Ordonnances travail : la pression monte

InFO militante par Thierry Bouvines, L’inFO militante

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Syndicats, organisations patronales, représentants du gouvernement et du monde économique se sont retrouvés le 19 septembre pour débattre de l’avenir du travail. La rencontre, à laquelle participait Frédéric Souillot, le secrétaire général de FO, s’est transformée en critique des ordonnances « travail ».

Patrick Martin, le nouveau président du Medef, a dû se sentir bien seul à cet anniversaire. Pour fêter ses 40 ans, le 19 septembre à Paris, le Groupe Alpha, cabinet de conseil aux CSE, avait invité Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, à débattre des transformations du travail et du « nouveau » modèle social à adopter. Autour de la table, d’autres représentants d’organisations syndicales ; Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels ; Jean-Dominique Sénard, président de Renault Group et donc, présent aussi le patron du Medef. Les critiques des ordonnances travail de 2017 et les demandes pour leur révision ont constitué un leitmotiv dans le débat, tout au long duquel l’impression prédominante fut que Patrick Martin semblait le seul favorable au statu quo.

Ordonnances Macron : Jean Auroux dit sa « déception »

Présent dans la salle et très applaudit, Jean Auroux, ministre du Travail de 1981 à 1982, dont on a déjà fêté les 40 ans des lois qui portent son nom (lois en partie contestées par FO), entame les hostilités. Il y a 40 ans, le gouvernement écoutait les salariés et les organisations syndicales, relève-t-il avant de citer les avancées sociales qu’il affecte aux quatre dernières décennies : limitation du travail intérimaire ; 39 heures payées 40 ; 5e semaine de congés ; retraite à 60 ans ; création des CHSCT ; instauration d’une contribution de 0,2% pour financer les expertises du comité d’entreprise ; droit de retrait ; droit d’expression (qui n’a jamais vraiment fonctionné, reconnaît-il). Les ordonnances Macron ont été une déception, enchaîne-t-il. La fin des CHSCT et la baisse drastique du nombre de mandats [de représentants du personnel] sont une régression. La place du monde du travail a été minorée par rapport à celle de l’actionnaire.

Pierre Ferracci : Les ordonnances travail (…) au cœur de crispations

On demande aux organisations syndicales de s’adapter aux évolutions du monde du travail et elles le font, mais c’est alors l’État qui décide de diminuer le nombre de mandats d’élus du personnel, indique de son côté Frédéric Souillot. Et si le nombre de mandats successifs est désormais limité pour les délégués syndicaux, les parlementaires ne sont pas soumis à la même contrainte, relève-t-il. Notre modèle social s’est construit grâce au paritarisme et au CNR : le Conseil national de la résistance, pas l’autre, rappelle-t-il.

Pierre Ferracci, président du Groupe Alpha et hôte du débat, n’épargne pas son invité du Medef. Il faudra revoir les ordonnances, assure-t-il. Les ordonnances travail n’ont pas nourri une réflexion sur le monde du travail, elles sont aujourd’hui au cœur de crispations, développe Estelle Sauvat, directrice générale du Groupe Alpha. En centralisant les IRP, on a perdu les capteurs locaux. Soit les questions locales ne remontent pas du tout, soit elles remontent et engorgent les CSE. Évoquant l’augmentation de l’absentéisme que plusieurs études récentes ont pointée, elle estime que beaucoup de salariés absents ne l’auraient pas été s’ils avaient pu parler de leurs problèmes.

Frédéric Souillot : FO veut un dialogue social interprofessionnel, puis de branche, puis d’entreprise

Les fonctionnaires ont aussi des raisons d’être critiques vis-à-vis des ordonnances. La loi de « transformation de la fonction publique » de 2019 y a transposé leur idéologie en supprimant notamment les CHSCT et les commissions administratives paritaires. C’est ce que rappelle le représentant d’une organisation syndicale dans son intervention vidéo.

Frédéric Souillot porte lui la critique au-delà des ordonnances, en évoquant l’inversion de la hiérarchie des normes, actée par la loi El Khomri de 2016. Il appelle de ses vœux la restauration du système antérieur. FO veut un dialogue social interprofessionnel, puis de branche, puis d’entreprise, rappelle-t-il.

Patrick Martin : Rien n’interdit de faire mieux que le socle

Étrangement, la ministre Carole Grandjean, ne prend pas la défense de ces ordonnances pourtant décidées par une majorité à laquelle elle appartient. Je suis convaincue de la place du dialogue social mais il doit être perceptible sur les questions sociétales, comme l’égalité professionnelle, se contente-elle de déclarer. Jean-Dominique Sénard appelle de son côté à une révolution managériale pour répondre à la soif de reconnaissance et au besoin d’écoute des salariés, y compris ceux de la fonction publique. Patrick Martin, le président du Medef, se retrouve donc tout seul. Et lorsqu’on lui demande directement s’il faut réformer les ordonnances, il botte en touche. Rien n’interdit de faire mieux que le socle minimum posé par les ordonnances. Avant d’avouer : Dans mon entreprise, je réinstalle des structures de proximité

Thierry Bouvines

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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