L’oracle : un financier ennemi de la finance

Cinéma par Michel Pourcelot

Si le film insiste beaucoup sur l’injustice dont a été victime Martin Armstrong, reconnu comme l’un des plus grands analystes financiers, il est particulièrement édifiant sur les pratiques de la finance à haut niveau. Et sur le jeu autour des dettes souveraines.

Pour comprendre la finance, apprenez son histoire. Les temps changent mais pas le comportement humain. Et tout n’est que cycle. En substance, c’est ce que dit l’oracle, en l’occurence Martin Armstrong, véritable star du film du même nom, qui sort en France ce 16 septembre. Le titre en anglais, The forecaster, c’est-à-dire le prévisionniste, est moins sensationnaliste mais le vocabulaire économique français emprunte désormais à l’astrologie avec force conjonctions astrales et autres alignements de planète. Il faut dire que c’est qu’avec une précision étonnante qu’Armstrong a su prédire la quasi-totalité des krachs et éclatements de bulle de ces dernières années. Divinatoire ? En fait loin d’être une Pythie financière, ce très riche conseiller financier américain a su tirer partie de ses bases de données informatiques en sachant les interpréter au mieux. Il y a rajouté une théorie autour du nombre Pi, soit 3,141 592 653 589 793. Mais le film ne s’y résume pas. On est même dans une sorte de thriller plus vrai que nature, la réalité dépassant la fiction. Ayant commis l’erreur de refuser de participer à une opération d’envergure visant à mettre la main sur les matières premières russes en piégeant Eltsine avec un énorme prêt du FMI, Armstrong va être précipité dans une série d’aventures qui se termineront par de longues années d’emprisonnement, sans procès, dans des conditions judiciaires douteuses. Un scénario à la John Le Carré a-t-il été écrit à ce propos dans la presse anglo-saxonne. Au menu : un code source informatique capable d’apporter la fortune, des manipulations géopolitiques et la mystérieuse mort d’un banquier richissime dans sa résidence forteresse de Monaco. Réalisé par deux journalistes allemands expérimentés, dont Marcus Vetter, récompensé par un Prix du meilleur documentaire européen en 2009, le film apparaît bien sûr d’abord comme une défense d’un Martin Armstrong entendant réparer l’injustice qui l’a frappé. Mais il propose aussi des solutions comme la création d’une dette souveraine européenne commune et surtout un aperçu explicatif des coulisses du monde des finances, qui générant de plus en plus de profits colossaux les réinvestit dans chaque faille susceptible d’en produire encore plus. Quitte à les créer. Et même si cela doit ruiner des pays entiers.

L’oracle , film documentaire réalisé par Marcus Vetter et Karin Steinberger.
Durée : 1h33min. Sortie en France le 16 septembre 2015.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante