Clarisse Josselin : Un accord a été trouvé sur le télétravail, le patronat voulait qu’il ne soit ni normatif, ni prescriptif
, qu’apporte donc de concret cet accord ?
Yves Veyrier : Tout d’abord, la formule « ni normatif, ni prescriptif » est celle du patronat qui est entré dans cette négociation à reculons. Il n’en voulait pas du tout d’accord ! Sur un dossier qui préoccupe beaucoup, beaucoup, de salariés aujourd’hui, en lien avec la situation sanitaire qui fait que beaucoup de salariés se sont retrouvés à travailler à domicile en télétravail, il était important de montrer que nous étions capables de négocier les conditions dans lesquelles ce télétravail s’exerce. Nous ne confondons pas la situation actuelle avec un travail régulier. Mais il nous importait de faire en sorte de conforter, de clarifier les protections des salariés en situation de télétravail et, si possible, c’est ce que nous estimons avoir obtenu, d’améliorer les protections des salariés. Premièrement, le fait que le télétravail doive passer par la négociation collective. Deuxièmement, le fait qu’on fasse bien attention à mettre en garde les salariés eux-mêmes sur les risques qu’on peut rencontrer quand on est en télétravail, par le fait qu’on est plus isolé de ses collègues, du lieu de travail, du lien social. L’articulation entre télétravail et travail sur site est un point important dans cet accord. Et puis, le fait qu’on ne transforme pas la relation de travail en prestation de service à distance. C’était un sujet important. Le volontariat a été conforté, renforcé par une vraie réversibilité sur son emploi. Enfin, nous avons inscrit un droit effectif à la déconnexion dans le cadre de la mise en œuvre du télétravail et le fait qu’on ne perde pas le lien entre le représentant du personnel et les salariés en télétravail. C’étaient des points importants, majeurs, sur lesquels FO a bagarré et sur lesquels nous avons fait en sorte que le patronat finisse par accepter d’écouter ce que nous disions. Nous avons fait en sorte que l’accord nous donne satisfaction sur ces aspects.
CJ : Etes-vous rassuré par les annonces du gouvernement laissant entrevoir la fin du confinement ?
YV : Il y a deux aspects dans la question de la fin du confinement. Est-ce que nous serons sortis du risque sanitaire ? Du risque de contracter le Covid ? Est-ce qu’on ne risque pas un nouveau confinement ? Évidemment, la question du vaccin va être importante pour savoir si on pourra, à nouveau, circuler librement. C’est une attente forte. Les salariés, la population en général ont de plus en plus de mal à accepter les contraintes qui sont liées à ce confinement. Ce qui nous inquiète beaucoup, c’est la sortie sur le plan économique et sur le plan social. La ministre du Travail estime, d’ores et déjà qu’il y a plus de 700 plans de suppressions d’emplois qui représentent plus de 70 000 suppressions d’emploi. Est-ce que la relance va suffire ? Il y a également les secteurs qui sont sous tension : les saisonniers. Nous sommes très inquiets parce que la saison d’hiver va être très difficile et cela nous renvoie à la question de la négociation ou plutôt de la réforme de l’assurance chômage. Nous redisons au gouvernement qu’il doit abandonner définitivement cette réforme de l’assurance chômage pour revenir à ce que nous avions négocié entre les employeurs et les salariés, qui serait préférable pour l’indemnisation des demandeurs d’emplois, notamment les plus précaires et les saisonniers auxquels nous pensons beaucoup en cette période.
CJ : Des entreprises ont fait parler d’elle : Bridgestone, Danone… plusieurs voix s’élèvent pour critiquer leurs comportements, y compris celle des pouvoirs publics. Qu’en attendez-vous ?
YV : C’est vrai que nous avons entendu, tout d’un coup, y compris, le ministre de l’Économie et des finances, la ministre en charge de l’Industrie protester, critiquer contre l’attitude, par exemple, de Bridgestone. Parfois, des voix se sont élevées pour critiquer les annonces de Danone, qui annonce des suppressions d’emplois pour rassurer les actionnaires. C’est dit ainsi explicitement. Il en est de même pour Bridgestone : il s’agit d’améliorer sa rentabilité au niveau européen. Depuis très longtemps, nous avons mis l’accent sur le fait que toute aide publique doit être conditionnée à l’engagement de l’entreprise de ne pas supprimer d’emploi, de ne pas verser de dividendes et, surtout, cela doit être parallèlement contrôlé et soumis à sanction quand ce n’est pas le cas. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Ce que nous constatons, c’est que les pouvoirs publics se trouvent démunis quand des entreprises comme Bridgestone ou Danone annoncent qu’elles versent des dividendes ou qu’elles vont s’installer ailleurs pour bénéficier d’un moindre coût du travail une fois qu’elles ont consommé les aides publiques en France. Donc nous ne pouvons que redire une chose : toute aide publique doit être soumise à la condition de non suppression d’emploi, de non versement de dividendes.