Dans l’établissement français du sang, une grève illimitée traduit les inquiétudes des salariés

InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

© EFS FO

Depuis le 28 juillet, les salariés de l’établissement français du sang (EFS) sont en grève, à l’appel de FO. Inquiets, ils s’interrogent sur l’avenir de leur institution, entre modèle économique instable et manque d’attractivité de leurs métiers. Si une délégation a été reçue par les ministres de tutelle, nous continuons la grève dans l’attente d’annonces satisfaisantes, promet Steeve Perno, délégué syndical FO.

L’institution que l’on surnomme parfois le service public du sang est en grève illimitée depuis cet été, à l’appel de Force Ouvrière. En plus d’organiser la collecte des produits sanguins, les équipes de l’établissement Français du sang ont la charge de plusieurs activités et sont donc un maillon important, si ce n’est essentiel à la chaîne du soin et de la science.

Mais, depuis plusieurs années, ces équipes s’inquiètent du devenir de leur établissement. Notamment depuis 2019 et le changement de la politique fiscale sur les produits sanguins labiles (PSL) que vend l’EFS aux hôpitaux et laboratoires. Ainsi, la marge financière de ces produits ne permet plus d’assurer l’équilibre financier de l’établissement. Le prix des PSL a été trop peu revalorisé ces dernières années face aux dépenses liées aux mesures imposées pour assurer la qualité et la sécurité des produits, indique le syndicat FO dans le communiqué qui annonçait la grève.

Vente de plasma, restriction budgétaire… Des consignes paradoxales

Dans le même temps, l’institution fait face à une augmentation des demandes de médicaments dérivés du sang. On nous demande une hausse de l’activité de prélèvement de plasma de presque 46 %, alors que ce plasma, on le vend à perte, précise Annick Venzal, déléguée centrale FO. Le prix de vente du plasma, fixé par le gouvernement, est passé de 155 euros le litre en 2007 à 110 euros actuellement. Un prix bien en deçà de celui du marché mondial, faisant peser les frais de production de ce produit exclusivement sur l’EFS, et cela à la faveur du Laboratoire français du Fractionnement et des Biotechnologies (LFB), une société privée, précise le syndicat FO de l’EFS. Cette politique suicidaire conduit à ce que chaque année, le prélèvement de plasma induit induise une perte financière de l’ordre de 20 millions d’euros pour l’EFS.

Annick Venzal dénonce un mépris de la part du gouvernement. Nous avons besoin soit d’une subvention pérenne de la part de l’État, soit d’une hausse des tarifs des produits vendus. Mais, au lieu de redonner à l’EFS ses capacités financières, on contraint l’établissement à des restrictions budgétaires de 19,2 millions d’euros, dont 9 millions sur le personnel, s’indigne Franck Houlgatte de l’UNSFO. C’est d’ailleurs l’annonce de la diminution de 150 équivalents temps plein, lors du conseil administratif de l’EFS, qui a conduit à l’appel de FO à la grève illimitée.

Cette mobilisation en plein été et après un mouvement important sur les retraites a été un peu compliquée. D’autant que les salariés par conscience professionnelle hésitent à se mobiliser : ils savent que derrière leur travail, il y a des malades, pointe Steeve Perno, délégué FO. Et d’autant qu’il y a beaucoup d’assignation dans les établissements. Mais le syndicat a fait le choix de dates ponctuelles pour optimiser cette mobilisation. C’était notamment le cas le mercredi 6 septembre où, après lecture d’une déclaration au CSE, les élus se sont rassemblés devant le comité central, à Saint-Denis.

On n’a pas accès à la revalorisation de la fonction publique ni aux avantages du privé

Pour les salariés, qui sont inquiets du devenir de l’EFS (relevant du secteur privé non lucratif), le problème salarial est aussi au cœur du mécontentement. La question de l’attractivité de nos métiers se pose. Nous sommes en concurrence avec l’hôpital dont les grilles de classification ont été revues l’an dernier. Pour l’EFS, elles n’ont pas été modifiées depuis 15 ans..., pointe Annick Venzal Sur cette question, Force Ouvrière a eu le sentiment d’être « entendue » lors d’un entretien avec les ministères de tutelle le 7 septembre. Nous avons été écoutés et j’ai le sentiment que nos interlocuteurs ont pris conscience de nos problématiques, notamment celle de la rémunération, raconte Steeve Perno. La spécificité du statut de l’EFS ne simplifie pas les choses : l’établissement est public mais à caractère industriel et commercial (EPIC), les personnels sont des salariés relevant du droit privé. On n’a pas eu accès à la revalorisation indiciaire (+1,5 % du point d’indice en juillet) de la fonction publique, mais on n’a pas non plus droit aux avantages du secteur privé, dénonce Annick Venzal.

Cette question sur le devenir de l’EFS est d’autant plus importante qu’une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances a été diligentée par le gouvernement, afin de définir un nouveau modèle économique pour l’établissement. Remis à l’exécutif, ce rapport n’a pas été rendu public. Nous avons demandé à ce qu’il le soit, afin d’avoir le même niveau d’information que nos interlocuteurs, explique Steeve Perno. Les ministères nous ont promis de revenir vers nous. Pour le délégué syndical, la rencontre avec les ministères ne marque pas la fin de la mobilisation. Tant que nous n’aurons pas d’annonces satisfaisantes de la part de nos tutelles, la grève illimitée perdurera !

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération