Papeteries de Condat : près de la moitié des emplois menacés par un PSE

Actualités par Clarisse Josselin

Prétextant une baisse de commandes, les papeteries de Condat, en Dordogne, projettent d’arrêter l’une des deux lignes de production. Quelque 187 des 420 salariés pourraient perdre leur poste. L’entreprise avait pourtant bénéficié en 2021 de 33 millions d’euros d’aides publiques pour… sauver l’emploi. Le 12 juillet, un millier de personnes ont manifesté à l’appel de l’intersyndicale pour s’opposer à cette fermeture.

C’est tout un territoire qui se mobilise pour sauver l’emploi et demander le maintien des deux lignes de production aux papeteries de Condat, le plus gros employeur industriel de Dordogne. Le 12 juillet, à l’appel d’une intersyndicale dont fait partie FO, un millier de personnes ont défilé de Condat au Lardin-Saint-Lazare, en passant devant l’usine. Le cortège, composé de salariés, d’habitants, de commerçants et d’élus locaux venus de tout le département, s’est étendu sur plusieurs centaines de mètres.

Le 20 juin dernier, le groupe espagnol Lecta, propriétaire des papeteries, a fait connaître son intention de cesser l’activité de l’une des deux lignes de production. La ligne 4 est la dernière à fabriquer, en France, du papier couché deux faces, un papier de haute qualité utilisé par les grandes maisons d’édition. C’est notamment sur du papier Condat qu’est imprimé le prix Goncourt.

L’annonce a eu l’effet d’une bombe. L’entreprise, située à Lardin-Saint-Lazare, génère plus de 1 200 emplois directs et indirects selon le président de la Région qui dénonce « une catastrophe économique et sociale » pour le territoire.

Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) a été présenté aux organisations syndicales le 11 juillet, lors d’un CSE extraordinaire. La direction a annoncé la suppression de 226 postes sur un effectif global de 420 salariés. Mais certains de ces postes étant déjà vacants, notamment pour des arrêts de longue maladie, ce sont 187 salariés qui risquent de perdre leur emploi. Ils travaillent sur la ligne condamnée, à l’atelier de transformation ou dans la maintenance.

Délocalisation de la production en Italie et en Espagne

« La direction justifie cette fermeture par une baisse des commandes, explique Patricia Canto, secrétaire FO (syndicat majoritaire) du CSE. Il y a effectivement moins de demande, mais pas au point de fermer une machine. En réalité, l’activité a été délocalisée dans d’autres usines du groupe en Espagne et en Italie, doucement mais sûrement, pour réduire les coûts de fabrication. Nous avions déjà subi une fermeture de ligne pour les mêmes raisons il y a dix ans. »

Lors de la réunion du 11 juillet, point de départ de trois mois de négociations, les représentants syndicaux ont insisté sur les questions économiques et nommé un expert. « Nous n’avons toujours pas compris pourquoi la production était délocalisée ailleurs, poursuit la militante. La direction ne nous a pas donné toutes les réponses sur les données techniques et économiques à l’échelle européenne du groupe. Elle veut limiter la discussion au seul périmètre de la France, ce que nous réfutons. »

Les syndicats, qui se battent contre la fermeture de la ligne 4, ont refusé d’aborder la question des conditions de départ. « Que vont devenir les salariés dont le poste serait supprimé ? Les perspectives de reclassement en interne sont maigres, et c’est compliqué de retrouver un emploi dans la région, nous sommes en zone rurale. C’est inquiétant pour les salariés mais aussi pour toute l’économie du bassin d’emploi », alerte Patricia Canto.

Les élus locaux sont également engagés dans la bataille. Ils ont envoyé un courrier à l’actionnaire pour lui demander de renoncer à la fermeture de la ligne 4. Et dans une lettre ouverte publié le 11 juillet, le député Sébastien Peytavie a interpelé les maisons d’édition, estimant qu’elles avaient « le pouvoir de demander le maintien de cette ligne pour préserver le savoir-faire et l’indépendance industrielle de la France ».

Trois PSE en 15 ans

L’intersyndicale est également en contact avec le gouvernement. Une réunion en visioconférence a été organisée le 12 juillet avec le ministère de l’Industrie. « Nos interlocuteurs nous ont dit qu’ils se saisissaient du dossier et qu’ils feraient venir la direction pour lui poser des questions », explique la militante.

Car en 2021, pour sauver l’emploi, l’usine avait bénéficié d’une opération de « sauvetage », assortie de 33 millions d’euros d’aides publiques pour reconvertir l’autre ligne de production et investir dans une nouvelle chaudière, moins énergivore. On croyait alors l’entreprise sauvée. La pilule est d’autant plus amère.

Si le groupe arrive à ses fins, dans quelques mois, il ne restera plus sur le site qu’une ligne de production spécialisée dans la fabrication d’étiquettes en papier. L’activité sera-t-elle viable ? La secrétaire du CSE redoute une fermeture pure et simple de l’usine. « C’est difficile de voir l’entreprise péricliter peu à peu, témoigne-t-elle. Quand j’ai été embauchée, à la fin des années 1980, nous étions près de 1300 salariés. C’est le troisième PSE que je négocie en 15 ans. On essaie de mobiliser tout le monde et on y met toute notre énergie. »

Une nouvelle manifestation est d’ailleurs programmée le 25 juillet, jour du passage du Tour de France féminin juste devant l’usine. Quant à la prochaine réunion avec la direction, sur le PSE, elle est prévue le 1er août.

Clarisse Josselin Journaliste à L’inFO militante