Les favoris du Tour

Tour de France 2019 par Baptiste Bouthier

Tom Dumoulin, Giro d’Italie, 2018. © Dario SANCHEZ/FLASH-90-REA

La succession de Geraint Thomas est lancée, et elle s’annonce ouverte. Qui remportera l’édition 2019 de la Grande boucle ? Présentation des principaux candidats.

Froome ou Thomas : Ineos, l’embarras du choix

Elle a changé de nom en mai, mais pas d’effectif. L’équipe Ineos, nouvelle appellation de la Sky, a toujours l’ADN pour dominer le Tour de France, ce qu’elle fait sans discontinuer depuis sept ans, à l’exception de l’édition 2014. Mais avec qui ? Chris Froome, lauréat des éditions 2013, 2015, 2016 et 2017, ou Geraint Thomas, le tenant du titre ? Le Gallois a réussi, l’an dernier, à prendre le pouvoir en interne, tout simplement parce qu’il était le plus fort de son équipe mais aussi de la course. En sera-t-il de même un an plus tard ? D’autant que Froome, cette fois, n’a pas le Tour d’Italie dans les jambes.

En tout cas, les deux coureurs ont le profil et la cohabitation s’était bien passée en 2018, ce qui tend à désamorcer toute idée de guerre intestine autodestructrice. Tant mieux parce que cette abondance de talents pourrait s’étendre à un troisième larron : Egan Bernal. Excellent équipier de luxe des deux Britanniques il y a un an, le jeune Colombien (22 ans seulement) a pris du galon en remportant Paris-Nice en mars et semble déjà prêt à remporter un grand Tour. Il prend le départ de la Grande boucle dans la peau d’un lieutenant, c’est d’accord : mais si c’est lui le plus fort ? En cyclisme, c’est la route qui décide, et cela pourrait faire les affaires de la jeunesse, qui n’est plus trop britannique : Geraint Thomas a 33 ans, Chris Froome 34 ans…

Bardet entretient sa flamme

C’est le but de sa vie, sa raison d’être coureur professionnel. Depuis qu’il l’a vu de si près qu’il pouvait le toucher, Romain Bardet ne rêve que du maillot jaune. Deuxième du Tour en 2016, encore troisième en 2017, mais aussi sixième l’an dernier et en 2014, le grimpeur d’AG2R La Mondiale connaît l’épreuve par cœur et rêve d’être celui que la France n’en finit plus d’attendre : le successeur de Bernard Hinault, dernier lauréat tricolore de la Grande boucle en 1985. Trente-quatre ans plus tard, est-ce enfin la bonne ? Les premiers mois de la saison n’ont pas fait changer de statut à Romain Bardet. Mais à 28 ans, l’Auvergnat est dans ses meilleures années de coureur cycliste. Bien sûr, on l’imagine mal dominer de la tête et des épaules le Tour de France : il lui faudrait probablement des circonstances favorables pour espérer l’emporter, trois semaines en état de grâce. Mais c’est vrai que le parcours de ce Tour 2019 semble dessiné pour lui : très peu de kilomètres en contre-la-montre, un exercice où il a du mal, et beaucoup de grands cols, qui le motivent comme peu. Pour couronner le tout, l’étape du 14 juillet se termine à Brioude, en Haute-Loire, où il est né. Un signe du destin ?

Pinot, le mors aux dents

Thibaut Pinot et le Tour de France, c’est une histoire contrariée, un amour-haine qui vit cet été un nouvel épisode. Le grimpeur franc-comtois a vécu parmi ses plus beaux moments de coureur sur la Grande boucle : victoire d’étape et dixième à sa première participation à seulement 22 ans, en 2012, et bien sûr sa troisième place finale assortie du maillot blanc du meilleur jeune deux ans plus tard, sans oublier son succès à l’Alpe d’Huez en 2015. Mais il a aussi traversé plusieurs mois de juillet comme un fantôme : en 2013, 2016 et 2017, Pinot n’a même pas vu les Champs-Elysées, quittant la course dans l’ombre. Pas toujours à l’aise dans le tourbillon du Tour, le coureur de Groupama-FDJ s’est ressourcé l’an dernier en privilégiant d’autres courses, en Italie notamment, ce qui lui a permis d’enrichir son palmarès du Tour de Lombardie. Et le revoilà sur l’édition 2019 de la Grande boucle, avec cette fois la ferme intention de renouer avec ses meilleures heures de juillet. Comme pour Bardet, le parcours très montagneux lui sied à merveille. Et comme dans le cas de l’Auvergnat, il aura droit à son étape à domicile, du côté de La Planche des belles filles. Thibaut Pinot a le profil pour monter sur le podium du Tour, et même mieux si les planètes s’alignent. Mais son premier adversaire, c’est lui-même.

Roglic : veni, vidi, vici ?

Une première participation pour découvrir (2017, une victoire d’étape), une deuxième pour prendre date (2018, quatrième place finale et nouvelle victoire d’étape) : Primoz Roglic dispute son troisième Tour de France d’affilée et cette fois-ci, c’est pour le remporter. Excellent rouleur, redoutable grimpeur qui n’hésite pas à passer à l’offensive, le Slovène est un métronome et il a réussi un début de saison 2019 remarquable qui n’a fait que renforcer son statut. Seule inconnue au départ de Bruxelles : le coureur de la Jumbo-Visma a disputé en mai le Tour d’Italie, trois semaines intenses qui finissent toujours par peser dans les jambes des coureurs qui « doublent » avec le Tour de France. Même l’infernal Primoz Roglic pourrait en souffrir…

Le métronome Dumoulin

Tom Dumoulin est peut-être l’archétype parfait du coureur de grand Tour : excellent en contre-la-montre (il a été champion du monde de la spécialité) et redoutable en haute montagne, où il fait souvent mieux que limiter la casse. Un profil qui a permis au coureur de la Sunweb de terminer deuxième du Giro… et du Tour l’an dernier. Il a prouvé sa capacité à enchaîner les deux courses de trois semaines au plus haut niveau. Va-t-il cette fois réussir à monter sur la plus haute marche du podium ? Le Néerlandais est en tout cas l’un des candidats les plus crédibles au départ, tant sa régularité est proverbiale.

mais aussi...

Entre l’âge avancé des deux principaux leaders d’Ineos et la participation au Tour d’Italie de plusieurs autres favoris de ce Tour 2019, la succession de
Geraint Thomas s’annonce indécise, ce qui allonge la liste des candidats potentiels. Vainqueur en 2014, Vincenzo Nibali reste un coureur à ne jamais prendre à la légère, mais lui aussi était sur la course rose en mai. Cinquième l’an passé, Steven Kruijswijk est hyper régulier sur les grands Tours depuis quelques saisons, mais il faudra déjà qu’il s’impose en interne chez Jumbo face à Roglic. éternel malchanceux sur le Tour, Richie Porte rêve de réussir enfin en juillet, lui qui a pourtant les qualités requises. Très en forme en début de saison, Adam Yates et Jakob Fuglsang ont changé de statut à cette occasion, passant d’outsiders pour un Top 10 à candidats au podium final. Enfin, Nairo Quintana, deuxième des éditions 2013 et 2015, encore troisième en 2016, n’a toujours pas accroché ce Tour de France que tout le monde lui promettait. Et s’il y parvenait au moment où l’on ne s’y attend plus ?