Les conséquences des tempêtes hivernales

La multiplication des aléas climatiques par Christophe Chiclet

En trois mois, les éléments déchaînés ont attaqué, déchiqueté et enfoncé la côte atlantique. Le fameux trait de côte a reculé de dix à cent mètres. Les responsabilités sont nombreuses et variées. C’est toute une politique d’aménagement-réaménagement côtier qu’il va falloir repenser.

De Granville à Hendaye, les populations locales n’avaient jamais vu un tel déchaînement des éléments sur une aussi longue durée, du moins depuis 1959. Certes, les coups de tabac hivernaux sur les côtes bretonnes sont habituels, tout comme les grands coefficients de marée au même moment que les tempêtes. Mais en règle générale, ces événements climatiques se comptent en moins d’une dizaine par an. Or, du 9 décembre 2013 au 3 mars 2014, 39 tempêtes ont frappé la façade atlantique. Les départements côtiers ont connu 51 jours de vigilance orange et même une dizaine de jours en vigilance rouge (en particulier le Finistère et le Morbihan). Les conséquences sont énormes sur nombre de secteurs économiques : tourisme, pêche, agriculture et forêt. Ces phénomènes remettent en cause toute la politique d’aménagement du territoire.

Ramuntcho Perez, Secrétaire général de l’UD des Pyrénées-Atlantiques, a été le témoin privilégié de ces événements : « J’ai vu le cargo espagnol se briser en trois à l’entrée du port de Bayonne. À Anglet, dans le quartier de la Chambre d’amour, en bord de mer, le vent a soulevé des dalles de béton de 400-500 kilos. Le domaine public de chez nous a subi de très lourds dégâts. » En effet la petite commune basque de Guéthary devra débourser au moins 150 000 euros. Et Ramuntcho Perez d’ajouter : « Nos communes veulent toutes être déclarées en état de catastrophe naturelle. Il va falloir des moyens financiers énormes. Les pouvoirs publics doivent faire de la prévention, en particulier en arrêtant de laisser construire des ginguettes en bord de mer, et doivent être beaucoup plus vigilants. Il s’agit d’un vrai problème d’urbanisme. »

UNE CÔTE DÉFIGURÉE

Plus au nord, la Bretagne a aussi payé un lourd tribut. Les rivières ont débordé, inondant sévèrement Morlaix et Quimperlé, entre autres. Mais les populations locales pointent aussi du doigt les paysans qui, en amont, pour pratiquer une agriculture intensive et polluante (algues vertes dues au lisier de porc…), ont éradiqué les haies qui traditionnellement régulaient l’écoulement des eaux pluviales.

En Gironde, c’est Soulac-sur-Mer qui est devenue le symbole de la violence des éléments face à une urbanisation spéculative des bords de mer. La vieille villa Amélie n’est plus qu’à deux mètres de l’effondrement. Mais c’est surtout l’immeuble Le Signal, avec ses 78 appartements, qui a dû être fermé par arrêté municipal, puis préfectoral début février. Il s’agit d’une barre d’immeuble, style banlieue, construite en 1974, face à la mer, qui à l’époque était à 200 mètres. Quatre-vingt-dix pour cent de ses appartements étaient des résidences de vacances pour de riches Bordelais et Parisiens. Des appartements ont été mis en vente jusqu’en 2004, alors que la mer n’était déjà plus qu’à 70 mètres. Si le promoteur n’avait pas fait faillite à la fin des années 1970, c’étaient trois barres qui avaient été prévues, avec l’aval de la municipalité de l’époque, dans l’espoir de faire venir plus d’un millier de personnes. D’ailleurs les anciens de Soulac-sur-Mer appellent toujours Le Signal « la verrue ». Aujourd’hui la mer est à moins de dix mètres et le bâtiment doit être détruit avant la période estivale. À voir !

Lacanau plage, Montalivet, Lège-Cap-Ferret, Mimizan plage ont été très touchées par le recul du trait de côte. Les maires ont pris des arrêtés d’interdiction des plages [1]. À Lacanau, la mer est arrivée à vingt mètres du parking et à moins de cent mètres des premiers immeubles d’habitation.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

Notes

[1Plages fermées au 7 mars 2014 : Le Porge, Lacanau, Carcans, Hourtin, Montalivet, Naujac, Grayan et une partie de Lège-Cap-Ferret.