Air France : les personnels choqués par la création d’une filiale

Emploi et Salaires par Valérie Forgeront

Photo : Joe Ravi (CC-BY-SA 3.0)

Le groupe Air France-KLM annonce un plan stratégique dénommé Trust Together. Il sera assorti du projet Boost axé sur la création prochaine d’une compagnie filiale visant des vols à coûts réduits. Pour les personnels FO d’Air France, ce projet prévoit surtout des conditions de travail et salariales low cost pour les navigants commerciaux.

Trust together (confiance ensemble) est le nouveau plan stratégique que le groupe Air France-KLM a présenté ce jeudi 3 novembre en Comité central d’entreprise (CCE) par son P-DG Jean-Marc Janaillac.

Au nom de l’obtention d’une meilleure croissante et compétitivité de ses activités, le groupe met au cœur de son plan un « projet de reconquête » dénommé Boost consistant en la création à l’hiver 2017 d’une compagnie filiale (au nom encore inconnu) visant des vols à moindres coûts sur les secteurs du moyen et longs courrier.

La future compagnie se positionnera sur des lignes structurellement déficitaires ou fermées au cours des dernières années explique la direction du groupe. Le but est notamment de répondre à la concurrence des compagnies du Golfe sur les lignes d’Asie du sud-est.

La direction annonce encore que la future compagnie sera dotée d’ici 2020 de dix avions long-courriers et exploitera 30% de nouvelles lignes. Pour Air France-KLM, cette nouvelle compagnie permettra au groupe d’être offensif en ouvrant de nouvelles lignes, en rouvrant des lignes fermées car non rentables et en conservant des lignes menacées.

Une confiance difficile à regagner

La nouvelle compagnie ne sera pas sur le segment commercial low cost indique M. Janaillac, le nouveau P-DG du groupe depuis juillet dernier et désormais aussi depuis le 3 novembre le P-DG d’Air France en remplacement de Frédéric Gagey devenant directeur financier du groupe.

Le plan Trust va-t-il remplir l’objectif visé de rendre confiance aux personnels d’Air France lesquels vivent depuis des années aux rythmes de restructurations qui suppriment les emplois, font la part belle à la sous-traitante ou encore augmentent les rythmes de travail ? Rien n’est moins sûr pour les syndicats FO d’Air France.

Pour les personnels au sol il y a beaucoup d’interrogations sur cette nouvelle compagnie explique Christophe Mallogi, le secrétaire général du syndicat FO Air France. Il y a un risque que cette compagnie cannibalise les activités d’Air France poursuit-il. S’il doit y avoir confiance, elle se gagnera au fil du temps. Les personnels d’Air France ont largement été échaudés dans le passé par les différents plans de la direction.

Un passé d’ailleurs pas si lointain. Après les plans Transform lancés en 2012 puis la présentation en 2015 des mesures du plan Perform 2020, les personnels vivent au rythme des annonces inquiétantes et des conflits. Le 5 octobre 2015, la direction annonçait ainsi son nouveau plan de réduction des coûts assorti cette fois de 2 900 suppressions d’emplois.

Ce même jour à l’issue d’un Comité central d’entreprise écourté, les salariés (navigants commerciaux/PNC, personnels au sol, pilotes) avaient manifesté spontanément leur colère contre le projet. Accusés d’avoir commis des actes de violence et interpellés chez eux quelques jours plus tard, une quinzaine de salariés ont été présentés à la justice en septembre dernier. Le jugement sera rendu le 30 novembre.

« Un plan contre les PNC »

Dans ce climat plus que conflictuel les hôtesses et stewards (PNC/13 600 salariés), le syndicat FO des PNC (le SNPNC-FO) avais pris l’initiative d’une grève en juillet dernier, protestant contre le projet de la direction concernant leur prochain accord collectif, l’actuel qui aura duré trois ans s’achevant en octobre.

La direction visait un prochain accord d’une durée de vie limitée à 17 mois tandis que les PNC demandaient un nouvel accord d’une durée de vie de trois à cinq ans pour régir leurs règles de travail.

La direction rejetait toutes les revendications de ces personnels au plan du temps de travail, de l’évolution des rémunérations ou encore des conditions de travail. Une grève massivement suivie (jusqu’à 70% de grévistes) du 27 juillet au 2 août dernier a ramené la direction à la table des négociations.

Depuis l’accord collectif actuel a été prolongé jusqu’en février prochain, le temps des négociations d’un nouvel accord. Les PNC attentent un agenda de négociations indique le syndicat SNPNC-FO.

Or, l’annonce ce 3 novembre des modalités de création de la prochaine compagnie filiale fait l’effet d’un affront pour les stewards et hôtesses d’Air France. Ainsi, pour les navigants commerciaux FO, le lancement d’une Air France bis relève d’un plan dirigé contre les PNC , soit plus de 13 000 salariés d’Air France.

Des recrutements à bas coûts

La direction du groupe prévoit en effet que les PNC de la futur compagnie (environ 1 400 PNC évalue FO) soient recrutés hors de l’effectif de Air France ! s’indigne Christophe Pillet pour le SNPNC-FO.

A l’évidence, dans la nouvelle compagnie qui se veut déjà un laboratoire de projets, ces personnels -qui ne peuvent faire l’objet d’une sous-traitance- subiront des conditions low cost notamment au plan des cadences de travail, du nombre réduit de PNC par équipage et bien sûr de salaires bas. Cette perspective fait bondir le SNPNC-FO.

Air France laisse partir ses emplois de PNC mais va recruter à bas coût de nouveaux effectifs PNC pour la compagnie bis. La direction cherche à contourner les organisations, dérangeantes. Par ailleurs, elle indique déjà que les PNC d’Air France devront continuer à faire des efforts.

En « aspirant » les nombre d’activités d’Air France, la nouvelle compagnie va détruire plus de 1 000 emplois de PNC à Air France dans un premier temps s’inquiète le SNPNC-FO qui rappelle les 220 millions d’économies et de productivité réalisés entre 2013 et 2015 par les PNC, ce qui avait entraîné la suppression de plus de 2 000 postes.

Le syndicat rappelle aussi les très bons résultats actuels du groupe Air France-KLM. Au troisième trimestre 2016, le groupe affiche un résultat d’exploitation de 737 millions (une fois déduits les investissements à hauteur de 1,457 milliard) et une dette en baisse de 144 millions d’euros.

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante