Délai pour agir, et périmètre d’établissement : précisions sur le point de départ

Élections professionnelles par Secteur des Affaires juridiques

Lorsque la contestation des élections professionnelles porte sur la régularité de l’élection, ou sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n’est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation, précise l’article R 2314-24 du code du travail.

Il n’est en effet pas rare qu’à l’occasion des élections professionnelles, une irrégularité apparaisse.

Dans une telle situation, tout intéressé peut saisir le juge judiciaire (TJ) ; il peut s’agir d’un syndicat, représentatif ou non dès lors qu’en effet, une OS a nécessairement intérêt à agir lorsqu’elle a vocation à participer au processus électoral (Cass soc., 29-9-1, n°20-60247). Il peut aussi s’agir des électeurs, ou de l’employeur, comme en l’espèce.

Les irrégularités faisant l’objet des contestations sont diverses : contestation du recours au vote électronique (Cass. soc., 13-1-21, n°19-23533), contestations relatives à la composition des collèges électoraux (Cass. soc., 13-2-13, n°11-25468), contestation d’une candidature, quels qu’en soient les motifs, y compris pour non-respect de la représentation équilibrée femmes-hommes sur les listes de candidats (Cass. soc., 9-9-20, n°19-60196), etc.

Les intéressés ont alors 15 jours pour saisir le TJ, à compter du lendemain de la proclamation des résultats de l’élection, sous peine de forclusion (Cass. soc., 26-1-00, n°98-60534). Au-delà de ce délai, les élections sont alors purgées de leurs irrégularités.

Dans cette affaire tranchée par la Cour de cassation (Cass. soc., 19-1-22, n°20-17286), l’employeur avait saisi les juges pour demander la nullité des élections professionnelles organisées alors qu’une décision de l’administration était intervenue pour fixer le nombre d’établissements.

Les faits sont peu expansifs. On peut néanmoins préciser que c’est l’employeur qui était ici à l’initiative du recours. Pour lui en effet, le périmètre d’établissement dans lequel les élections avaient eu lieu n’était pas le bon (à noter que ces élections avaient fait l’objet de recours en contestation du nombre d’établissements d’abord fixé unilatéralement par l’employeur, puis par une Direccte - Cass. soc., 3-3-21, n°19-21086).

Il avait donc saisi le TJ dans un délai de 15 jours, certes, mais à compter des résultats du second tour des élections. Il s’était alors vu opposer une fin de non-recevoir par les juges. Pour eux, le motif d’annulation qu’il soulevait existait dès le premier tour, de sorte que le délai avait commencé à courir à cette date. L’employeur était donc, en l’espèce, forclos : le délai de 15 jours pour agir étant expiré.

Mais ce raisonnement est-il valable ?

La contestation des élections, qui résulte d’une contestation du périmètre des élections, doit-elle, pour être recevable, être formée dans le délai de 15 jours à compter du premier tour, dès lors que la contestation existait déjà lors de ce 1er tour ?

Non, répond la Haute juridiction. Pour elle, il résulte de l’article R 2314-24 du code du travail que la contestation portant sur les résultats des élections, lorsqu’elle est la conséquence d’une contestation du périmètre dans lequel les élections ont eu lieu, lequel n’est pas un élément spécifique au premier tour, est recevable si elle est faite dans les quinze jours suivant la proclamation des résultats des élections.

Elle en conclut que le tribunal a violé cette règle, dès lors qu’il résultait de ses constatations que la requête avait été formée dans le délai de 15 jours suivant le second tour de l’élection. Ce second tour avait été organisé car le quorum n’avait pas été atteint au premier tour et qu’en conséquence aucun candidat n’a été élu.

Autrement dit, en matière de contestation de la régularité des élections motivée par la contestation du périmètre, le délai commence à courir à compter de la proclamation nominative des élus par le bureau de vote.

En outre, on peut s’interroger sur la précision de la Cour concernant l’ élément spécifique au premier tour.

Deux interprétations sont possibles.

On pourrait d’abord considérer que la Cour se contente de répondre au TJ qui a mobilisé cette notion pour déclarer les demandes de l’employeur irrecevables.

Mais une interprétation extensive de cet arrêt pourrait aussi nous conduire à considérer que si le motif de contestation est un élément spécifique au premier tour, alors le délai commence à courir à l’issue du premier tour. A l’inverse, dès lors que le motif n’est pas un élément spécifique au premier tour, alors le délai commence à courir à la proclamation des résultats.

Cette interprétation paraît probable quand on sait que concernant en particulier les contestations relatives à la détermination des suffrages recueillis par les organisations syndicales, l’action n’est recevable que si elle est faite dans les 15 jours suivant ce premier tour (Cass. soc., 26-5-10, n°09-60453).

Deux questions demeurent : que recouvre la notion d’éléments spécifiques à un tour des élections ? La solution rendue aurait-elle été identique si le second tour des élections avait été rendu nécessaire en raison de sièges vacants à l’issue du premier tour ?

 

 

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