Ehpad : les mesures annoncées par le gouvernement demeurent insuffisantes

InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

Plus de contrôles dans les Ehpad et davantage d’informations pour les familles, formation à la maltraitance pour les salariés… Les mesures de l’exécutif concernant les maisons de retraites apparaissent minimes au regard de problèmes que connaît le secteur estime Franck Houlgatte de l’UNSP-FO qui y voit « un coup médiatique », d’autant que la question des faibles rémunérations et du manque d’effectif n’est pas abordée.

À la suite du scandale Orpea, le sujet de la gestion des maisons de retraite se retrouve au premier plan. Le livre-enquête Les Fossoyeurs écrit par le journaliste Victor Castanet a déclenché de nombreuses réactions et missions parlementaires. Une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) est d’ailleurs attendue.

Pour autant, les mesures annoncées par le gouvernement laissent un goût de « pas assez ». Le 8 mars, en visite dans un Ehpad, le ministre de la Santé Olivier Véran a détaillé une série de mesures visant à renforcer les contrôles de ces établissements. Une opération de communication, estime Franck Houlgatte, secrétaire général de l’UNSP-FO. On voit qu’il s’agit d’un coup médiatique, sans qu’il y ait une réelle volonté d’améliorer les choses.

Contrôles et transparence, pour quelle efficacité ?

L’exécutif prévoit un programme de contrôle des 7 500 Ehpad français dans les deux ans à venir. Ces contrôles existent déjà, et l’on constate que cela ne fonctionne pas. Les établissements sont prévenus en amont, parfois un mois avant, ce qui leur donne la possibilité de se préparer, souligne le militant. D’autant que ces contrôles sont diligentés par les Agences Régionales de Santé (ARS), qui financent une partie des Ehpad. Nous ne sommes pas contre les contrôles, mais pour qu’ils soient efficaces, ces opérations doivent être menées dans de bonnes conditions. Il faut des contrôles inopinés menés par un organisme indépendant.

Le second axe du plan Ehpad présenté par le gouvernement est celui de la « transparence ». Au cours de ces cinq dernières années, un portail permettant aux familles de comparer les tarifs et le reste à charge entre les établissements a été mis en place par le gouvernement. Olivier Véran a annoncé que ce portail serait amélioré avec ajout d’une dizaine d’indicateurs, parmi lesquels le taux d’encadrement ou le budget quotidien pour les repas par personne. Mais, analyse le militant si ces indicateurs sont remplis par l’établissement, sans qu’ils ne soient véritablement contrôlés, cela ne sert pas à grand-chose. On parle de transparence mais sans qu’elle soit effective, note le militant.

La question des salaires soigneusement évitée

Pour mener à bien ces missions de contrôle, le gouvernement prévoit de créer 150 postes dans les ARS pour renforcer les services d’inspection. Mais c’est dans les établissements qu’il faut créer des emplois ! Il manque entre 200 000 et 300 000 postes pour que les Ehpad fonctionnent bien, martèle Franck Houlgatte. Le manque d’effectifs traduit aussi le manque d’attractivité que connaît le secteur. Mauvaises conditions de travail, horaires parfois décalées, rémunérations très faibles… Les établissements peinent à recruter.

Or, le gouvernement n’a rien annoncé au plan des salaires. Dans leur mission flash, lancés à la suite du scandale Orpea, les députés proposent de revaloriser les soignants dédiés au grand-âge et de renforcer le ratio personnels-résidents. Des propositions intéressantes mais qui risquent de ne pas être suivies, regrette Franck Houlgatte.

Sur la question de la rémunération, Au sein de la Fédération des Établissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne privés solidaires (Fehap), nous avions négocié un accord collectif sur une prime grand-âge de 100 euros. Malgré l’accord des employeurs, le gouvernement par une décision unilatérale a réduit cette prime à 70 euros, pour des raisons budgétaires, se souvient le secrétaire général. Cela montre sa vision du dialogue social : il y a des annonces enrobées de communication mais peu d’évolution concrète pour les travailleurs...

Une maltraitance qui devient institutionnelle

Enfin, Olivier Véran a annoncé la mise en place d’un dispositif de médiation entre les familles et les établissements : d’ici 2023 une plateforme de signalement des maltraitances viendra en renfort du 3977, numéro de lutte contre les maltraitances des personnes âgées, qui sera doté d’un million d’euros supplémentaire.

L’exécutif prévoit par ailleurs un programme de formation-action contre la maltraitance pour les 400 000 salariés du secteur. Une réponse à côté de la plaque pour l’UNSP-FO, puisqu’elle ne règle pas le problème du manque d’effectif, qui est la cause de cette problématique. Même formés, si l’on doit faire la toilette pour une dizaine de résidents en une matinée, on risque d’être maltraitant, explique Franck Houlgatte. Par le manque d’effectifs et de moyens, la maltraitance est institutionnelle. Là, on fait peser ce problème sur les épaules des salariés.

Dans ce secteur qui manque donc toujours d’attractivité, nombreux sont les travailleurs qui partent, par peur de mal soigner les résidents dont ils s’occupent. Quand on voit les conditions de travail et de rémunération, on a aucune envie de voir ses enfants s’orienter dans ce secteur, témoigne le militant.

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération