a toujours une marge de manœuvre. On est encore en démocratie parlementaire. Il y a un parlement derrière. Donc si, véritablement, on arrive au Conseil des ministres avec un projet de loi, hé bien, avec ou sans âge pivot, je le redis, le problème du régime unique par points c’est que vous avez la possibilité pour l’État demain d’agir sur les leviers qui feront que ce sera une forme d’âge pivot permanent.

NL : Qu’est-ce que vous voulez aujourd’hui. Si la CFDT et l’UNSA, dont on a vu le sourire, qui parlent toutes les deux d’ouverture, qui disent qu’Édouard Philippe sera rapide, qu’il est même prêt, Laurent Berger, à avancer son calendrier sur le financement. Si tout semble converger, qu’est-ce que vous allez faire, vous ?
YV : Hé bien je vais demander un peu de cohérence à tout cela. Je vais commencer par demander que les acteurs qui se sont mis d’accord en 2015, au sein de l’Agirc-Arrco, pour signer un âge pivot dans les retraites complémentaires avec un malus, hé bien qu’ils dénoncent immédiatement leur accord. Nous nous ne l’avions pas signé. Et nous avons quitté la présidence de l’Agirc-Arrco parce que nous refusions de présider à la mise en œuvre d’un système de retraite complémentaire qui introduisait une sanction pour ceux qui aurait liquidé leur retraite alors qu’ils en ont l’âge, les droits requis, donc exactement l’âge pivot dont les acteurs nous disent, en tout cas du côté syndical, ne pas vouloir figurer dans le projet du gouvernement.

NL : Si tout converge dans ce sens, c’est que vous êtes dans une position où, là, on pourrait se dire que vous appelez à reprendre le travail, à revenir avec vos propositions à des discussions qui permettent au moins aux franciliens d’être débloqués ?
YV : Je suis en désaccord avec ce projet parce que demain nous aurons ce mauvais film chaque année ou tous les 5 ans au moment de la discussion sur la règle d’or. On nous dira « réalisez tant d’économie ».

NL : Mais vous dites quoi alors ? Il faut le retrait purement et simplement du projet ce soir ?
YV : Je pense effectivement que ce projet est une très mauvaise idée. C’est la pire des idées de ce quinquennat. Il faut le mettre de côté. On peut discuter sur les questions d’équilibre, on peut négocier sur les questions d’emploi des seniors, et cela peut se faire dans le cadre du régime actuel. Cela ne justifie nullement de supprimer l’existant, qui garantit une retraite à tout un chacun, fondée sur les meilleures périodes de la vie active, pour aller vers une retraite où il sera plus difficile d’acquérir ses points.

NL :Mais vous savez bien que si la CFDT et l’UNSA topent, comme on dit, avec Édouard Philippe, et il l’a dit il y a quelques secondes, la journée d’échanges a donné lieu à des discussions très franches, très constructives, et utiles. Donc apparemment on parle d’une même voix, que ce soit du côté de Matignon et du côté de la CFDT et de l’UNSA. Cela veut dire que vous allez vous retrouver isolé à dire on veut le retrait pur et simple ?
YV : Je vous fais remarquer quand même que depuis le début sur ce dossier, ni la CFDT, ni l’UNSA, n’ont contesté le projet du gouvernement et ne se sont mobilisées. Si aujourd’hui on parle du retrait de l’âge pivot, c’est parce qu’il y a des centaines de milliers de salariés qui se mobilisent, depuis le 5 décembre, et cela n’a pas été à l’appel de ceux qui demandent le retrait de l’âge pivot aujourd’hui.

NL : Oui mais moins quand même, vous le savez bien. 37 jours de grève, quatrième journée de manifestations interprofessionnelles, mais en deçà des dates du 17 et du 5 décembre. Comment vous allez continuer le combat si vous êtes seuls ?
YV : Mais vous pensez un seul instant qu’aujourd’hui on parlerait de retirer l’âge pivot, qui était dans le projet du haut-commissaire dès le mois de juillet, s’il n’y avait pas eu l’appel à la grève le 5 décembre. Jusqu’au 5 décembre, rien n’avait bougé. Souvenez-vous-en. Nous avions dit exactement ce qui nous posait problème. Et le gouvernement a relancé une concertation aux mois de septembre, octobre, novembre, décembre. Rien n’a bougé ! Il a fallu que l’on appelle à la grève pour que le gouvernement commence à bouger, à reculer l’âge de la génération auquel le projet sera mis en œuvre, à reculer sur telle ou telle profession.

NL : Vous dites, vous êtes déterminés ce soir. Cela va se traduire comment concrètement ? Vous allez vers quoi ? Vers d’autres appels à se mobiliser, la semaine prochaine ? Vers quoi ? Qu’est-ce que vous voulez concrètement ?
YV : La mobilisation est maintenue, nous avons lancé un appel avec l’intersyndicale qui représente bien plus que les deux syndicats favorables au régime unique par points. Et je peux vous dire encore une fois que nous sommes déterminés, parce que nous sommes convaincus que ce projet est dangereux pour les retraites à l’avenir, pour nos enfants et petits-enfants.

NL : Donc vous ne voulez pas de sortie de crise ?
YV : Encore une fois, sur l’âge pivot, si nous faisons reculer le gouvernement, hé bien ce sera moins violent immédiatement, ce sera toujours cela d’évité. Mais pour autant le projet de régime unique par points ne nous convient pas pour les raisons que nous avons expliquées dans les détails. Nous en avons débattu avec les représentants du gouvernement, avec des ministres, des élus de la majorité, et à chaque fois que nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous n’étions pas d’accord, nous n’avons pas été démentis, ni contredit.

NL : On entend, votre détermination est intacte.
YV : Absolument.

 Voir en ligne  : Europe 1

Yves Veyrier Ex-Secrétaire général de Force Ouvrière

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